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lundi 7 août 2023

Tache zéro

Non, on ne va pas parler de lessive ou de programme informatique ! 

Je l'avais évoqué brièvement lors du "deuxième dernier jour" : le devenir du consultant senior en inter-contrat.

Le problème de l'inter-contrat

Dans le temps, le modèle économique des cabinets de conseil incluait les inter-contrat. Ils étaient perçus comme un vivier de talents qui seraient plus utiles dedans, que dehors. Les cabinets possédaient des plateaux pour inter-contrats, avec un protocole, une hiérarchie dédiée, etc. Le coût était inclus dans la facture de prestation ; un genre d'assurance-chômage du cabinet.

En supprimant les plateaux d'inter-contrats, les cabinets économisaient sur le foncier, le personnel sédentaire et cela se retrouvait (un peu) sur la marge. Le client était content et il optait pour le cabinet le moins cher (et ayant le moins de frais fixes.)

Et que faire des consultants en inter-contrat ?
Les juniors, c'est facile : ils démissionnent pour un rien! De toute façon, ils signent des CDI de chantier. Donc plus de mission, plus de CDI.
Quid des seniors ? Les cabinets se battent pour eux ! Les missions de seniors sont plus longues et avec une facturation journalière plus élevée (donc davantage de commission.) Pour recruter des seniors, les cabinets dégainent des CDI "tout court" et ils ouvrent leurs porte-monnaie. Mais en fin de mission, ça se complique. Les seniors possèdent souvent un savoir-faire spécifique et ils sont donc plus compliqué à recaser. D'autant plus que nombre de cabinets possèdent des relations trop superficielles avec leurs clients pour être vraiment à l'affut des opportunités de missions "senior".
Un consultant senior en inter-contrat, c'est une pile d'argent qui brûle, tous les jours ! Alors les cabinets ont une solution radicale : les taches zéro.

Un peu d'historique
Parmi les emprunts à la culture asiatique, les taches zéro sont l'un des moins glorieux.

Vers 1941, l'armée Impériale Japonaise remporta de nombreuses victoires en Asie du Sud-Est et en quelques mois, elle captura 150 000 militaires alliés. Pour les officiers Japonais, un bon militaire devait mourir au combat, plutôt que se rendre. Ces prisonniers étaient donc des "lâches". Il fallait leur faire regretter d'avoir choisi la vie ! Les nazis furent particulièrement cruels et violents envers leurs prisonniers Soviétiques ou Polonais. Néanmoins, le taux de mortalité était sept fois supérieur dans les camps Japonais. L'armée Impériale avait édité un doctrine pour détruire physiquement et moralement le prisonnier. La torture psychologique était théorisée. L'un des outils, c'était des taches sans intérêt. Comme de creuser un trou, le matin et le reboucher, l'après-midi.

Le groupe Daewoo naquit en 1967. Proche de l'autocrate Park Chung-Hee, le fondateur du groupe s'entendit très bien avec son successeur, Chun Doo-Hwan. Le métier d'origine de Daewoo, c'était le textile. Dans les années 80, Chun Doo-Hwan fournit au groupe des prisonniers politiques. C'était de la main d’œuvre gratuite et surtout, le groupe se chargeait de les "corriger". A l'approche des Jeux Olympiques de 1988, la police Coréenne rafla tous les gêneurs, mais aussi les SDF et les jeunes filles ayant fuguées (?) et ils finirent chez Daewoo, où ils furent brutalisés.
Quelques années plus tard, Daewoo implanta en France des usines de fabrication de téléviseurs et de fours à micro-ondes. Les employés français se plaignirent vite des méthodes des cadres Coréens, en particulier les "tache zéro" (zéro intérêt, zéro valeur-ajoutée...) C'était des punitions envers ceux qui ne remplissaient pas leur objectif ou qui s'absentait. La direction ne supportait pas les arrêts-maladies (même justifiés.) L'employé était alors "condamné" à n jours de tache zéro. Comme de nettoyer l'atelier, sans que ses collègues aient le droit de lui adresser la parole. L'objectif était de soumettre les employés et c'était directement issu du passé de l'entreprise.

Les taches zéro en 2023
Ne vous inquiétez pas, un cabinet de consultant ne demandera pas à ses inter-contrats de passer le balais ! C'est plus subtile...

Le but du cabinet de conseil, c'est de pousser dehors le consultant.

