lundi 15 novembre 2021

La Grande Démission

C'est un phénomène important aux Etats-Unis : des démissions massives de salariés. Et il débarque en France. Rassurez-vous, les personnes toujours entre deux chômages, comme moi, cela ne signifie pas pour autant davantage de boulot !

Chacun avance ses propres chiffres et ses propres explications. Le plus visible, ce sont des gens qui ont carrément quitté le marché de l'emploi. Ce sont soi des personnes ayant anticipé leur retraite, soit des femmes qui ont préféré rester au foyer. Dans ce dernier cas, ce sont principalement des employées de la restauration, de la santé ou du secteur éducatif. Soit des gens qui se sont retrouvés sans activité pendant n mois et qui ont fini par décrocher. Soit au contraire des gens ultra-sollicités durant le Covid et qui en ont eu marre des semaines de 70h.

De ce que j'ai vu personnellement, en France, le démissionnaire est plutôt un quadra masculin. C'est la conjonction de plusieurs phénomènes. Lors du premier confinement, on nous expliquait que la mort était dans la rue et qu'on risquait tous d'y passer. Beaucoup de cadres se sont retrouvés avec une charge de travail faible, à tourner en rond chez eux. C'est l'aquabonisme.
A la reprise, les soucis n'étaient pas fini. Avec le télétravail et les réunions sous Teams, le lien social se distend.
S'y ajoutent des problèmes plus anciens : entreprise qui change de paradigme tous les quatre matins, valeur ajoutée des managers très discutable, sentiment d'injustice, fort turnover... Bref, un jour, vous en avez marre. Certains font une rupture totale et d'autres se contentent de partir ailleurs. Dans tous les cas, ils partent en faisant un doigt d'honneur, zappant par exemple le traditionnel pot de départ.
Le dernier point, c'est qu'il y a un effet d'entrainement. Pour peu qu'un service soit dans une situation inconfortable (sortie de PSE, manager toxique...), d'autres vont plaquer leurs motivations sur l'histoire du démissionnaire.

Comme d'habitude, les DRH évitent les sujets qui fâchent. Faire semblant de s'étonner d'une fuite de cadres. Se persuader qu'avec trois affiches, les problèmes seront résolus. Les gens veulent souvent juste du respect et de la considération.
L'erreur N°1, c'est de mépriser ceux qui partent. Or, dans une entreprise, les fainéants, les cerveaux plats, eux, souvent, ils restent ! Parmi les plus de 30 ans, les démissionnaires étaient souvent les plus motivés et les plus productifs. Ils s'investissaient beaucoup et ils ont été d'autant plus déçus. Et parce qu'ils s'investissaient beaucoup, ils seront d'autant plus difficile à remplacer.
L'erreur N°2, c'est de croire que les employés en bas de l'échelle sont interchangeables. Et comme ce sont souvent des hommes, chic, on pourra ouvrir des postes aux femmes ! Dans le cas d'un manager, le N+2 sera "acting". Comme cela, lorsqu'enfin, un poste est pourvu, le cadre va se rendre compte qu'il a atterrit dans une pétaudière. J'ai vu des managers partir ainsi au bout de quelques mois.

samedi 13 novembre 2021

C'est sexiste !

Je travaille depuis peu en prestation dans une entreprise qui aime les formations.
Même les prestataires y ont droit ! J'ai ainsi été formé au "sexisme au travail". On nous a montré trois vidéos :
1) Un groupe d'hommes discutent et ils parlent études. Ils sortent tous de la même école. Une jeune femme arrive au milieu du groupe et elle a effectué un cursus différent. L'un d'eux souffle pas très discrètement : "Encore un quota..."
2) Une femme fête la fin de sa période d'essai (à l'eau gazeuse !) Lors du pot, elle annonce qu'elle vient de se marier. Dans l'assistance, quelqu'un glisse à un collègue : "Dans 3 mois, elle sera enceinte..."
3) Une femme bricole un équipement. Un de ces collègues masculins intervient : "Ouhla, ce n'est pas un boulot de femmes ! Vous avez les habilitations pour ?" Puis elle finit par faire marcher l'équipement, que le collègue disait pourtant "irréparable".

A chaque fois, la vidéo force le trait. La jeune femme dynamique vs le vieux beauf lourdingue et neuneu. La formatrice était visiblement très engagée, donc impossible de répondre : "Oui, mais..."

Dans la vraie vie, les situations sont plus complexes. Donc le sexisme est moins évident.
1) Oui, il y a des quotas, d'ailleurs, c'est une obligation légale. Lorsque tout le monde sort de la même école, effectivement, c'est néfaste. Après, pour un poste technique, il faut une formation initiale technique. Les gamines avec un Master de sociologie n'ont pas ce vernis et neuf fois sur dix, elles refusent de l'acquérir. D'où un périmètre d'activité très limité ; ce sont les fameux travail de femmes.
2) Oui, une fois que les femmes acquièrent une certaine stabilité, elles ont tendance à tomber enceinte. J'ai ainsi effectué des missions de remplacement durant cinq congés maternité ! Et à chaque fois, il s'agissait de personnes présentes dans l'entreprise depuis moins d'un an. C'est pénible pour le manager, car sa nouvelle embauchée lui file entre les pattes. Il doit faire appel à un intérimaire (comme moi) et pour le knowledge management, il faudra repasser... Si c'est votre manager qui tombe enceinte, c'est d'autant plus rageant. Elle est rarement remplacée et pendant 6 mois, votre N+2 gérera de très loin le service. Et si vous voyez un quota être promu, puis tomber enceinte, vous aurez une tendance certaine au cynisme.
3) Oui, pour évoluer dans un environnement dangereux ou pour travailler sur certains équipements, il faut des habilitations. L'employé doit être correctement formé et équipé avant d'agir. Et oui, il faut montrer patte blanche ; il en va de la responsabilité du chef de zone. Tant pis pour l'égo de la SJW avec son Master en sociologie.

En fait, le message général, c'est que les sociétés embauchent des quotas. Elles sont rarement productives et souvent toxiques. Mais c'est comme ça et il faut faire avec. Le simple fait de poser des questions, c'est sexiste.
En 2017, un employé de Google mit en ligne une longue réflexion sur la politique égalitaire de l'entreprise. Son ton était très tiède, pesant le pour et le contre. Mais ce fut un tollé et il fut licencié. Sundar Pichai, le PDG de Google, posta une lettre ouverte. Il jura que ça ne se reproduira plus ; la diversité est un dogme. Avec un culot certain, il s'inquiéta que certains employés n'osent plus exprimer certaines opinions. Sundar Pichai voulu les rassurer en les encourageant à parler. Sauf que son but, ce n'est pas d'ouvrir un débat, mais d'identifier les contradicteurs pour mieux les écarter.

mardi 9 novembre 2021

Vous aimez Excel ?

Regardez cet homme, il est heureux : il vient de boucler son e-book sur l'amélioration continue.

Que font les managers, dans les ETI et les grands groupes ? Pas grand chose et c'est pour cela que leurs postes sont en porte-à-faux.

