Affichage des articles dont le libellé est l'entreprise. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est l'entreprise. Afficher tous les articles

dimanche 18 février 2024

Micro-manageur


C'est la plaie du management moderne. Le micro-management est la conséquence directe des politiques actuelles de management et de recrutement. Au quotidien, le N+1 souhaite être informé de chaque faits et gestes. Au mieux, il veut être en copie de chaque mail. Certains fournissent des templates pour tout : les mails, les PPT, les Excel... Au pire, le N+1 organise d'interminables weekly où vous rédiger tout ensemble... Et le soir (ou le matin), c'est un point sur vos actions !

Si les managers se comportent comme cela, ça a trois raisons :
1) L'équipe est sous-dimensionnée, en terme de profils. Ca, c'était très malin d'avoir écarté les seniors et de se montrer complaisant avec un fort turnover...
2) Si vous n'êtes pas derrière eux, en permanence, ils font des Snapchats et des vidéos TikTok (si, si !) Là aussi, vous pouvez remercier les RH qui privilégient le RSE et l'âge moyen sur la compétence et la motivation...
3) Le manager n'a que ça à faire. Le top management prend des décisions à huis clos. Le management de base se paupérise. Ce sont des exécutants avec peu de valeur ajoutée.

Un manager, ça doit décider, arbitrer, animer. Son domaine, c'est le moyen terme. Le micro-management, c'est de la navigation à vue. Les managers ayant de l'estime de soit et de l'ambition ont tôt fait de mettre les voiles. Il reste donc des personnes souvent transparentes, qui attendent le prochain salaire et gardent un œil sur Linkedin. Le plus ironiques, c'est qu'ils se défendent souvent de faire du micro-management.

Lorsque le micro-manager est face à un employé plus expérimenté, il commence par s'étonner. Incroyable : pendant les trois heures où j'étais en réunion cascading, le nouveau a bossé sur les choses urgentes ! Mais très vite, c'est le clash. Le micro-manager est incapable de lâcher la bride. Il reproche au nouveau de répondre au mail sans l'avoir consulté, de passer des coups de téléphone au lieu de faire des réunions Teams à trois, etc.
L'employé souffre. Il perçoit cela (à raison) comme de l'intrusion et un manque de confiance. Il va très vite vouloir partir. Et si c'est un externe, c'est le manager qui va le remplacer pour un employé plus docile. Sinon, il finira par rentrer dans le moule. Le micro-management étant infantilisant, lui aussi, il va surfer sur les réseaux sociaux et partir à 16h30, lorsque le N+1 sera pris...

vendredi 20 octobre 2023

Fooding

La dégradation du quotidien des bureaux est palpable. L'un des éléments, c'est la pause-déjeuner.

Avant, c'était un marqueur hiérarchique.
En ville, les non-cadres se pressaient dans un réfectoire. Chacun allait y ouvrir sa gamelle. Les cadres avaient des tickets-restaurants. Pour le bonheur des petits restaurants aux alentours. Les plus chiants faisaient des calculs pour dépenser très exactement un ticket, le midi. Le cadre ne pointant pas, il pouvait se permettre de trainer un peu. Quant aux cadres supérieurs, ils avaient "leurs" adresses. Les cinéastes aimaient d'ailleurs filmer des déjeuners d'affaire.
Même dans les restaurants d'entreprise, il y avait une hiérarchie. Le coins des cadres était délimité par une cloison. Quant aux dirigeants, ils disposaient d'une salle à l'écart.

La France est l'un des seuls pays où tout s'arrête entre 12h et 13h. Une véritable citadelle assiégée.
Les anglo-saxons n'ont pas de culture du repas collectif. On grignote toute la journée. Vers midi, éventuellement, on se fait livrer ou on se réchauffe un truc, dans son coin. Déjà, entre les végans, les flexitariens, les keto, les sans-glutens, ceux qui mangent halal ou casher, etc. chacun possède un régime unique. Impossible d'aller à un endroit qui satisfasse tout le monde.
Les prestataires doivent souvent payer un droit d'entrée, à la cantine. A quoi bon se ruiner pour une cuisse de poulet avec de la ratatouille ?
Les plus jeunes voient la pause-déjeuner comme une perte de temps et d'argent. Donc pas question d'aller au restaurant. Au grand dam des chaines qui s'installaient dans les ZI...
Enfin, avec le télétravail, on a cassé la respiration de la journée. On vous colle des réunions le midi. Même les jours de présentiel, vous êtes contraints de manger devant votre écran. D'ailleurs, souvent, il y a un participant qui mastique bruyamment...

A l'arrivé, vous perdez cette cassure à mi-journée. Ce moment extra-professionnel avec les collègues. Sans oublier le plaisir de manger des plats variés. Au lieu de ça, vous déjeunez devant un écran. Ou bien, vous allez manger seul, car chacun avait des plans différents. Certaines entreprises ont profité du Covid pour fermer la cantine. A quoi bon garder un espace, qui n'est utilisé que 2 heures par jour ? Un distributeur, ça suffit !
Et c'est un de ces riens qui montre que le plaisir, au bureau, est en chute libre.

mercredi 2 août 2023

Julie

Depuis une dizaine d'années, l'égalitarisme a vocation à ouvrir davantage certains secteurs a des populations jusqu'ici peu représentées (les femmes, les noirs, les Maghrébins...)