Cela commence par la mission inadaptée. "Une mission de neuf mois à Limoges ! Je sais que tu es Parisien, marié et que tu as des enfants. Mais tu dois y réfléchir. On est près à faire un effort sur ta prime quotidienne de 5€." Par la suite, les entretiens avec la hiérarchie débuteront par : "On t'a proposé une mission, que tu as refusé. Tu n'y mets pas du tiens."
Ensuite, on demandera au consultant d'effectuer des taches sans intérêt : tenir à jour un fichier, détailler une définition de poste. Le tout dans un délais court. Et à la fin, votre N+1 regardera à peine votre travail. Ostensiblement, il vous montre que vous vous êtes pressé pour rien.
On peut vous convoquer à des face-to-face pour le lendemain matin (pour être sûr que vous n’êtes pas parti en vacances.) Dans les cas extrême, on vous force à venir tous les matins à 8h et vous passez la journée à ne rien faire. Le personnel sédentaire du cabinet vous est forcément hostile : eux, ils travaillent et vous, cela fait x jours, x semaines, parfois x mois que vous ne faites rien. Et vous êtes là, sous leur nez.
La pression monte crescendo. Évidemment, lors des entretiens avec la hiérarchie, c'est vous le fautif. Surtout si on vous propose un seconde mission foireuse et que vous la refusez. Certains cabinets parlent alors de rupture conventionnelle, en vous donnant le minimum syndical. D'autres vous forcent carrément à démissionner. Ou plutôt, à vous "libérer".

mercredi 12 juillet 2023

Handover

C'est un cas typique du consultant senior. Votre N+1 côté client vous annonce la fin de votre mission (qui ressemble peu ou proue à un entretien de licenciement.) Mais il y a un deuxième coup de couteau dans le dos : quelqu'un d'autre va prendre le relais. Et c'est à vous de former votre remplaçant.

Au début, vos collègues viennent vous réconforter : "Le salaud !", "il aurait dû te garder !" Puis votre remplaçant débarque. Généralement, c'est une femme ou quelqu'un "issue de l'immigration". Surtout, quelqu'un de plus jeune (donc moins cher) que vous. Et ils ont le statut d'interne. Votre N+1 vous disait que les embauches étaient gelées. En fait, elles sont surtout gelées pour les vieux blancs...

Il vous reste trois ou quatre semaines, avant votre départ définitif. Et au fil de ce "handover", votre motivation ira descendo...

Tout d'abord, il y a la phase d'installation. C'est sûr que lorsque vous êtes interne, tout est plus facile ! Vous aviez du attendre des semaines pour avoir accès à tel bâtiment ou à tel logiciel. Le nouveau, lui, il reçoit tout. Le client interne un peu chiant, avec qu'il faut planifier un call trois semaines à l'avance ? Il se montre d'un seul coup affable et disponible. Vous aviez découvert la société avec trois pdf de présentation ? Le remplaçant a droit à un séminaire de formation de plusieurs jours.

Au bout de deux ou trois jours, vous commencez à transmettre les dossiers. Forcément, vous êtes un peu jaloux et vous scrutez ce qu'il fait. "Pourquoi lui et pas moi ?" Votre N+1 vous disait que c'était un petit génie. Si c'est un quota, vous vous rendez vite compte qu'il est sous-dimensionné pour le poste. Lorsque j'ai dû assurer des handovers, je suis tombé sur des gens ayant des connaissances théoriques très limitées. Au mieux, le handover se transforme en cours niveau première année. Au pire, le remplaçant, démasqué dans sa médiocrité, devient franchement agressif, voire hostile.
Et votre N+1 refuse d'entendre les alertes que vous lui remontez. Pourtant, un employé qui n'est pas au niveau aura plus de chances de faire un burn out, voire de démissionner.

Puis il y a la bascule. Désormais, c'est lui qui est informé de l'avancé des sujets. Vous n'êtes plus en copie des mails et vous n'êtes pas invité aux nouvelles réunions. Il est impératif de se tenir informés de ce qui est encore dans votre scope, sous peine de travailler sur des choses déjà traitées par votre remplaçant... Voire annulée, lors d'une réunion où vous n'étiez pas. Car votre remplaçant est désormais très demandé et il considère qu'il n'a pas de comptes à vous rendre !
Vous êtes de plus en plus isolé. Vos collègues ont déjà tourné la page et ils ont intégré le remplaçant. Si c'est un "double-licenciement", personne n'est là pour écouter vos pleurnicheries. Si vous enchainez une autre mission derrière, vous avez vous aussi tourné la page. Ça vous fait bizarre, d'aller encore dans cet entreprise. En tout cas, vous en êtes réduit à faire du présentiel. Seul. Vous avez un sentiment d'inutilité. Vivement la quille !

samedi 12 novembre 2022

Vous êtes doublement viré !