Mais n'allez pas croire que leur charge de travail est nulle, au contraire. Ils sont très occupés, mais avec ds tâches sans intérêt.
- Du micro-management. C'est le nerf de la guerre. Regarder par dessus les épaules de leurs employés. Comptabiliser des micro-tâches, intervenir dans le day-to-day. Le manager doit quasiment être en copie de chaque mail. Les réunions de service deviennent interminables, car on remplie en direct tel Excel. Au moins, avec le télétravail, pour ce genre de conneries, la plupart des gens ont coupé leur micro et ils sont sur leur smartphone...
- Du reporting. En théorie, un tableau de bord, c'est un thermomètre. Mais généralement, le tableau de bord devient un outil pour jauger le travail du manager. Donc personne ne veut de compteurs dans le rouge, surtout en fin d'année. J'ai travaillé dans un service chargé de collecter les donnés et de les compiler. J'ai très vite compris que chaque couche de management faisait des arrondis et des anticipations. A l'arrivée dans mon service, ça n'avait plus aucun lien avec la réalité. Mais en fin d'année, on était heureux d'avoir atteint les objectifs ! J'avais l'impression de travailler au CUNKhU ! On se vantait des progrès réalisés grâce à des travaux qui n'avaient même pas commencé. D'ailleurs, vous n'aviez pas besoin de faire ces travaux, vu qu'on en avait déjà récolté les fruits !
- De l'amélioration continue. Partout où je suis passé, les services travaillaient sur un projet transversal. Réorganisation de service, réécriture des procédures de qualité, création d'une base de donnés interservice, mise en place d'un nouvel outil stratégique, etc. C'est-à-dire les projets que l'on confiait autrefois à des cabinets de consultants. Désormais, ils sont réalisés en interne. Ça coute moins cher et cela occupe les managers. Au moins, les consultants connaissaient leur matrice BCG et leur Pareto. Les managers actuels manquent souvent de connaissances théoriques et c'est fini, le temps où l'on potassait les publications de l'Harvard Business Review... Surtout, ils n'ont pas de recul, ni de motivation. La réorg', c'est un boulot de stagiaire. Et avec tous les jalons de contrôle et de bilan, on n'en voit jamais le bout... Dès que l'un des principaux animateurs quitte le navire, le projet est aussitôt enterré.
Avant, lorsque les consultants repartaient, ils laissaient derrière eux de jolis classeurs. En général, on les donnait à lire au nouvel arrivant, puis ils prenaient la poussière. Désormais, les fichiers des réorg' passés sont condamnés à rester dans un dossier oublié du serveur du service...

mercredi 3 novembre 2021

Yves

J'ai travaillé dans un groupe groupe international. Dans mon service, le doyen des employés était particulièrement acerbe. On va l'appeler Yves. Il envoyait des soi-disant plaisanteries aux autres, alors qu'il n'en pensait pas moins. 

Au début, je pensais que c'était juste un grand con. Puis, en tant que prestataires, j'ai pu travailler dans d'autres services et j'ai croisé d'autres personnes comme Yves.

Le premier effet Kiss Cool, c'est que les grands groupes, dans les secteurs peu féminisés, courent après les femmes. J'ai déjà évoqué les postes féminins.
En tant qu'homme blanc, Yves se retrouvait avec une forte charge de travail. Pendant ce temps, Samantha avait négocié un 3/5e, car elle devait donner des cours à la fac. "Grumpy cat", arrivée comme intérimaire, signa un CDI. Elle était compétente, par contre, elle était aimable comme une porte de prison. Et elle fêta son CDI en tombant enceinte. Isabelle, elle était plus souvent à la cafétéria qu'à son bureau... Mais elle avait parfaitement conscience d'être intouchable. Donc, elle se faisait balader, de services en services.
Notez que parmi ms collègues prestataires, les femmes avaient largement plus de chances d'être intégrées. Ce fut le cas notamment d'Olga et d'Houna. Cette dernière tomba enceinte peut après avoir signé son CDI. Quant à Olga, elle avait caché sa grossesse lorsqu'elle fut embauchée.

Le second effet Kiss Cool, c'est que les femmes étaient facilement promues. La N+1 d'Yves, c'était Gwladys, une femme de 15 ans de moins que lui, moins diplômée. En prime, elle était adepte de la méchanceté gratuite. Vu qu'ils était notés aux livrables, Samantha (qui n'avait rien à faire) eu de très bonnes notes et elle revendiqua une promotion. Et bien sûr, elle était enceinte lorsqu'elle passa chef d'équipe.
Pendant ce temps, des gens comme Yves voyaient leur carrière bloquée. Les RH leur disaient : "On déjà a trop de managers masculins et blancs." J'ai vu un chef de service patienter deux ans pour obtenir une vraie promotion. Sans oublier le "ta collègue/chef est en congé maternité, donc tu feras son boulot, en attendant."

Cette obsession paritaire est ubuesque. Pour atteindre les quotas, des employées médiocres connaissent une belle carrière et l'on jette des roses sous leurs pieds. Tandis que les employés masculins sont complètement marginalisés. En cas de plan social, ce sont les premiers à partir (et souvent, les premiers licenciés), privant l'entreprise de leur savoir-faire. Les femmes compétentes y perdent aussi. Car à force de croiser des quotas, les hommes ont tendance à ignorer les femmes (Isabelle n'était même pas invitée aux réunions du produit sur lequel elle était censé travailler.) D'ailleurs, ces femmes compétentes étaient les plus opposées aux quotas.

mercredi 27 octobre 2021

Qui sumus ?

Faisons une pause dans cette série sur les inégalités hommes-femmes.

Dans The Navigator, on voit le bureau des héros changer deux fois d'enseignes. Certains secteurs sont en ébullition permanente. Les groupes se rachètent, fusionnent. Ou bien au contraire, ils cèdent tel activité. J'ai connu plusieurs entreprises qui avaient ainsi changé trois, voire quatre fois de raison sociale sur les cinq dernières années ! 

Souvent, ces changements sont synonymes de déménagements, de reconversion industrielle et de plans sociaux. Comme dans The Navigator, à chaque nouvelle enseigne, il y a des slogans et un discours ronflant. En pratique, rien ne bouge. Du moins, rien ne bouge dans le bon sens. Lors d'une tournée ds sites, je suis ainsi tombé sur un atelier de SAV, qui portait encore les couleurs de l'entité en 2000. Certaines portions du site étaient en ruine et les employés avaient clairement l'impression d'être oublié.

Plus généralement, dans ces entités qui changent de mains, les gens sont désabusés. Ils voient défiler les PDG et les plans. Un jour c'est blanc, le lendemain, c'est noir. Parfois, les embauches sont gelées pendant n mois. Les employés sont remplacés par des prestataires. Par contre, les postes des managers restent vacants, faute de budget. D'où des managers "acting", soi-disant provisoirement.
Comment être motivé, dans ce contexte ? Vos objectifs actuels seront peut-être modifiés du tout au tout, dans six mois. Votre N+1 n'en sait pas plus que vous sur l'avenir, d'ailleurs, il est peut-être déjà en train de négocier son départ. Les prestataires, eux, n'assurent que le day-to-day et ils finissent par devenir interchangeables. Lorsque le provisoire dure, les internes deviennent minoritaires. Un cercle toujours plus restreint, entre les départs en retraite anticipés, les burn-out et les démissions/licenciements. Le télétravail renforce cet isolement, alors que le liens avec vos collègues se limite à des réunions Teams.

