mercredi 23 février 2022

Dépression jusqu'à lundi, maximum

Burn-out, dépression, charge mentale, envies suicidaires... La souffrance mentale est de plus en plus évoquée dans l'entreprise. Durant les phases de confinement, des salariés ont souffert. Et contrairement à ce qu'on a cru, tout n'est pas revenu à la normal avec le retour au "présentiel à 100%".

On reste souvent dans les stéréotypes, à lier stress et (sur)charge de travail ou dépression à solitude. On peut être marié et se sentir seul. On peut avoir un job cool et être pourtant stressé. On s'imagine aussi qu'après un bon repos ou un peu de shopping (le Blue Monday), la maladie se sera évaporée...

La réaction de vos collègues et de la hiérarchie, elle, varie suivant votre environnement.

Dans les TPE, PME et ETI, le turnover des employés est souvent plus faible. Le manager, voire le gérant de l'entrepris vous connait depuis ds années. En cas de souci, il sera donc généralement plus compatissant. Paradoxalement, bien que les ressources y sont limitées, une PME sera davantage capable de soulager la charge de travail d'un employé ou de faire face à une absence prolongée due au traitement.
Bien sûr, il y a des exceptions. J'ai travaillé dans une entreprise où un salarié en arrêt maladie s'est suicidé. La direction s'est contenté d'une affichette.

Dans les grands groupes, en théorie, les managers sont sensibilisé. Mais ce sont des formations de 5 minutes sous Teams, suivie d'une oreille. En plus, salarié -voire manager- déprimé ou pas, la hiérarchie voudra les mêmes délivrables. Et puis, il y a davantage de rotation. Le manager est à ce poste depuis quelques mois, il ne connait son équipe qu'à travers les confidences à la machine à café...
Au début, le salarié souffrant se verra aménager ses horaires et ses responsabilités. Mais très vite, on risque de lui dire : "Ça va mieux ? Tu peux reprendre à 100% à partir de lundi ?" Ou la variante, plus subtil : "On va continuer à lever le pied. Par contre, le cascading de mardi, tu dois impérativement y être. Et pour tel dossier, je ne peux pas m'en occuper, donc, tu le récupères. Quant au kpi..."
En prime, les campagnes de sensibilisation sont volontiers pollués par les idées woke. On acceptera donc moins facilement qu'un homme blanc se plaigne.
Qui dit grand groupe, dit carrière, notation, progression, etc. Lever la main pour dire "ça ne va pas", c'est risquer de sacrifier son développement. Un junior se demandera même si l fait de se plaindre n'est pas une marque de faiblesse ; qu'il n'est pas capable de travailler dans cet environnement, alors qu'il vient juste de commencer...
Bref, loin des discours, on préfère glisser la poussière sous le tapis. J'ai travaillé dans un groupe où un salarié s'était pendu dans les toilettes. Réaction du groupe : supprimer les paternes dans les toilettes... Sauf sur les plateaux presta !

Pour le prestataire, c'est pire. Il se retrouve bien seul. A qui va-t-il confier ses états d'âmes ? A un commercial qu'il voit tous les 6 mois ? Un cabinet de prestation est censé fournir du personnel au top, pour effectuer des missions. Un consultant en souffrance a failli à sa mission. Et c'est un problème pour son manager. Sur le pointage mensuel des heures, un cabinet avait rajouté un "météo du mental" avec au choix 🌞,⛅ou⛈... Et au bout de quelques mois, on m'a engueulé parce que je cochais trop souvent "⛅".
Un consultant en dépression sera prié de se cacher, sinon il peut se considérer comme déjà licencié. Au mieux, il peut négocier avec le client.

Et si vous êtes chômeur ? Là, c'est le pire des cas. Le chômeur déprimé est littéralement seul. A qui va-t-il parler ? Au QCM que vous envoie Pôle Emploi ? A la boite vocale ? Personne n'est là pour vous. D'ailleurs, personne ne va remarquer votre état.

dimanche 13 février 2022

Deuxième dernier jour

La particularité du prestataire, c'est que vous avez deux derniers jours. Le second suivant souvent le premier...

En théorie, lorsque votre mission s'arrête, vous passez en intercontrat.
Lors de l'entretien, le cabinet s'était vanté d'avoir quantité de clients. La première mission, c'est juste une mise en jambe. Après, vous aurez des responsabilités ! Au pire, on vous garde au chaud. Un intercontrat peut rester chez lui, en attendant que l'on vous trouve une mission. Mais avec des convocations aléatoires, afin de vérifier que vous ne faites pas le mur (exactement comme à Pole Emploi.) Parfois, le consultation part en formation (une manière plus subtile de vous avoir à l’œil.) Enfin, parfois les intercontrats effectuent des missions de prospections de la clientèle.

Du moins, ça, c'était avant, dans les vrais cabinets d'ingénierie. Ils estimaient qu'en moyenne, 10% de la masse de leurs consultants étaient en intercontrat. Ils avaient des locaux dédiés, des protocoles, des responsables, etc. Or, cela coutait très cher. Et ce cout était répercuté dans la facturation des prestations.
Les cabinets bidons, eux, suppriment les intercontrats.

Que se passe-t-il si votre mission s'arrête ?

1) Lorsqu'elle s'arrête parce que votre N+1 ne veut plus de vous. Si votre N+1 fait appel à des prestataires, c'est souvent que la situation de son service est chaotique (réorganisation, PSE...), voire que le N+1 est complètement toxique et personne ne veut travailler pour lui ! Donc, souvent, vous n'êtes qu'une énième personne qui défile.
En théorie, votre responsable, au sein du cabinet, est là pour vous appuyer. Quelques jours après la fin de la mission, c'est le débriefing. Très vite, vous comprenez que vos arguments sont irrecevables. Votre responsable vous écoute à peine. Il finit par brandir le commentaire de votre ex-N+1. Ça y est, vous êtes cuit. Ce qui suit, c'est un classique entretien disciplinaire : on vous propose un rupture conventionnelle, point final.
2) Lorsque tout se termine pour des raisons indépendantes de vous. Entre temps, le consultant qui vous suivait est parti. On vous demande de "mettre à jour votre dossier". Là, le cabinet a du mal à vous recaser. Soit il vous propose des missions à 200km de chez vous. Soit il tente de vous placer sur des missions loin de votre périmètre de compétence. Un intercontrat, ça coute cher, surtout si c'est un senior ! Votre mission s'est terminée il y a une semaine, mais vous êtes déjà un "problème" au sein de la société. Le patron du cabinet va vous rappeler pour vous "conseiller" d'accepter la mission à 200km. Si par miracle, on vous trouve une mission pas trop loin et dans votre périmètre, plus de souci. Sinon, la pression ira crescendo. On vous poussera à venir pointer, chaque jour, jusqu'à ce que vous démissionnez. A moins qu'on vous propose une rupture conventionnelle.