Qu'est-ce qu'il y a pire que de se faire virer ? Une fin de mission de consulting !

Normalement, en tant que consultant, vous devriez avoir des points réguliers avec votre chef (côté client) et le commercial qui vous suit (côté consulting.)
En pratique, il y a un point en début de mission, puis plus rien. Le deuxième point est annulé, car le commercial est trop occupé. Le troisième se limite à un coup de téléphone : "Salut, tout se passe bien ? - Oui. - OK, au revoir." Peu après, un mail vous apprend que "votre" commercial a quitté l'entreprise. Un second débarque. Un point est planifié avec votre chef et vous. Ça y est, enfin du suivi ! Vous allez pouvoir vider votre sac !
Sauf que le jour J, à peine assis, le commercial et le responsable se regardent d'un air entendu : "Donc, on s'est mis d'accord. On arrête la mission."
Au moins, ils n'ont pas tourné autour du pot. Votre N+1 (côté client), il vous a toujours considéré comme un appui provisoire ; il a donc moins de scrupules à vous dégager qu'un interne. Quant au commercial, lui, il ne vous a jamais vu. Toutes les semaines, il a des missions de prestations qui débutent, qui s'achèvent... Il ne fait donc pas plus de sentiments que ça.
Vous, de votre côté, c'est un coup de massue. En plus, il n'y a pas de préavis pour une fin de mission. Une fois, on m'a carrément dit de laisser sur-le-champ mon badge et mon ordi, puis de rentrer chez moi ! 9 fois sur 10, vous êtes encore en période d'essai. Les boites de consulting savent bien qu'une mission dure en moyenne 6 mois. Donc, en prolongeant la période d'essai (4+4 mois chez les cadres), vous êtes sûr que le consultant n'aura pas fini son essai. Donc ça sera le deuxième dernier jour... Au mieux, si votre essai est terminé et que le commercial a vraiment d'autres missions à vous proposer, vous vous sentez trahi. Vous pensiez faire parti de l'équipe et le responsable vous parlait franchement. Non, il a comploté dans votre dos, avec le commercial.

lundi 7 novembre 2022

You're... Fired !

Ce blog existe depuis 8 ans. J'ai évoqué le préavis de départ et le dernier jour, mais curieusement, jamais l'entretien de licenciement.

Les entreprises ne licencient quasiment plus des gens en poste. Le licenciement pour faute est assez bancal. Au pire, on préfère une rupture conventionnelle. Ceux que l'on vire, par contre, ce sont les précaires : intérimaires, CDD, prestataires, personne en période d'essai...

Imaginez la scène. Vous arrivez le matin, comme si de rien n'était. Ce n'est pas le meilleur boulot du monde, mais c'est un boulot ! Vous étiez content d'avoir remis le pied à l'étrier. Ça va mieux, financièrement. Vous osez même faire des projets à moyen terme, comme de planifier vos premières vraies vacances estivales, depuis longtemps. Bien sûr, vous n'êtes pas le meilleur employé du monde. Mais il y a pire...
La journée est banale. Telle commande est en retard. Il y a des frites à la cantine. Les nouveaux porte-clefs de la boite sont arrivés.

Puis c'est l'entretien avec votre N+1.  En général, il commence par tourner autour du pot : "X, vous êtes quelqu'un qui a du talent, mais..." Vous prenez des notes, mentalement : "Pas assez rapide ? OK, je vais m'améliorer." Puis vous remarquez qu'il parle de vous au passé. Intérieurement, vous niez l'évidence, même si vous aviez déjà connu ça, ailleurs : "Non, c'est juste un recadrage. Je suis un de leurs meilleurs éléments..."
C'est là qu'il ressort la grosse boulette que vous aviez fait. Une vraie banderille. Vous êtes désormais à terre.
C'est à cet instant qu'il vous achève : "...Donc, nous avons décidé d'arrêter là notre collaboration." Le ton est rarement agressif. Votre N+1 avait déjà fait le deuil de vous. La décision est prise, vous aurez beau ramper, votre chef ne reviendra pas dessus. D'ailleurs, s'il vous vire, c'est souvent qu'il déconsidérait votre travail.
Il vous fait signer le compte-rendu de l'entretien disciplinaire, comme si c'était un vulgaire papier. Certains vous demandent d'ailleurs de quitter le bureau : "Va pleurer ailleurs, j'ai du boulot !" D'autres, faussement empathiques, enfilent les lieux : "Ce n'est qu'une épreuve, tu vas rebondir. Ailleurs."