Les politiciens, de droite comme de gauche, réduisent le travail à une feuille de salaire, le 31. Mais l'entreprise, c'est aussi un mythe, une culture, auquel le salarié adhère. C'est une communauté de personnes. On n'aime les règles du jeu ou pas, mais au moins, les règles sont gravées dans le marbre.
Dans l'entreprise instable, tout ceci vole en éclat. Et c'est comme cela qu'en quelques années, une entreprise florissante devient complètement moribonde.

dimanche 24 octobre 2021

Un travail d'hommes

Sanglier Sympa, un compte Twitter disons de droite très conservatrice, a créé ce meme en 2017. Apparemment, il s'est inspiré d'un meme US plus ancien, qu'il a adapté. A l'époque, j'avais trouvé que c'était misogyne, transphobe et plutôt raciste.

Sauf que j'ai vu que c'était une réalité.

Avec le devoir d'égalité au sein des entreprises, on passe d'une égalité des chances à une égalité de résultat. 

J'ai été en entretien dans un entreprise de génie civil, c'est eux qui m'avaient contacté. Les métiers physiques (manutention, maintenance...) y sont presque exclusivement masculin. Alors pour garder un index Egapro favorable, les entreprises féminisent au maximum la partie administrative. Là, en l'occurrence, dans les bureaux, il n'y avait que des femmes. On était en pleine après-midi, un jour de semaine et c'était l'affluence à la machine à café (alors qu'il n'y avait pas de pot de départ.) J'ai pu d'autant plus examiner la situation que la salle d'entretien était tout au fond de l'étage.
J'étais face à une femme, ma future responsable, de dix ans de moins que moi. Je n'ai jamais travaillé dans le génie civil, mais visiblement, j'en savais beaucoup plus qu'elle. Elle n'arrêtait pas de faire des fautes sur les termes techniques (ex : un "maitre d'ouverture" au lieu d'un "maitre d’œuvre".) Le génie civil, ce n'est guère séduisant pour les femmes. Elles se voient pataugeant dans la boue, sous les remarques sexistes des ouvriers... Donc, même pour de l'administratif, il a fallu faire avec les rares volontaires. Ma chef avait ainsi cinq jeunes diplômées en sociologie et elles ne fournissaient même pas 50% de la charge demandée. D'où le recrutement d'un vieux mâle blanc pour assurer les 50% restants, ainsi qu'une partie du travail de la responsable.
C'était un entretien difficile. J'étais au chômage, donc je devais faire le dos rond. Tant pis si la gamine devant moi était complètement nulle. Ce qui bloquait le plus, c'était le salaire. Car évidemment, elle m'aurait payé au même tarif que les cinq autres. Lorsque je suis reparti, une heure après, c'était toujours l'affluence à la machine à café.

Par la suite, j'ai revu ce phénomène, mais de manière moins prononcé. En tout cas, dans un même service, on voit souvent deux niveaux de profil. Un job senior et un job de quota, avec peu d'expérience demandé et un périmètre ridiculement petit. Car certains secteurs manquent de candidates et celles qui arrivent ne sont au niveau. Certaines ont même du mal à venir pointer, 5 jours par semaines de 9h à 18h ! Alors il faut aménager et s'adapter.
Et plus généralement, on voit peu de personnes de plus de 40 ans, hommes ou femmes. L'historique du service, à 6 mois de la retraite, qui est une véritable encyclopédie, c'est fini. Donc vous voyez des chômeurs de 50, voire 60 ans, qui sont embauchés comme consultants.

vendredi 22 octobre 2021

L'inégalités des chances

Le monde de l'entreprise est pavé de bonnes intentions.

L'égalité des chances, (presque) tout le monde est pour. Embaucher et promouvoir quelqu'un, quelle que soit son sexe, son orientation sexuelle, son origine ethnique, ses opinions religieuses, etc. Dans les années 90, les entreprises anglo-saxonnes affichaient des chartes de "equal opportunity employer". En France, les quotas ethniques sont interdits. En revanche, depuis 2018, il existe un index de la présence féminine.

Mais cela reste insuffisant. Dans l'industrie, seul 29% des employés sont des employées. Les entreprises organisent des journées portes ouvertes à destination des femmes. Les DRH se plaignent d'une faiblesse de l'offre. Seules 8% des lycéennes s'orientent vers l'ingénierie ou les mathématiques. Alors qu'elles sont surreprésentées dans la santé.

Certaines voix accusent les entreprises de sexisme. Il faut dire qu'en cas de conflit, le pasdevaguisme prime, au détriment de la plaignante. Je me souviens d'un responsable du service après-vente soupçonné de harceler ses assistantes. J'en ai vu défiler trois en quinze mois (et il y en avait d'autres avant ma venue.) Solution trouvée par la direction : désormais, il n'aurait plus d'assistantes ! Néanmoins, de là à généraliser la situation à tous les services de toutes les entreprises...

L'index Egapro, imposé aux entreprises de plus de 50 salariées, s'inspire d'une pratique déjà courante chez les grandes entreprises. La pression est sur les dirigeants pour maximiser le nombre d'employées, voire de femmes managers.
A compétence égale, les DRH embaucheront une candidate. Mais faute de candidates parfaites, ils vont parfois piocher au fond du panier. Des postulantes a priori écartées (profil inadéquat, absence de motivation, attitude inappropriée...) sont malgré tout embauchées.
Certaines parviennent à déjouer les pronostics et à s'imposer. Et les autres ? C'est un tabou. Les Américains parleraient "d'éléphant dans la pièce" : on sait que le problème est là, il nous embête au quotidien, mais il faut l'ignorer. Dans l'industrie, vous voyez donc fleurir les "keskifoula". Des femmes pas du tout dimensionnées pour leur tâche ou qui se contrefichent de tout. En tout cas, leur productivité est insuffisante. On comprend vite qu'on a affaire à un quota féminin. D'ailleurs, elle a les félicitations de son N+1, qui va bientôt la promouvoir. La keskifoula sent souvent qu'elle n'est pas à sa place, mais si elle démissionne, l'index Egapro va baisser ! Alors il faut la chouchouter...

lundi 18 octobre 2021

Ubérisation, piège à cons !

D'ordinaire, on commence par "j'ai beaucoup de respect pour X, néanmoins..." et là, vous canardez X à l'arme lourde... Là, au contraire, je n'ai pas beaucoup de respect pour Gurvan Kristanadjaja. C'est un jeune journaliste de gauche. Très journaliste, très jeune et très à gauche.
Son Ubérisation, piège à cons vous tombe des mains. La prose est indigente, il ne connait qu'un seul groupe de verbe et uniquement à l'indicatif. On sent que l'auteur n'a pas vécu et pas lu grand chose. Qu'il n'a jamais travaillé dans un bureau ou pointé au chômage. Sa candeur, lorsqu'il découvre que Pôle Emploi ne propose pas de vrais emplois, est touchante. S'il ait bien un livre qu'il a lu, c'est Le Capital, de Karl Marx. Et encore, en diagonale. Car notre ami Gurvan part à l'assaut des patrons filous, face aux travailleurs exploités ! On a l'impression que sa mère va débarquer en disant : "Gurvan, viens mettre la table ! - Mais maman, je suis en train d'écrire un chapitre sur Amazon et comment c'est des exploiteurs sans scrupule !" La manière dont il prend à partie le patron de Cowash, un start-up visiblement au bord du naufrage, est complètement disproportionnée.

