Son Ubérisation, piège à cons vous tombe des mains. La prose est indigente, il ne connait qu'un seul groupe de verbe et uniquement à l'indicatif. On sent que l'auteur n'a pas vécu et pas lu grand chose. Qu'il n'a jamais travaillé dans un bureau ou pointé au chômage. Sa candeur, lorsqu'il découvre que Pôle Emploi ne propose pas de vrais emplois, est touchante. S'il ait bien un livre qu'il a lu, c'est Le Capital, de Karl Marx. Et encore, en diagonale. Car notre ami Gurvan part à l'assaut des patrons filous, face aux travailleurs exploités ! On a l'impression que sa mère va débarquer en disant : "Gurvan, viens mettre la table ! - Mais maman, je suis en train d'écrire un chapitre sur Amazon et comment c'est des exploiteurs sans scrupule !" La manière dont il prend à partie le patron de Cowash, un start-up visiblement au bord du naufrage, est complètement disproportionnée.
Malgré tout, Gurvan Kristanadjaja arrive quand même à brosser un portrait complet de l'ubérisation.
Le moteur, c'est ce qu'il appelle lui-même "l'économie de la paresse". Des jeunes qui ne veulent plus faire la cuisine, conduire ou flâner dans les boutiques. Et ils sont prêt à payer plus cher, pour que ça leur tombe tout cuit dans le bec.
Des start-ups ont flairé le filon. Pas de concept révolutionnaire. Au contraire, ce sont des services qui existaient depuis des lustres. Uber, c'est les bonnes vieilles voitures de Grande Remise. Uber Eat et Just Eat rappellent les livreurs de pizzas. Quant à Amazon, c'est un simple vépéciste. L'atout, c'est le marketing et des applis pour smartphone. Là où les entreprises de service attendaient le client, nos start-up sollicitent les leurs, en leur proposant des remises, de nouveaux services, etc.
L'autre innovation, c'est que ces entreprises n'ont quasiment aucun coûts fixes. L'auteur racontent comment ces start-up viennent dans les banlieues. Elles y trouvent des jeunes, souvent sans diplômes (et parfois repris de justice ou sans-papiers), attirés par l'indépendance et l'argent rapide. Les start-ups leur proposent un statut d'indépendant (Amazon faisant lui appel à de micro-sous-traitants.) Ce sont eux, qui achètent les voitures, les scooters et même les glacières siglées. Là encore, les start-up savent les motiver en montrant en permanence les juteuses commandes qui leur passent sous le nez. Nos banlieusards sont donc au taquet. Du moins, au début. Ensuite, ils déchantent : horaires à rallonge, rémunération en chute libre, absence de couverture en cas de maladie ou d'accident, etc.
Pour Gurvan Kristanadjaja, la solution, c'est une requalification de tout ces "indépendants" en CDI. Sauf que certains ne pourraient pas être employés et que d'autres n'ont pas envie d'avoir des comptes à rendre à un patron. Personnellement, je pense qu'il faudrait surtout réhabiliter l’entreprenariat. Que les gens ait envie de créer une entreprise pérenne, au lieu de se laisser charmer par le premier discours. Cela passe aussi par une éducation du consommateur, qui cautionne un système et se contrefiche des conditions de travail de son livreur.
Le dernier chapitre du livre est intéressant. L'auteur réalise que l'ubérisation touche de plus en plus d'emplois. Que des gens travaillent comme extras avec un statut d'autoentrepreneur. Ça pourrait être le début d'un livre et c'est hélas la fin du sien.