Votre monde s'effondre. Cette routine qui s'était mise en place, au boulot. Les projets. Tout est fini. Et surtout, c'est un retour à la case chômage. Vous êtes à la fois triste et en colère. Votre journée défile. Tout vous semble si futile, avec le recul...

A la longue, vous guettez des signes : un dialogue rompu avec votre N+1, un nouveau-venu qui reprend tout votre travail ou tout simplement, un "face to face" complètement inhabituel... Dans une entreprise, deux des mes collègues venaient de se faire licencier. L'un le lundi, l'autre, le mardi. Donc, lorsqu'on m'a convoqué, le mercredi... Il m'est même arrivé d'aller à un entretien, persuadé d'y être viré, alors que ce n'était qu'un point normal ! Et à l'opposé, une fois, j'étais convoqué en fin de journée, le dernier jour de mon CDD. Mes collègues avait signé un CDI. Et moi, on m'a dit de laisser là mon badge, puis de partir sur-le-champ !

dimanche 13 février 2022

Deuxième dernier jour

La particularité du prestataire, c'est que vous avez deux derniers jours. Le second suivant souvent le premier...

En théorie, lorsque votre mission s'arrête, vous passez en intercontrat.
Lors de l'entretien, le cabinet s'était vanté d'avoir quantité de clients. La première mission, c'est juste une mise en jambe. Après, vous aurez des responsabilités ! Au pire, on vous garde au chaud. Un intercontrat peut rester chez lui, en attendant que l'on vous trouve une mission. Mais avec des convocations aléatoires, afin de vérifier que vous ne faites pas le mur (exactement comme à Pole Emploi.) Parfois, le consultation part en formation (une manière plus subtile de vous avoir à l’œil.) Enfin, parfois les intercontrats effectuent des missions de prospections de la clientèle.

Du moins, ça, c'était avant, dans les vrais cabinets d'ingénierie. Ils estimaient qu'en moyenne, 10% de la masse de leurs consultants étaient en intercontrat. Ils avaient des locaux dédiés, des protocoles, des responsables, etc. Or, cela coutait très cher. Et ce cout était répercuté dans la facturation des prestations.
Les cabinets bidons, eux, suppriment les intercontrats.

Que se passe-t-il si votre mission s'arrête ?

1) Lorsqu'elle s'arrête parce que votre N+1 ne veut plus de vous. Si votre N+1 fait appel à des prestataires, c'est souvent que la situation de son service est chaotique (réorganisation, PSE...), voire que le N+1 est complètement toxique et personne ne veut travailler pour lui ! Donc, souvent, vous n'êtes qu'une énième personne qui défile.
En théorie, votre responsable, au sein du cabinet, est là pour vous appuyer. Quelques jours après la fin de la mission, c'est le débriefing. Très vite, vous comprenez que vos arguments sont irrecevables. Votre responsable vous écoute à peine. Il finit par brandir le commentaire de votre ex-N+1. Ça y est, vous êtes cuit. Ce qui suit, c'est un classique entretien disciplinaire : on vous propose un rupture conventionnelle, point final.
2) Lorsque tout se termine pour des raisons indépendantes de vous. Entre temps, le consultant qui vous suivait est parti. On vous demande de "mettre à jour votre dossier". Là, le cabinet a du mal à vous recaser. Soit il vous propose des missions à 200km de chez vous. Soit il tente de vous placer sur des missions loin de votre périmètre de compétence. Un intercontrat, ça coute cher, surtout si c'est un senior ! Votre mission s'est terminée il y a une semaine, mais vous êtes déjà un "problème" au sein de la société. Le patron du cabinet va vous rappeler pour vous "conseiller" d'accepter la mission à 200km. Si par miracle, on vous trouve une mission pas trop loin et dans votre périmètre, plus de souci. Sinon, la pression ira crescendo. On vous poussera à venir pointer, chaque jour, jusqu'à ce que vous démissionnez. A moins qu'on vous propose une rupture conventionnelle.

vendredi 13 novembre 2020

Dernier jour


J'ai fait allusion au premier jour en entreprise. Je n'avais pas parlé du dernier jour. J'en ai connu pas mal, des derniers jours en entreprise... Souvent, cela tombait en milieu de semaine. 