Malgré tout, Gurvan Kristanadjaja arrive quand même à brosser un portrait complet de l'ubérisation.
Le moteur, c'est ce qu'il appelle lui-même "l'économie de la paresse". Des jeunes qui ne veulent plus faire la cuisine, conduire ou flâner dans les boutiques. Et ils sont prêt à payer plus cher, pour que ça leur tombe tout cuit dans le bec.
Des start-ups ont flairé le filon. Pas de concept révolutionnaire. Au contraire, ce sont des services qui existaient depuis des lustres. Uber, c'est les bonnes vieilles voitures de Grande Remise. Uber Eat et Just Eat rappellent les livreurs de pizzas. Quant à Amazon, c'est un simple vépéciste. L'atout, c'est le marketing et des applis pour smartphone. Là où les entreprises de service attendaient le client, nos start-up sollicitent les leurs, en leur proposant des remises, de nouveaux services, etc.
L'autre innovation, c'est que ces entreprises n'ont quasiment aucun coûts fixes. L'auteur racontent comment ces start-up viennent dans les banlieues. Elles y trouvent des jeunes, souvent sans diplômes (et parfois repris de justice ou sans-papiers), attirés par l'indépendance et l'argent rapide. Les start-ups leur proposent un statut d'indépendant (Amazon faisant lui appel à de micro-sous-traitants.) Ce sont eux, qui achètent les voitures, les scooters et même les glacières siglées. Là encore, les start-up savent les motiver en montrant en permanence les juteuses commandes qui leur passent sous le nez. Nos banlieusards sont donc au taquet. Du moins, au début. Ensuite, ils déchantent : horaires à rallonge, rémunération en chute libre, absence de couverture en cas de maladie ou d'accident, etc.
Pour Gurvan Kristanadjaja, la solution, c'est une requalification de tout ces "indépendants" en CDI. Sauf que certains ne pourraient pas être employés et que d'autres n'ont pas envie d'avoir des comptes à rendre à un patron. Personnellement, je pense qu'il faudrait surtout réhabiliter l’entreprenariat. Que les gens ait envie de créer une entreprise pérenne, au lieu de se laisser charmer par le premier discours. Cela passe aussi par une éducation du consommateur, qui cautionne un système et se contrefiche des conditions de travail de son livreur.
Le dernier chapitre du livre est intéressant. L'auteur réalise que l'ubérisation touche de plus en plus d'emplois. Que des gens travaillent comme extras avec un statut d'autoentrepreneur. Ça pourrait être le début d'un livre et c'est hélas la fin du sien.

mercredi 13 octobre 2021

Johnny Abbes

"Johnny" Abbes (1924-1967) fut le terrible chef du renseignement militaire de la dictature de Trujillo, en République Dominicaine.

Mario Vargas Llosa l'évoque longuement dans La fête au Bouc. Personnage vulgaire, avec un peu d'embonpoint, Abbes était loin de l'image du tortionnaire rafiné hollywoodien. Il n'était pas particulièrement brillant, non plus. Mais il savait récolter des informations. Dès que quelqu'un bougeait le petit doigt, en République Dominicaine, Abbes était au courant. Il connaissait également toutes les intrigues et toutes les basses manœuvres autour du premier cercle trujilliste. Ainsi, bien au-delà de son rôle, ce minable était la clef-de-voute du régime. Abbes était bien conscient de son pouvoir et plus précisément de son pouvoir de nuisance, qu'il exerçait à mauvais escient. Il n'était même pas intéressé par le pouvoir ou l'argent. Il faisait chanter les gens juste pour son bon plaisir.

En lisant le livre de Vargas Llosa, j'ai immédiatement pensé à plusieurs personnes. Nous vivons dans un monde de managers intermédiaires avec des diplômes de sociologie ou des formations labellisées par de Grandes Écoles. Ces managers n'ont pas le bagage nécessaire pour prendre des décisions. Y compris lorsqu'il s'agit de choisir un nouveau pot à crayons. Alors ils s'appuient sur un Johnny Abbes. Un mauvais génie, sûr de son fait. Il peut mener son N+1, voire son N+2 à sa guise.
Au début, vous l'aimez bien. Enfin quelqu'un qui connait les dossiers ! Enfin quelqu'un avec une vision de l'entreprise ! Enfin quelqu'un avec une opinion. Le premier point énervant, c'est qu'il s'écoute parler.
Mais forcément, vous finissez par avoir des désaccords. Dans un groupe de travail inter-service, neuf personnes proposent blanc, il propose noir, alors le responsable opte pour noir. Pas gris foncé, noir. Vous le suppliez de faire un geste, il vous ressort un alinéa du règlement. Il a commis un faute ? Danger ! Vous avancez à pas de loups. Mais il retourne la situation : c'est de votre faute. Et lui, il n'hésite pas à mettre tout le conseil d'administration en copie du mail. C'est sa parole contre la vôtre. La parole de l'unique personne capable de faire tourner la boutique contre la vôtre. Et si vous êtes prestataire, stagiaire ou intérimaire, vous êtes d'autant plus en porte-à-faux (et Johnny Abbes en profitera...) Autant préparer tout de suite vos affaires...

vendredi 8 octobre 2021

Effet ketchup

Voici un article qui ne parlera pas aux plus jeunes : du ketchup dans une bouteille en verre. Bien sûr, ici, ce n'est pas un de ces sites surfant sur la nostalgie et le "vous avez connu...?" On va parler management.

La particularité du ketchup dans des bouteilles en verre, c'est qu'il défiait la gravité. Vous aviez beau retourner la bouteille, la secouer, etc. Rien n'y faisait. Le ketchup restait au fond. Parfois, par dépit, vous plongiez votre couteau dans la bouteille. Mais souvent, trop souvent, une grande quantité de ketchup tombait d'un seul coup, noyant votre assiette.

Par analogie, en bourse, on a commencé à parler "d'effet ketchup". D'après Google, c'est Lawrence H. Summers qui l'évoqua une première fois, en 1985. Il mentionna ainsi une "économie du ketchup". Concrètement, aucun ordre n'est passé et d'un seul coup, la corbeille s'affole.

Très vite, on a compris que c'était une image très commode pour décrire un évènement passant sans transition du calme absolu à la suractivité complète. Lorsque vous avez un manager Moïse, vous connaissez en permanence des effets ketchup. Il refuse d'agir, tant qu'il n'a pas d'aval. Mais une fois que l'ordre tombe, tout devient urgent !
Qui plus est, l'ordre tombe généralement à 17h15. Vous avez passé votre journée à faire du présentiel. Vous comptiez donc partir plus tôt et voilà qu'on vous impose une longue liste d'actions pour demain matin, dernier délais.

L'employé comprend très vite que son manager possède un pouvoir décisionnel limité ; il aura donc une confiance tout aussi limitée envers son chef.

mercredi 6 octobre 2021

Moïse

Voici un comportement managérial, d'abord décrit dans Dilbert.

Le manager Moïse, c'est celui qui attend des signes "d'en-haut". Non pas du Très Haut, mais du top management. Il ne s'engagera jamais, sans un aval préalable. 

Certes, le manager doit agir dans le respect des directives de sa hiérarchie. Mais le Moïse a généralement trois défauts :
1) Il n'osera pas pousser ses propres idées, par peur de se mettre en porte-à-faux. Il n'osera pas non plus solliciter trop souvent le top management. Un top management qui a, lui, tendance à croire que tout va de soi. Ainsi, pour un nouveau projet, le manager n'osera pas solliciter des embauches, tandis que le top management pensera qu'il existe une équipe dédiée, que l'on peut charger à 100%.
2) Même pour les problématiques day-to-day, le manager ne bougera pas tant qu'il n'aura pas de feu vert. Personnellement, j'ai ainsi du attendre deux ans avant d'avoir un nouvel écran d'ordinateur.
3) Le manager devient obsédé par la communication officielle. Pas question de laisser fuiter. Quitte à laisser une équipe travailler sur un sujet officieusement obsolète.

