mardi 25 février 2014

Profession : stagiaire

Le titre fait référence à cette BD.

Le débat actuel sur les stagiaires peut sembler saugrenu pour les profanes. Par "stage", d'aucun pensent à l'image d'Epinal de l'étudiant en BTS qui passe quelques semaine à faire du café, des photocopies et à jouer au démineur. Alors pourquoi une telle polémique ? Pourquoi évoquer des questions de rémunération ou de durée ? Après tout, un long stage rémunéré, ça existe déjà : c'est l’apprentissage !

Effectivement, parmi les stages, il y a ceux accordés aux enfants d'employés. Certaines entreprises prennent régulièrement des stagiaires auprès d'une école (parce que le patron est un ancien ou que l'école est au coin de la rue.) On reste dans le stage bon enfant. C'est un moyen pour l'étudiant de se familiariser avec le monde de l'entreprise (tant pour les bons, que les mauvais côtés.) Je garde d'excellents souvenirs de certains stages et de certains tuteur (le pseudo "Alain" est d'ailleurs un hommage à l'un d'eux.) Ca donne un peu d'expérience. Ca permet aussi d'apprendre à pipeauter afin d'enjoliver ce qui a été fait (le stage "machine à café/broyeuse de document" devenant une "mission à responsabilité".)
Certaines entreprises refusent les stagiaires. Elles avouent qu'elles n'ont pas le temps d'en prendre ou pas de missions à leur confier. C'est dur pour la personne en recherche de stages, mais au moins, elles sont honnêtes.

Le problème, c'est qu'il y a des dérives.
En général, les stages ont lieu l'été, après l'année scolaire. Ca tombe bien, l'été, les employés partent en vacances. Certaines entreprises se servent des stagiaires comme intérimaires gratuits. Je me rappelle une réflexion d'un ancien responsable : "On doit renforcer notre équipe commerciale... On doit trouver un stagiaire ! Faites le tour des écoles et demandez qu'on nous en envoi un !" Le droit du travail précise pourtant qu'un stagiaire ne doit pas servir pour faire face à un accroissement temporaire d'activité, occuper un emploi saisonnier ou exécuter une tâche régulière. Mais vous allez vous plaindre auprès de qui ? Ce que les entreprises oublient, c'est qu'un stagiaire est un débutant (donc maladroit) et qu'en tant qu'étudiant, il a un bon égo (il pense qu'il mérite mieux.) Comme m'a dit un stagiaire la semaine dernière : " Je suis payé 65% du SMIC, donc je bosse 65% du temps. " Et le chef qui cherchait des stagaires ? Il en a vu défiler 4 en 2 mois... Et il ne comprenait pas pourquoi il ne restait pas.
Dans les grandes entreprises, on passe carrément des offres de stages dans les sites de recrutement. En général, il s'agit de rédiger des rapports internes, de servir d'assistant pour un chef de service ou carrément de gérer un projet. Après, ces entreprises se plaindront de la fuite d'informations confidentielles... Ce sont des jobs de cadres, voir de cadres supérieurs. Ces entreprises vous font éventuellement miroiter un CDI. Ou bien, elles vous diront que c'est une expérience valorisante pour votre CV. Bien sûr, le jour où le stage se termine, point de CDI. A moins d'être naïf, vous vous êtes bien rendu compte qu'on vous a enfumé. D'où une productivité en berne sur la fin. Votre tuteur ne se met pas à votre place. Quelques mois plus tard, lorsqu'un employeur potentiel appelle pour "prendre une référence", il vous saquera en règle...
Les pires situations sont dans les secteurs artistiques, culturels, l'événementiel et le social.Il y est très difficile de décrocher un CDI. Les débutants vont de stages en stages, quitte à s'inscrire à des formations bidons. Les employeurs sont des entreprises de service, qui facturent de la prestation. Pour casser les prix, il leur faut des stagiaires. Et pour traiter simultanément plusieurs dossiers, elles recrutent des bataillons de stagiaires. Ces entreprises ont beau jeu de dire qu'avec des CDI, leurs finances seraient plombées. En fait, l'emploi massif de stagiaires est au cœur de leur modèle économique ! Voilà pourquoi il a fallu limiter le nombre de stagiaires par entreprises, la durée des stages et imposer une rémunération minimum. L'allié objectif de cette exploitation, ce sont les nombreuses formations en communication, en art, en sciences sociales, etc. qui n'offrent aucun débouchés. D'où ces flots permanents de stagiaires. Mais si vous touchez à ces formations, on vous traitera d'anti-intellectuel, d'assassin de la culture, etc.

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