Pour tous vos collègues, c'est un jour comme un autre. Mais vous, c'est la dernière fois que vous venez ici.
Normalement, vous avez déjà confié vos dossiers à d'autres. Vous avez peu de mails ; peu de coups de téléphone. Vous êtes condamné à errer à la machine à café. Peut-être que vous devez assister à une réunion. Cela vous semble alors très abstrait, ces affaires en cours, ces actions à gérer. Peut-être qu'un gradé vous dira : "Vous pouvez traiter ceci ? - Euh... Non, je vais partir... - Quand ? - Ce soir. - Ah, au revoir." Avec le Covid, en plus, la moitié du service est absente. Notamment les collègues qui vous avaient promis un resto pour votre départ. Justement, les collègues sont bizarres. Souvent, ceux avec qui vous aviez sympathisé sont distants. Ils ont déjà tourné la page. D'autres se montrent étonnement proches. On vous a viré à cause de X et X, ils le connaissent bien : il en a déjà fait licencier plus d'un... Vous avez les angoissés du "tu as d'autres pistes ?" Ça y est, on vous réduit déjà à un chercheur d'emploi. Il faudra vous y habituer...
L'heure H approche. Finalement, la journée est passée plutôt vite. Ben quoi, vous n'avez pas le droit à un pot de départ ? Non, rien. Les pots de départ, les cadeaux, c'est pour les autres. Vous laissez un mot d'adieu, puis c'est le moment de laisser votre badge et votre ordinateur. Votre futur ex-chef vous invite pour un ultime mot. Vous auriez envie de lui dire que c'est une peau de vache, qu'il vous a bien eu, qu'en fait, personne ne l'aime. Mais rien ne sort de votre bouche ; vous être trop poli.
Et vous voilà dehors, comme d'habitude. Sauf que cette fois-ci, vous ne reviendrez pas demain. Vous n'êtes plus employé, vous êtes chômeur. Pour votre entreprise, c'est comme si vous n'aviez jamais été là. Un autre prendra votre bureau, votre téléphone et votre ordinateur. C'est fini.

jeudi 29 janvier 2015

Changement d'emploi (2e partie)


Un entretien, lorsqu'on est en poste, c'est une situation particulière. Au moins, vous n'êtes pas totalement dos au mur : au pire, vous avez votre bon vieux boulot. Vous pouvez donc l'aborder de manière détendu. Cela vous donne aussi le droit d'être exigeant. Demandez un meilleur salaire. Les petits cons qui vous imposent un entretien en pleine après-midi (vous forçant à poser un congé) ou qui veulent vérifier vos dires auprès de votre patron, envoyez-les promener ! Idem pour les psychologues de bazar qui vous déclarent que vous n'êtes pas fait pour votre job !

L'entretien pourrait se résumer à une question : "Pourquoi voulez-vous quitter votre poste ?" C'est une question-piège. Les recruteurs adorent les gens en poste. Ils sont plus "frais" que les chômeurs. Mais dans le même temps, ils leur reprochent d'être "infidèles". Vous êtes censé être dévoué ! D'où l'importance d'attendre au moins 3 ans pour changer d'emploi. En dessous, on passe pour un "zappeur". Evoquer son poste actuel, c'est un travail d'équilibriste ! Il faut justifier son envie de départ, sans pour autant en dire trop de mal. Les recruteurs n'aiment pas les gens qui se plaignent de leur travail. Et puis, si vous expliquer que votre journée-type se limite à siroter du café et à surfer sur Facebook, pas sûr que votre recruteur gardera une bonne image de vous. Et pourtant, vous en avez, des critiques à faire sur votre poste actuel ! Vous voudriez vider votre sac et certains recruteurs essayent de jouer les copains : "Alors, c'est pas facile, après toutes ces années, hein ?" Pas facile aussi de souligner vos réalisations : vous en avez marre et vous voyez surtout le "verre à moitié vide". D'où l'importance de bien préparer son speech. "J'aime mon boulot, mais après toutes ces années, je souhaite voir d'autres horizons."
Le souci, c'est souvent le préavis. Un recruteur veut des gens disponibles TOUT DE SUITE. Certains vous demanderont de démissionner de votre job, avant de pousser votre candidature, afin de réduire au maximum le préavis. Fuyez en courant : ça sent la mission bidon de consulting.

mercredi 28 janvier 2015

Changement d'emploi (1ère partie)

L'idéal, c'est de ne jamais être au chômage. De quitter un emploi pour un meilleur emploi. Presque tout le monde en rêve. Certains plus sérieusement que d'autres. Après tout, combien de personnes actuellement en poste sont en fait en "recherche active" ?