En bref, le manager Moïse est couard et opportuniste (donc souvent menteur, car il nie généralement de jouer les girouettes.) Vous ne pouvez pas comptez sur lui.

jeudi 26 août 2021

Le management intermédiaire, victime du Covid

Ces dernières années, les grandes entreprises ont réduit leur nombre de sites, le nombre de filiales, de lignes de produits, etc. Néanmoins, pas question de réduire le nombre d'échelons. La pyramide hiérarchique devint conique, voire en tronc d'arbre. Néanmoins, le management intermédiaire a souffert du Covid.

Le premier effet Kiss Cool, ce fut le confinement. Il fallait prendre des décisions, rapidement. C'était une question de vie ou de mort, au sens propre ! Mais les managers furent complètement dépassés. Une pandémie, ce n'était pas dans le manuel ! Et l'indécision est le principe de base du management intermédiaire. Pendant une semaine, le mur se rapprochait. L'Espagne et l'Italie prenaient des mesures de confinement. J'ai assisté à des réunions hallucinantes. La réunion où rien n'avance, c'est un classique. Le fameux "il est urgent de ne rien faire." Sauf qu'ici, avec le Covid, ce n'était plus de mise. Un soir, on est rentré chez nous. Les plus prévoyants -comme moi- avaient emporté leur ordinateur. Certaines personnes étaient en congé ou en déplacement, le jour J. Ce fut une pagaille.
Et ce fut la même pagaille au déconfinement. Le mot officiel, c'était "tout va bien". Certains managers, qui cherchaient à bien se faire voir, firent donc revenir des services entiers. Alors que d'autres, hantés par la mise en danger de la vie d'autrui, continuèrent de confiner leurs subordonnés.
Plus que jamais, j'ai eu un sentiment d'inutilité du management intermédiaire. D'un ramassis de trouillards et de yesmen.

Le second effet Kiss Cool, c'était l'entreprise en distantiel. Les employés en ont souffert. Mais ce sont les managers qui se retrouvent en porte-à-faux. Avec Teams, on peut désormais organiser facilement de très grandes réunions ; plus besoin de cascading. De plus, les gens vont à l'essentiel ; pas d’apartés pré-réunion. En conséquence, les réunions sont souvent plus courtes, de quoi libérer de la charge de travail. Or, le but d'une entreprise, c'est d'avoir des employés plutôt chargés. A fortiori avec les coûteux managers.
On semble s'orienter vers des organisations plus horizontales. L'avantage, c'est un information qui circule plus facilement. Après, cela veut dire que votre N+1 et votre N+2 ont doublé, voire triplé leur nombre de subordonnés directs. Plus questions de faire du service personnalisé...

lundi 23 août 2021

La fin du management Athénien ?

Une brève histoire du management. A Athènes, à l'origine, il y avait un polémarque. C'était grosso modo le ministre des armées de la cité. Lorsque la ville gagna en influence, on vit apparaitre des stratèges. A l'origine, c'était des délégués des tribus soumises à Athènes. Puis ils évoluèrent vers un rôle de chefs militaires. Ils dépendaient théoriquement du polémarque, en tant que représentant civil. Puis, l'armée athénienne grandit en nombre d'hoplites et se diversifia (lanciers, cavaliers, marins...) Athènes créa d'abord des taxiarques, pour gérer les différents corps et faire la liaison avec les stratèges. Les taxiarques eurent à leur tour trop d'hoplites sous leur responsabilité, d'où la création des syntagmatarques. Ensuite, on vit apparaitre des tamatarques et enfin, le lochagos. A ce moment-là, enfin, chaque officier, à chaque niveau, possédait un nombre acceptable de personnes à gérer.
Ce fut la base de la hiérarchie militaire. A la révolution industrielle, on calqua ce concept pyramidale dans l'entreprise.

Et c'est à peu près tout. Deux mille cinq cents ans après la Grèce antique, rien n'a bougé avec un conseil d'administration, des top managers, des managers intermédiaire et des chefs de service. Dès qu'un manager a plus d'une vingtaine de personnes sous sa responsabilité, on crée un rang intermédiaire.
Parfois, le chef d'équipe est un employé senior. Par exemple, un responsable commercial qui serait également en charge des grands comptes. Mais plus on monte et plus le rôle des managers se limite à escalader et à cascader. Durant les Trente Glorieuses, vous aviez de grands groupes, très diversifiés, avec de nombreuses implantations géographiques. Il fallait donc beaucoup de chef d'unités. J'ai travaillé dans l'un de ces grands groupes, qui s'était depuis restructuré, recentré, etc. Pourtant, le nombre d'échelons intermédiaires n'avait pas diminué.
Au fil de ma carrière, dans les entreprises où je suis passé, je reportais toujours plus haut. Les employés comme moi mettent les petits plats dans les grands à chaque entrevue (même téléphonique) avec les "gens hauts placés". Personnellement, à la sortie, j'avais surtout une impression de vide sidéral. A part leurs grands airs et les nombreux galons sur leur épaule, ils ne sont pas particulièrement brillants. Soit vous avez des micro-managers. Dans un compte-rendu de codir, vous aviez trois pages sur le réaménagement d'une salle de réunion (et c'était une petite salle pour dix personnes.) Soit, au contraire, ce sont des gens qui vivent dans une tour d'ivoire. Ils ne connaissent l'entreprise qu'à travers des Excel et des PPT. De 8h à 20h, six jours sur sept, ils ont le nez dans le guidon. Ils en sont devenus incapable de faire face à des problèmes pratiques.
Il faut bien comprendre que dans le management intermédiaire, la prise de décision n'est pas proscrite et encore moins encouragée ; elle est sanctionné. Celui qui sort du rang n'a que des coups à prendre. Si l'initiative fonctionne, il va effrayer son manager. Un rastignac est conscient de son incompétence. Un subordonné intelligent est un futur rival. Mieux vaut le nommer aussitôt manager de la filiale aux Kerguelen ! Si l'initiative est un échec, le manager sera un paria. Bientôt, on lui collera tous les maux de l'entreprise. Puis, tel le bouc de Kippour, aux temps antiques, il sera sacrifié et la vie reprendra son cours.

Avec les initiatives récentes, comme les ratios d'égalité et de diversité, on voit débarquer des personnes diplômées en sociologie. Au moins, elles ne feront de l'ombre à personne ! Le principal, c'est qu'elles savent cliquer sur le bouton "faire suivre" du mail...

lundi 28 juin 2021

Motivation dans les chaussettes

Dans vos premiers boulots, vous êtes mo-ti-vé. La première expérience a été foireuse ? Pas grave, cette fois-ci, ça sera la bonne ! Si vous travaillez correctement, on va vous garder, non ? Vous allez terminer votre période d'essai, puis vous ferez carrière ici. Vous aurez des promotions, des augmentations et une belle médaille du travail pour service rendu.
Vous êtes intérimaire ou consultant ? Vous allez bientôt passer en interne ! Hier soir, votre patron vous a tenu la jambe jusqu'à 20h, mais au moins, vous avez bétonné vos chances de CDI ! Et puis, au pire, la boite de consulting a plein d'autres clients...

