mardi 24 mars 2015

Voie sans issue

Les chômeurs vous diront que ce qui est pire que tout, ce sont les périodes sans entretien. Des semaines, voir des mois à envoyer des lettres de motivation sans le moindre retour. Il n'y a même pas d'espoir ; tout le monde vous ignore. Vous n'osez même plus répondre aux annonces : à quoi bon ?


Enchainer les entretiens, c'est guère mieux. Certes, au début, vous vous projetez. Surtout lorsque vous êtes convoqué au 2e tour. Vous cherchez à faire votre nid. Vous vous dites que bientôt, cette entreprise sera votre quotidien et la personne qui vous reçoit, votre chef. Vous espérez triompher de la "short list". Mais non. Et les autres entretiens ne donnent rien. Vous êtes le Poulidor des candidats. Dans Le couperet, le héros va jusqu'à tuer ses rivaux pour être sûr d'être embauché !
On peut enchainer 10 ou 20 entretiens sans être embauché. A chaque fois, la motivation en prend un coup. Là aussi, on finit par partir perdant. On en a marre de répéter le même speech. De se faire jeter comme une vieille chaussette.


Parfois aussi, on va jusqu'à l'emploi, mais en butant sur la période d'essai ou le renouvellement de CDD. Pendant des mois, vous vous êtes donné à 200%, vous avez fait des heures sup', vous avez léché les pompes de votre chef et tout ça pour rien. Souvent, on vous fait miroiter un contrat jusqu'au bout (pour éviter la terre brûlée.) On vous convoque à quelques jours du terme. Et là, c'est la douche froide. On vous dit inapte ou pas assez impliqué. Les plus lâches se cachent derrière un manque de moyens. On vous file votre solde de tout compte et retour à la case chômage.
C'est ainsi qu'on peut enchainer les périodes de chômages et de boulots. Pole Emploi vous juge "autonome" et "capable de retrouver facilement un emploi", donc on vous écarte des formations ou du coaching. Financièrement, c'est bien sûr beaucoup mieux que de rester tout le temps au chômage. Mais psychologiquement, de la même façon, vous vous sentez inadapté. Vous n'aurez jamais de médaille de travail. Lorsque vous retrouvez un travail, vous comptez les jours jusqu'à la fin de la période d'essai et vous préparez votre baluchon.

jeudi 19 mars 2015

Mon nom est perso

Parfois, les entreprises recrutent plusieurs personnes en même temps. Pour les petits boulots et autres jobs saisonniers, bien sûr. Mais aussi, dans les grandes entreprises, notamment lorsqu'elles lancent un nouveau projet. Vous faites alors parti d'une équipe de juniors, la fleur au fusil. Un petit boulot, c'est très usant. La camaraderie permet de faire passer la pillule. Votre chef dit que votre groupe, au moins, c'est un groupe soudé...


Sauf qu'une fois que le chef a le dos tourné, c'est autre chose. Première déconvenue : non, tout le monde n'a pas signé le même contrat. Lors du recrutement, le RH vous avait dit qu'il ne pouvait pas vous accorder un euro de plus ; c'était tant par personne, point. En pratique, à qualifications égales, certains touchent plus ou bien, ils ont un contrat plus stable.
Très vite, l'un des collègues s'autoproclame délégué. Un clan de gens "cools" se forme, comme au lycée. Ce clan prend les commandes. C'est lui qui décidera qui mérite d'être invité à l'after-work. Si l'un d'eux sèche, les autres font bloc pour le couvrir. Comme au lycée, le(s) déviant(s) sont marginalisés, voir bizutés. Entre les deux, les gens ne mouftent pas. C'est le prix à payer pour être invité à l'after. Tant pis s'il faut bosser deux fois plus parce que l'un des "cools" fait souvent le mur.
Et vous avez aussi le "company drone". Il suit à la trace le chef. Tout ce qu'il dit sera paroles d'évangiles pour le company drone. Et bien sûr, il passera son temps à fayoter, quitte à affabuler. Parfois, le groupe des cools le fuit comme la peste, car sa capacité de nuisance est forte. Mais souvent, c'est l'un des cools, voir leur chef : il dénonce les déviants, mais comme il est intouchable, il fait ce qu'il lui plait.
En tout cas, l'unité n'est qu'une façade. Chacun tire la couverture à lui.


A la limite, ce genre de comportement se justifie lorsqu'il y a un enjeu (passage en CDI, promotions...) et qu'il n'y en aura pas pour tout le monde. Le "company drone" et le "chef des cools" sont souvent des Rastignac débutants (et pleins d'avenir.) Les responsables aiment bien que des personnalités émergent. Même si ce sont avant tout des fouteurs de merde. Cyniquement, les responsables se disent que les têtes de turc l'ont un peu cherché, qu'elles n'ont qu'à se défendre. Surtout, beaucoup de gens sont incapables de faire la police ou d'aller au conflit. Y compris face à un gamin qui a le verbe haut. Au pire, ils le vireront discrètement, en le prévenant au dernier moment (par peur des représailles.)
Mais lorsqu'il n'y a pas de possibilité d'évolution (ni même une prolongation de contrat), ça devient juste de la méchanceté gratuite. Très vite, l'équipe se délite. Les afters mobilisent de moins en moins, puis elles finissent par disparaitre. Les gens ne se parlent plus que lorsqu'ils ont un service à demander. Le "company drone", à force de balancer des rumeurs (et de tuyauter le chef) finit par pourrir l'ambiance. Le chef des cools ? Il est fréquemment le premier à quitter le navire, car il est appelé ailleurs. Le clan des "gens cools" est fissuré. Les personnes restantes en sont réduites à trainer avec des gens "pas cools", faute de mieux.