Pole Emploi vous conseille d'attendre le licenciement; la démission est considérée comme un luxe. Mais c'est un moyen, pour le salarié, de se reprendre en main, de redevenir maitre de son destin. Vous effectuer un énième CDD au sein de la même entreprise avec pour seul horizon, un autre CDD ? Cela fait plusieurs années qu'on vous refuse une augmentation significative ? Vous n'avez aucune possibilité d'évolution de carrière à moyen terme ? Votre chef est un psychopathe ? Votre entreprise s'apprête à fermer votre site ou à le délocaliser ? Alors cherchez du boulot ailleurs !
Si vous êtes en CDI, il vaut mieux attendre d'avoir entre 3 et 5 ans d'expérience (sans quoi, le recruteur sera suspicieux.) L'astuce, c'est de rester discret tant que vous n'avez rien de concret. Dans une entreprise, ce sont rarement ceux qui crient sur tous les toits qu'ils vont partir, qui partent. Ensuite, une fois que vous avez un CDI sous le nez, vous pouvez tenter une négociation avec votre employeur. Parfois, il acceptera de mettre la main au portefeuille pour vous conserver (surtout dans les PME.) Mais la technique du "retenez-moi ou je mets mon CV sur Monster" est vouée à l'échec. Ne croyez pas non plus que parce que vous avez eu un appel de chasseur de tête, vous allez vite trouver ailleurs. Certains cabinets convoquent quasiment chaque personne qui met son CV en ligne ! Bref, tant que vous n'avez pas un contrat sous le nez, rien n'est joué. Parler trop tôt, c'est aussi risquer d'être mis au placard, voir carrément d'être licencié (les chefs n'apprécient pas les lâcheurs.)

mercredi 30 juillet 2014

Le chômage estival du consultant

On a déjà évoqué les boites de consulting bidons. Elles recrutent des gens pour des missions spécifiques, à des jobs opérationnels. C'est illégal, mais essayez de vous plaindre à l'inspection du travail...

Souvent, les donneurs d'ordre n'ont qu'une visibilité sur quelques mois. Donc l'astuce, c'est de prolonger la période d'essai du consultant. Quand l'été arrive, le donneur d'ordre n'a plus besoin d'un supplétif. Après tout, l'entreprise est au repos. De nombreuses PME ferment carrément durant le mois d'août. Alors le contrat s'arrête fin juillet.
Et ensuite ? Un cabinet sérieux vous laissera en inter-contrat. Vous êtes payé pour rester chez vous, en attendant la prochaine mission. Un cabinet bidon trouvera un prétexte fumeux pour vous licencier. Depuis que vous êtes en poste, vous n'avez quasiment jamais vu votre N+1 ! Sur quelle base peut-il vous jauger ? Donc, "l'entretien post-mission" sera biaisé. Comme vous êtes en période d'essai, c'est assez simple de vous congédier. On vous explique que non, on ne peut plus vous garder parmi nous. Merci pour tout, au revoir.

C'est un grand classique. Les plus jeunes se sentiront trahis. Ils y avaient cru, au discours sur "l'ambiance start-up" et les vidéo du séminaire de motivation...
Qui plus est, il n'y a rien de pire que de se retrouver au chômage l'été. La DRH est en congé, le PDG aussi (donc vous devrez patienter, pour votre solde de tout compte.) Pole Emploi est au ralenti (n'espérez donc pas une inscription rapide.) Et en prime, ce sera toujours compliqué d'expliquer à un recruteur qu'une entreprise vous a licencié lors de votre période d'essai.

dimanche 30 mars 2014

Retour à la case départ

La reprise d'activité, c'est un moment excitant pour un chômeur.

A contrario, le retour à la case chômage est une douche froide. C'est un peu comme un point de sauvegarde dans un jeu vidéo : vous aviez passé un certain nombre d'étapes et vous êtes obligé de tout recommencer. Celui qui est déjà passé par plusieurs périodes de chômage le ressent d'autant plus comme un échec. Au moins, il sait à quoi s'attendre.
A priori, il est content de quitter son job naze. Les semaines entre le préavis et le départ effectif étaient les plus éprouvantes : les vautours rôdaient déjà. En plus, vous avez bénéficié d'une indemnité de départ. Le mauvais rêve est derrière vous.
Concrètement, il va surtout falloir se réinscrire à Pole Emploi, mettre à jour son CV, passer des entretiens, faire des points à Pole Emploi... Terminée, la sécurité de l'emploi ; rebonjour à la vie au jour le jour. Avec son cortège de doutes et d'angoisses. Enfin, en bonus, il y a une éventuelle insécurité financière. On sait quand on commence une période de chômage, mais on ne sait pas quand on retrouvera un emploi. Rien que de penser à tout cela, ça mine le néo-chômeur.

vendredi 28 mars 2014

Chômage partiel

Lorsqu'une entreprise va mal, elle peut recourir au chômage partiel. Ses salariés restent chez eux pendant tout ou partie de la semaine. Les jours chômés, les cadres sont payés par Pole Emploi à 100% (80% pour les non-cadres.) C'est totalement transparent pour le salarié. En cas de licenciement, ça n'influe pas pour la durée ou le montant des indémnité-chômages (sauf pour les non-cadres, vu qu'ils sont moins payés.)