Avec le temps et au fil des échecs, la motivation chute. L'enthousiasme devient du cynisme. A chaque fois, vous êtes l'un des plus volontaires, l'un des plus productifs, vous atteignez vos résultats... En plus, vous demandez un salaire moindre ! Et pourtant, ça ne marche pas. Systématiquement, on vous vire. Alors vous en avez pris votre parti. Faire votre job du mieux que vous pouvez, jusqu'à votre dernier jour. Lorsque votre patron vous parle de l'an prochain, vous feignez de l'écouter : vous savez très bien que l'an prochain, vous ne serez plus là. Faire semblant, c'est le maître-mot. A la machine à café, vous faites semblant de vous intéresser aux dernières nouvelles du bébé de Ben (alors qu'il casse du sucre sur vous auprès de votre N+1.) Vous faites aussi semblant de vous intéresser à la vie de la société et vous vous rendez à tous les évènements corporate.

Au-delà d'un certain nombre de missions, la motivation tend vers le zéro. Ce n'est pas la tension, qu vous avez dans les chaussettes, c'est votre motivation ! Le cynisme est devenu de l'aquoibonisme. Dès votre premier jour, vous pensez à votre départ. Chaque jour en plus est une petite victoire. "Un mois que je suis ici et toujours pas d'entretien de discipline en vue !" Non pas que vous aimiez le chômage, mais vous vous savez maudit. A force de multiplier les expériences, vous en finissez par vous y perdre. "Salut, Thierry ! - Non, moi c'est Vincent." A quoi bon faire des heures supplémentaires ? A quoi bon s'appliquer à la tache ? Pendant les réunions de service, vous consultez Twitter. Vous faites le minimum syndical. Le café, vous le préférez seul. Et puis côté santé mentale... Il y a ceux qui s'enferment dans des salles de réunions pour pleurer discrètement. Ceux qui ne dorment pas la nuit. Plus rarement, il y a des gens ultra-agressifs, au bord de la confrontation. Puis, un jour, c'est l'entretien fatidique. Forcément, vu la qualité de votre travail, vous avez creusé vous-même votre tombe.

jeudi 13 mai 2021

Les différents styles de management

Durant ma longue carrière, j'ai vu évoluer le management. Voici trois styles de management que j'ai connu.
 

Le management viriliste
C'est le management à l'ancienne. Créer en permanence des conflits, avec un rapport de force. Avec les clients, comme avec ses employés. C'est l'exemple du speech d'Alec Baldwin dans Glengarry. Chez Valéo, vous étiez reçu dans un bureau sans fenêtre, à vous assoir sur une chaise très basse. Votre interlocuteur débarquait avec 30 minutes de retard et il cherchait à vous déstabiliser : "Comment ? Je ne comprends rien à ce que vous dites ! Vous parliez de x et maintenant, vous faites du y ?" Le N+1 parle et son équipe exécute, point. L'objectif, pour le N+1, c'était d'écarter les faibles. N'avoir que des winners, assoiffés de sang.

La fenêtre pour que cela fonctionne est très étroite. D'une part, le leader doit démontrer qu'au-delà des galons, il a du charisme et qu'il est vraiment le plus malin. Personne n'écoutera un minable.
Surtout, il y a l'exemplarité. A l'armée, le caporal gueule fort. Pour autant, il est là, avec les autres, à 6h et il sera le premier à effectuer le parcours. Enfin, lors d'une bataille, le caporal ne laissera tomber aucun de ses Hommes. C'est tout cela qui crée un lien de soumission. Les soldats se soumettent, car leur caporal est un despote éclairé.
J'ai eu le cas d'un chef tyrannique. Tous les matins, on en prenait pour notre grade. Qu'on ait bien fait son travail ou pas. Ce N+1 n'était qu'un yesman. Surtout, il était nul en technique (au point de ne pas comprendre le concept d'évolution d'indice.) Alors à quoi bon ?

Le manager-copain
C'est un style importé des start-ups de la Silicon Valley. On les retrouve beaucoup dans le tertiaire, notamment dans la prestation.

C'est généralement des managers-jeunes. Ils sont à peine plus vieux et mieux rémunérés que vous. Pas de tabous ; on peut tout se dire et les suggestions sont les bienvenues. On se tutoie, on s'appelle par son surnom, on va boire un coup après le boulot...

Souvent, c'est juste une façade. Il écoute vos idées, mais si le N+2 veut faire différemment, il n’argumentera pas. En cas de coup dur, vous n'êtes plus copains. C'est licenciement du jour au lendemain... Et parfois, c'est lui-même qui part du jour au lendemain.

Au pire, c'est un N+1 complètement toxique. S'il demande votre numéro perso, c'est pour mieux vous appeler le soir et le week-end. Il n'hésitera pas à vous culpabiliser : "Dis, on attendait ta présentation. Ton petit a 40° de fièvre ? N'empêche, quand il était couché, tu aurais pu travailler. On était tous très déçu que tu nous laisse en plan..."

Le management féminin
C'est l'antithèse du management viriliste. Un style basé sur la négociation et le compromis. Rien ne doit passer en force, tout doit faire preuve de consensus. Le conflit est un échec. Si une idée ne passe pas, le N+1 doit faire preuve de davantage de pédagogie.

Sauf que l'on ne vit pas dans le monde des Bisounours. Manager, c'est décider. Et chaque décision va forcément affecter négativement tout ou partie du service. En théorie, le management féminin offre un meilleur cadre de travail. En pratique, il y a des risques de conflits larvés, qui explosent violemment.

Or, le N+1 est souvent lui-même noté sur sa capacité à maintenir la paix. Quitte à organiser des usines à gaz pour que le râleur soit calmé. Au pire, on fait appel au N+2 pour qu'il tranche les litiges. A la longue, ce recours au N+2 devient systématique. Le N+1 finit par ne plus rien savoir de son service. Lors du premier confinement, ma N+1 a ainsi réalisé qu'elle n'avait pas les coordonnés personnels de ses employés, qu'elle ne savait pas qui avait des enfants, qui venait en transport en commun, etc.

Généralement, les N+2 optent pour des yesmen. Une personne qui n'ose pas affronter ses subordonnés n'osera jamais affronter ses supérieurs. Il se contentera de forwarder les mails, en cascade.

mercredi 12 mai 2021

Devenez artiste !

Vers 2005, lorsque les blogs explosaient, vous aviez l'impression que tout le monde était artiste ! "Je suis X, je travaille dans Y, mais c'est juste un job alimentaire..." Giulio Menghini s'en moquait dans Fake. Quelques élus ont pu effectivement transformer un hobby en activité pérenne. Beaucoup ont connu des feux de paille : un bouquin, une expo ou un single, mais rien du tout ensuite. L'immense majorité des autres blogs se sont arrêtés au bout de quelques mois, faute de temps. 

Mais dans les entreprises, vous croisez toujours, ici et là, des gens ayant une vraie passion. D'ailleurs, ces gens-là supportent souvent mieux le confinement. Au lieu de se lamenter d'une vie socio-professionnelle perdue, ils ont repris leur passion.

Et puis, il y a les zappés. Toujours entre deux chômages, ils ont le temps de se consacrer autre chose. Plus les années passent et plus ils trouvent un peu d'épanouissement dans cette passion. Seuls leurs amis et leur famille s'intéressent à leur "œuvre". Mais préparer un vernissage (même lorsqu'il n'y a que 5 invités), c'est tellement plus intéressant que le budget du prochain trimestre.
Avec le temps, ils prennent du recul. Leur "job alimentaire" fait du sur-place. Ils vont d'un CDD à un CDI qui ne dépasse pas la période d'essai. Pourquoi chercher à s'intégrer dans une boite qui va vous virer dans 2, 3, 6 mois ? Les managers n'aiment pas les intellectuels : ils veulent de jeunes yesmen qui foncent et travaillent 60h par semaine ! Pas des aquoibonistes ! Surtout que souvent, ce sont des gens qui en savent davantage que leur N+1...

A force, c'est l'impasse. Parmi les blogeurs des années 2000, j'en ai ainsi vu plusieurs forcé de se reconvertir à la quarantaine. Quitter le monde industriel pour une nouvelle aventure. Ce n'est pas qu'une crise de la quarantaine : ils sont souvent en fin de droit.
Souvent aussi, ils ont monté leur propre boite. Des gens auxquels leurs managers refusaient des responsabilités, démontrent ainsi leur capacité de gestionnaires.

En conclusion, si à 25 ans, vous n'arrivez pas à trouver un CDI, cherchez-vous une passion. Ça vous servira à 40 ans, lorsque plus personne ne voudra de vous... Quant aux DRH, n'allez pas vous plaindre ensuite que vous n'avez que de jeunes yesmen avec un fort turnover.

dimanche 9 mai 2021

Le travail sans machine à café !

Actuellement, lorsque le gouvernement parle du travail, c'est uniquement en termes économiques. Mais un travail, ce n'est pas qu'une tache à effectuer et un salaire le 31. Ça, les chômeurs le savent bien...

Avec la pandémie, la plupart des salariés du tertiaire sont chez eux. Cela fera bientôt 15 mois de télétravail. C'est du provisoire qui dure. Certains se sont même aménagés un bureau chez eux. Se lever, allumer son ordinateur et enchainer les réunions sous Zoom. Souvent, ces réunions sont expéditives. Pas de confidences ; on a toujours peur qu'une oreille indiscrète soit connectée... Les plus jeunes se contentent de la messagerie interne. Mais les plus vieux n'osent pas passer des coups de téléphones, juste pour parler de la pluie et du bon temps avec les collègues...

Parfois, il y a des journées de présentiel. On a l'impression d'être au mois d'août : la plupart des bureaux sont vides. Il y a certains collègues qui ne sont plus revenus depuis des mois. C'est à peine mieux que le télétravail. Au moins, vous pouvez faire une coupure nette entre vie privée et vie professionnelle. Mais ensuite, personne avec qui boire un café. Certaines entreprises ont fermé les réfectoires ; on mange à son poste. C'est une vie professionnelle sans ragots, sans pots de départ, sans after-work, sans animation du CE, sans déplacements professionnels, sans sourires... Sans vie, quoi.

lundi 3 mai 2021

"Témoignage"

France Culture a une émission intitulée Les Pieds sur Terre.

C'est ridicule de bien-pensance. Mais ils parlent aussi de l'entreprise, avec de vrais gens... Comme dans Petits chefs, les victimes. Se moquer des micromanagers, l'idée est louable. Hélas, les exemples donnent envie de froncer les sourcils.
Pascal a un chef et elle est... Incompétente. A l'entendre, c'est le drame des baobabs.
Anne passe cadre, à 26 ans et elle ne s'entend pas avec sa N+1. Un an et demi plus tard, elle craque. Pourquoi a-t-elle attendu un an et demi ?
Et puis, il y a Charlotte. A 22 ans, sa boite d'intérim lui trouve un poste d'assistante d'un patron du CAC 40. On est censé croire qu'un patron du CAC 40 va prendre pour assistante une intérimaire de 22 ans... Et le salaud, il cherche à connaitre ses heures de travail ! Mais elle ne s'est pas laissée faire, elle a démissionné et a trouvé un poste à l'étranger ! Voilà un bel exemple de mythomanie. Ce qui semble plus probable, c'est qu'elle a été assistante d'un patron de PME. Et comme elle n'acceptait pas les critiques t qu'elle n'était pas ponctuelle, sa mission n'a pas été prolongée. Mais France Culture prend pour argent comptant ses salades. De quoi douter de la véracité de tous les autres témoignages, de toutes les émissions...

dimanche 21 mars 2021

L'entrisme islamiste

 

Un livre évoque un tabou : l'entrisme de l'islamisme dans l'entreprise.

Personnellement, je l'ai vu. Je ne parle pas d'individus de culture musulmanes, mais bien d'une activisme visant à créer la subversion.
La face visible, ce sont les interdits alimentaires. Dans une entreprise située dans les "quartiers", la cantine était quasiment vide. Lors des after-works, pots de départ et autres repas de fin d'années, une partie de l'équipe manquait systématiquement à l'appel. Mais en creusant un pu, vous vous rendez compte que vous avez affaire à une organisation quasiment-sectaire. Au-delà des affinités personnelles, ils se regroupent et créent des groupes de discussions fermés. Même pour aller boire un café, ils n'invitent pas les non-musulmans ! Surtout, c'est une structure où chacun flique l'autre, notamment pendant le ramadan et sur les activités extra-professionnelles. Quant aux femmes voilées, ce sont des ombres qui ne parlent à personne.
C'est la définition même du séparatisme. Lors d'une visite d'usine, j'ai assisté à une scène hallucinante où des ouvriers musulmans refusaient tout simplement de nous parler ! Certains proscrivent toute communication avec une femme, même par le chat. Un employé peut carrément n'en faire qu'à sa tête, au motif que son chef n'est pas musulman.
Entre parenthèse, ce sont souvent le fait d'émigrés de deuxième ou de troisième génération. Ceux qui arrivent du Maghreb sont souvent plus ouverts. Dans la fameuse cantine, je me souviens d'un stagiaire Marocain étonné (euphémisme) de l'attitude de ses coreligionnaires. Les Arabo-musulmans les plus âgés, eux, ont souvent des mots très durs à l'encontre de ces activistes de l'islamisme.

En tant que manager, cela signifie qu'une partie de son équipe agit suivant ses propres règles et qu'elle refuse de se mélanger aux autres. Ils mettent à mal la cohésion de l'équipe, quant ils ne harcèlent pas ceux qu'ils considèrent comme déviants (femmes, Juifs, Asiatiques, gays...)
Les managers se retrouvent pris au dépourvu. Cela faisait bien longtemps que l'entreprise n'avait pas connu de conflits durs. Les manuels de management disent qu'il faut privilégier le consensus (donc l'indécision) et l'ouverture ; la confrontation est un échec. De plus, il y a la jurisprudence de l'affaire des voiles de Creil (1989) : pasdevaguisme et un personnel en première ligne livré à lui-même. Sachant qu'en face, il y a des militants prompts à dégainer l'arme atomique de l'accusation en racisme. C'est l'angle-mort des luttes antiracistes et les islamistes savent l'utiliser. DRH et N+2 refusent souvent de s'engager sur un dossier brûlant.
On voit le résultat.
Hervé Cornara décapité par un ex-employé "fiché S". Des collègues de Mickaël Harpon s'étaient émus de son attitude et ils avaient voulu effectuer un signalement. Leur hiérarchie a imposé que leurs noms soient écris noir sur blanc, les livrant ainsi à la vindicte. Ils ont refusé.