Sur le papier, c'est une aubaine. Vous êtes payés pour rester chez vous ! Si vous voulez poser une semaine de congé, seuls sont décomptés ceux correspondants aux jours normalement travaillés. C'est le paradis du fainéant !

Les jours travaillés, on vous demande d'en faire autant qu'une semaine normale (sauf que vous ne travailliez que quelques jours.) Un fait atténué par une charge de travail en baisse (conséquence de la baisse d'activité.)

Reste surtout la peur que ce chômage à temps plein ne se change en chômage "tout court". Dans les entreprises, l'information sur la santé financière est nulle. Y compris lorsqu'il y a un CE. Vous avez beau être cadre, vous n'êtes pas dans le secret des dieux. Vous ne pouvez que subir. Il faut se contenter de "radio moquette". Et bien sur, lors d'un chômage partiel, les rumeurs pullulent. Le chômage partiel est reconductible de mois en mois. Une fois, mon chef est venu me prévenir le dernier jour du mois, alors que je montais dans ma voiture, que je ne devais pas venir le lendemain.
Dans ce contexte, il est impossible de se projeter dans l'avenir. Vous vivez au jour le jour. A la limite, une cessation d'activité vous donnerait au moins un horizon. Là, vous êtes suspendu en l'air.

Et parfois, ça reprend. Là encore, on vous prévient au dernier moment : "Le chômage partiel s'arrête le mois prochain." Pas de discours, pas de cadeau quelconque ; on fait comme si de rien n'était. Sauf qu'en fait, la confiance est brisée : vous vous dites que ça peut reprendre de si tôt. Vous guettez le moindre signe. En prime, vous avez désormais conscience qu'il y a un véritable mur entre la direction et vous ; vous êtes rejeté parmi la vulgate. Alors que vous pensiez qu'en tant que cadre, vous étiez du côté des privilégiés. De quoi émousser irrémédiablement votre motivation.

lundi 24 février 2014

ô solitude...

J'écris cette note suite à ce témoignage.


Depuis les vagues de suicides chez France Telecom et chez Renault, on commence à parler de stress, de surmenage, de dépression, de burn-out... Avant, on pensait que les pathologies liées au travail étaient réservées aux ouvriers. Le cadre est dans un bureau, au calme et comme il est bien payé, il n'a pas de problèmes de fins de mois. Donc, il ne peut pas souffrir, non? Ce n'est que récemment qu'on prend en compte les facteurs de stress des cadres : objectifs impossibles à atteindre, menaces de licenciement, harcèlement moral... Sans compter les facteurs conjugaux et extra-professionnels, car un employé ne laisse pas ses problèmes personnels à l'entrée de l'entreprise, le matin. De même qu'il ne laisse pas ses problèmes professionnels sur son bureau, le soir. Ainsi, face à un situation stressante, chacun est plus ou moins armé. Et certains craquent.
Au cours de ma déjà longue carrière, j'en ai vu, des personnes imploser. J'ai vu une femme perdre 10 kilos en un mois. J'ai vu une intérimaire, harcelée en permanence, démissionner en pleurant. J'ai vu des alcooliques, dont l'alcool servait d'auto-médication. Un ancien collègue, ne supportant pas d'être en arrêt-maladie, s'est suicidé. Personnellement, je n'ai jamais eu de burn-out. Une fois, j'ai eu de gros problèmes personnels. Je me réveillais en pleine nuit. Je me mettais à pleurer pour un rien. J'avais l'impression d'étouffer. Au travail, un jour, j'ai eu un blocage. J'étais pétrifié devant mon écran. Pour une fois, perdre mon emploi a été une chance. Ça m'a permis de prendre du recul. De me déconnecter avant de péter un câble.