C'est une situation tendue, appelée à se généraliser, faute de mesure efficace. Beaucoup de managers voudront pousser la poussière sous le tapis, en attendant d'être promu N+2. Certains même, par idéologie, nient le problème. D'ailleurs, certains managers harcelé par les islamistes culpabilisent d'avoir des pensées racistes.

lundi 22 février 2021

La génération Covid au bureau


La nouvelle génération avait déjà mauvaise presse auprès des employeurs. Le Covid ne fait qu’aggraver la situation. Les entreprises, fragilisées par la crise, ne sont guère encline à recruter. Surtout, elles profitent du marché pour embaucher des seniors au salaire d'un junior. Et de toute façon, qui a envie de recruter les diplômés de la génération Covid ? 

Personne ne le dit tout haut, mais tout le monde le pense tout bas...

D'une part, il y a la formation. La pandémie traine en longueur. Notre lycéen qui a eu le bac sous Zoom va passer une année scolaire 2020-2021 confinée. Et le confinement débordera sans doute sur le premier trimestre de 2021-2022. A minima. Il aura donc passé l'essentiel de son DEUG, son BTS, son IUT ou sa prépa à distance.
La tentation est grande de faire semblant d'assister aux cours. Après tout, pourquoi c'est difficile de se sentir redevable d'une université et de profs que vous ne connaissez que par écrans interposés... En prime, les académies donnent des consignes de "tolérance" lors de la notation.
Les dégâts seront très profonds. Et ne comptez pas sur les profs qui récupéreront ces élèves pour les remettre à niveau. On risque d'avoir toute une génération d'étudiants avec des diplômes au rabais.

D'autre part, il y a l'état psychique de ces nouveaux arrivants. Car les étudiants de la génération Covid souffrent d'isolement, de la peur de contaminer leurs ainés, d'une précarité financière... Et beaucoup sont conscients de n'avoir rien appris du tout depuis le printemps 2020.
Cela donnera sans doute des juniors toujours au bord du burn-out et volontiers absents. Or, les managers d'aujourd'hui sont incapables de faire de la calinothérapie. Ils ne savent résoudre de gros problèmes et pour une fois, ils ne peuvent pas confier le bébé à leurs N+1 !

lundi 15 février 2021

Vide...

Qu'est-ce qu'il y a de pire que la prestation en période de confinement ? Le chômage, pardi !

Cette crise sanitaire porte trois caractéristiques mortifères pour les chômeurs :
- Personne ne sait combien de temps cela durera. L'an dernier, on pensait avoir affaire à un virus saisonnier, qui n'aimerait pas l'été. Puis il y a eu la deuxième vague et ensuite, les variants... Le bout du tunnel s'éloigne. D'autant plus que la vaccination patine. Plus personne ne croit au mythe d'un retour à la normal à la fin de l'été 2021. Et en attendant, il faut serrer les fesses.
- La plupart des secteurs économiques sont touchés. Parfois, ce sont même des filières économiques qui sont touchées. Office Dépôt France est en redressement judiciaire parce qu'avec le télétravail, les gens n'ont plus besoin de stylos ou de Post-it. Et ce marasme entraine des suppressions d'emploi, voire des faillites. L'état porte nombre de PME à bout de bras, à coup de chômage partiel. Néanmoins, personne n'est dupe : beaucoup d'entreprises ne se relèveront jamais et l'hémorragie d'emploi se prolongera après la crise.
- Partant de ces deux postulats, les entreprises ont levé le pied sur les investissements et les recrutements. D'une part, il n'y a plus de nouveaux projets (nouveaux produits, réorganisation, certification, déménagement, ouverture de pays...) Des activités qui génèrent du recrutement externe. D'autre part, même face au roulement naturel (départs en retraite, congés maternité, démissions...) Les entreprises optent pour le gel du recrutement.

Tout ceci fait qu'il y a zéro offres d'emploi. Les newsletter des sites renvoient des "dernières offres" qui ont parfois plus plusieurs semaines. Vous pouvez passer des semaines sans le moindre coup de téléphone. Il n'y a même pas de cabinets d'entretien qui se créent un fichier. Donc aucune perspective ; aucune possibilité de retrouver un emploi. En terme d'activité, ce serait comme un mois d'août qui se prolonge ad vitam eternam. Sauf que vous n'avez même pas le côté festif : la vie sociale étant proscrite... Surtout, il n'y a pas de "septembre" : vous ne savez pas combien de temps cette situation va durer. C'est extrêmement frustrant.
Il est évident que personne ne peut encaisser indéfiniment une telle situation. Santé Publique France estime que 19% des plus de 18 ans sont dépressifs. 50% des jeunes se disent inquiets pour leur santé mentale. Dans les cliniques, il y a des listes d'attentes. Aux Etats-Unis, 28% des actifs souffriraient de troubles mentaux. Il n'existe aucun chiffre sur les suicides, ni aucune statistique plus précise sur les chômeurs.
L'OMS s'inquiète sur les conséquences à long terme. Car la crise sanitaire ne sera pas un interrupteur. Le jour où l'on enlèvera le masque, les entreprises ne vont pas se mettre à recruter et les gens ne retrouveront pas le sourire dans la minute...

mercredi 10 février 2021

Y'a quelqu'un ?

Pendant longtemps, le télétravail faisait figure de solution face au présentéisme. Avec le confinement, il fut généralisé. Les gens finir par se plaindre du manque d’interactions humaines et de l'isolement. Les mois passent et la crise du Covid semble s'éterniser. Le déconfinement complet en août ne semble être qu'un doux rêve. Les salariés se plaignent de plus en plus d'une santé mentale dégradée.

Mais il y a pire qu'être salarié en télétravail : être prestataire en télétravail.

Le Covid a d'emblée entrainé une crise économique. Les prestataires sont les premiers licenciés. Il suffit de négocier une rupture anticipée de contrat, avec un dédit. Les cabinets de prestation sont dans une telle mouise qu'ils acceptent volontiers les pénalités de rupture.
De plus, les entreprises ont levé le pied sur les projets : réorganisations, lancements de produits, audits internes, etc. Or, ce sont justement le genre de missions qui nécessitent de la prestation.
Parfois enfin, l'emploi ne peut être effectué à distance (notamment pour les postes opérationnels.) Conserver le prestataire n'aura aucun intérêt, en cas de reconfinement.

Ceux qui restent en place, ce n'est guère mieux. Le télétravail creuse le fossé entre les internes et les prestataires.
Dans certaines entreprises, les prestataires sont exclus des réunions de service. Et là, il n'y a même plus de "radio moquette". Dans certains secteurs stratégiques, les entreprises ne veulent pas laisser des externes manipuler à distance des données confidentielles. D'où un travail tronqué.
Enfin, comme les entreprises limitent les investissements (en capitaux, mais aussi en moyen techniques), la charge de travail a souvent sérieusement chuté. Le prestataire se retrouve donc chez lui, à ne rien faire, en se demandant jusqu'à quand son contrat va se poursuivre...

Les DRH ont souvent perçu la souffrance de leurs salariés. Des outils et des consignes sont données aux managers pour prendre le pouls de leurs équipes. Là encore, les prestataires sont hors du périmètre. Après tout, ils sont censés avoir un manager qui les suit !
En pratique, il y a énormément de turnover parmi les managers de cabinet de conseil. Après quelques mois, "votre" manager est parti. Son remplaçant sait à peine qui vous êtes. Il doit gérer des dizaines de consultants. 1) Il n'a pas le temps de faire des points hebdomadaires avec chacun d'entre eux. 2) Il se contrefiche de vous. Il est payé pour rentrer des affaires, pas pour faire du SAV.

D'où ce sentiment d'être sur une île déserte, oublié de tous...