Le premier problème, c'est que le salarié n'ose pas évoquer ses soucis et agir en conséquence. Le fait de ne pas arriver à gérer le stress quotidien est vécu comme un échec supplémentaire. De mémoire, je n'ai vu qu'une seule fois un salarié, récemment promu chef d'équipe, avouer que manager le stress et reprendre son ancien emploi. Beaucoup ont tendance à minimiser cela, à dire qu'ils "se sont levé du mauvais pied". D'autres ont tout simplement peur qu'on les licencie si on découvre leurs faiblesses (ce qui est parfois le cas.) Perdre son emploi est considéré comme le pire scénario, donc on préfère s'enfermer dans ses problèmes.
Le second, c'est la couardise des collègues et responsables. Le monde du travail est un monde égoïste. Dans La crise, Coline Serreau explique à Vincent Lindon que ses problèmes de séparation et de chômage, c'est triste, mais les autres ont davantage de soucis ! Circulez, il n'y a rien à voir. Vos collègues ne veulent pas avoir à faire à des problèmes trop personnels, trop intimes.
Quant aux responsables, ils veulent éviter à tout prix les confrontations. Face aux doléances, c'est souvent du "si t'es pas content, la porte est ouverte". On ne cherche pas non plus à désamorcer les conflits interpersonnels. La politique de l'autruche est la règle. J'ai connu une chef de service qui exigeait des assistantes jeunes et jolies, pour mieux les harceler (au moins moralement) ensuite. C'était de notoriété publique. Elles démissionnaient au bout de quelques semaines, parfois en pleurs (voir plus haut.) Mais on continuait de lui fournir de la chair fraiche. Dans une autre entreprise, mon prédécesseur ne supportait plus la comptable (dont le bureau était mitoyen.) Cette dernière passait ses journées au téléphone (pour des appels personnels, évidemment.) Un jour, il a craqué et il a voulu la poignarder avec des ciseaux. L'assaillant a été viré (d'où mon arrivé) et la comptable continuait ses interminables coups de fils personnels.
En théorie, les RH sont là pour assurer le service après-vente du personnel. S'il y a bien des gens chargés de détecter et de traiter le stress, ce sont eux. En pratique, ils sont souvent méprisants ou incompétents. "On peut rien faire pour vous. Par contre, si votre médecin vous préscrit un arrêt-maladie, il ne faudra pas oublier de nous l'envoyer."

mercredi 19 février 2014

Préavis

Dans les films, tout semble simple. Le héros est convoqué chez le directeur. On lui dit "Lambert, on va être obligé de se séparer de vous." Ou bien, parce qu'il a trouvé un meilleur job, le héros fait un bras d'honneur au directeur. Et la scène suivante, on le voit rentrer chez lui, un carton d'affaires sous le bras...

Sauf que ça ne peut pas se passer comme ça dans la réalité. A moins que vous soyez en fin de contrat ou que vous ayez commis une faute lourde, vous avez un préavis. Si votre film était réaliste, votre héros se fait virer ou bien il part, mais il doit revenir le lendemain matin. Et le surlendemain aussi ! Et ainsi de suite pendant 3 mois (1 mois, si vous n'avez pas un statut cadre.) Même en rupture conventionnelle, vous avez au moins 4 semaines de préavis.

Après cela, bienvenue dans une période de malaise ! Dans les grandes entreprises, vous êtes perdu dans l'anonymat du nombre. Vous êtes là et un jour, votre bureau est vide. En cas de vague de licenciement, vous pouvez ruminer collectivement vos rancœurs. Mais dans le PME et si vous êtes le seul à quitter l'entreprise, vous serez un pestiféré. Les plus ambitieux ne veulent pas être vu avec le renégat ! D'autres auraient presque peur que le licenciement soit contagieux ! C'est triste de voir que des collègues, que vous connaissez depuis des mois, se mettent à vous fuir.
Vous voilà donc seul. Souvent aussi, on ne vous confie plus aucun gros dossier. Tous les experts vous diront qu'il ne faut pas partir en mauvais termes avec votre employeur. Lors de votre recherche d'emploi, des cabinets risquent de l'appeler pour se tuyauter sur vous. Vous êtes donc prié de travailler d'arrache-pied jusqu'à la dernière seconde. Sauf que l'on n'est pas chez les Bisounours ! On vous a viré, vous n'avez rien à faire de vos journées et à la machine à café, on vous esquive. En prime, vous avez déjà un pied dehors. Et après ça, vous devriez rester calme, souriant et garder un mental de winner ? La plupart des gens se contenteront de marathons de démineur. Les plus fragiles fondront régulièrement en larmes ou auront des crises d'angoisses. Les plus nerveux prendront à parti collègues ou responsables. Ceux qui démissionnent sont dans une autre optique. Eux, ils vous expliquent qu'ils quittent l'enfer pour le pays du lait et du miel. En permanence. Par exemple, à la cantine, c'est : "Quoi? Encore des choux de Bruxelles ? Dans ma nouvelle boite, il y a 3 restaurants d'entreprise, dont 1 étoilé au Michelin !"
Et le pire, c'est que cette situation transitoire durera 3 mois. A la limite, le coup du départ définitif avec carton sous le bras, c'était pas si mal...