Les gens comme Yves en souffrent. Les tenants de l'égalitarisme se moquent bien de ces "mâles blancs fragiles". La société leur avait donné trop de place, alors ils doivent désormais laisser les autres passer devant !
Sauf qu'à vouloir faire de l'égalitarisme, on finit par desservir la "diversité". Avant l'égalitarisme, il y avait déjà des femmes, des noirs, des Maghrébins, etc. dans l'encadrement. Quid donc des "diversifiés" qui auraient percé malgré tout ?  Prenons le cas de Julie.

J'ai croisé Julie dans une précédente mission en prestation. Ingénieur grande école, d'origine Asiatique, ce n'est pas un quota et ça se voit ! Brillante employée, elle avait été promu à un poste de management fonctionnel.
Dans les directives "inclusives", on a réduit les prérogatives des postes destinés aux femmes. Donc, elle s'est retrouvé à ne quasiment rien faire, tandis que ses collègues masculins étaient surbookés. Elle saurait capable de faire plus. Elle aurait envie d'être bousculée et de transpirer. Mais le programme "diversité" ne tient pas compte de ses compétences ; en tant que femme, elle doit être maintenue dans un "safe space". Paradoxalement, ces directives "d'ouvertures" aboutissent à des mesures condescendantes, voire sexistes et racistes.
En prime, les perspectives ne sont pas bonnes. Car dans les entreprises, il y a désormais des carrières à deux vitesses. D'un côté, la progression au mérite et de l'autre, la progression afin de remplir les quotas de diversité. Charge à la direction et aux RH de définir si un poste de management est ouvert au "mérite" ou à la "diversité". Julie a été cataloguée "diversifiée". Donc, si elle passe manageuse, elle aura là aussi un poste "diversité".

Au quotidien, Julie a des relations tendues avec ses collègues. Forcément, ils n'apprécient pas de la voir buller, alors qu'ils sont au taquet. Enfin, dans un environnement très masculin, beaucoup se méfient des accusations de harcèlement. Donc interdiction de parler avec une femme, a fortiori séduisante, s'il n'y a pas de motif professionnel. Elle, que ce soit à l'école ou au boulot, elle a toujours évolué dans un environnement masculin. Il lui arrive même de faire des allusions olé-olé. Néanmoins, les hommes se tiennent à distance. Et comme elle a peut de travail, elle a donc peu d’interactions avec ses collègues.
Pour son anniversaire, elle avait apporté des croissants, mais personne n'était venu la voir.

mardi 25 juillet 2023

Les collègues les plus toxiques

C'est bien connu : l'enfer, c'est les autres. Voici quelques types de collègues qui vous pourrissent la vie. C'est un peu redondant avec le poste The Office en vrai.

Et rappelez-vous : si ça se trouve, c'est vous, le collègue toxique d'un autre !

1. Le boomer

C'est un ancien cadre supérieur. Pour sa dernière affectation, on l'a rétrogradé et mis sur une voie de garage. Il bulle en attendant d'avoir ses trimestres.

Il tutoie le conseil d'administration de la boite. Pour les procédures d'escalade, c'est un allié utile.

Pour le reste, il apporte surtout du négatif. En roues libres, il refusera souvent le moindre travail. Peu au fait de l'informatique, il va vous demander pour la 45e fois de l'aider à rechercher une commande. Et généralement, il est en permanence à côté de la plaque. Souvent aussi, ses opinions sur les femmes, les gays, les immigrés, etc. ne sont guère politiquement correct (euphémismes.)

La Social Justice Warrior

Très souvent, c'est une femme. Parfois, c'est un homme. En tout cas, très, très souvent, le SJW est issu des beaux quartiers, où il ne croise ni immigré, ni LGBT.

Le SJW a une mission. Il va "conscientiser" ses collègues. Se montrer plus tolérants et plus respectueux de l'environnement, où est le problème ?

Déjà, sa tolérance s'arrête à ceux qui pensent différemment. 

On pourrait parler longuement des ravages du wokisme en entreprise. Mais en fait, les SJW rappelent les syndicalistes de naguère : ils se sont autoproclamés représentants, sont reconnus comme tels par la direction, mais ils ne représentent qu'eux-mêmes et leurs collègues ne les écoutent pas.
On pouvait reprocher aux entreprises de placer les permanences syndicales au fin fond des usines, afin que les syndicalistes soient isolés. Ce qui expliquerait la déconnexion de ces derniers avec les réalités. Les "responsables de la diversité", eux, possèdent souvent un beau bureau au milieu de l'entreprise, mais ils ne sont pas davantage connectés.
On accusait volontiers les syndicats d'user et d'abuser des grèves et autres blocages, afin d'exister. Mais l'ADN du SJW, c'est le conflit. Par définition, le SJW n'est jamais satisfait des "progrès". Il a besoin du conflit pour pouvoir se poser en victime et lancer un "combat". Donc, au quotidien, il recherche en permanence cet ennemi. Mettant ses collègues sous pression, avec la complaisance de la hiérarchie. Si elle vous a dans le nez, vous êtes fini. Bien sûr, pas question de s'attaquer aux autres collègues toxiques : ils sont trop bien installés. 

La caillera

Oh que j'ai eu du mal à la trouver, l'illustration. On sent que c'est un sujet polémique...

Bien sûr, tous les noirs et Maghrébins ne sont pas des racailles et vice versa.

Votre N+1 l'adore. Ça y est, il a rempli son quota de diversité ! Pour le jeune des banlieues, ce qui compte, c'est le rapport de force. Il DOIT avoir le dernier mot. Aussi, il n'hésite pas à monter en épingle la moindre contrariété. Très vite, les insultes fusent, ramenant tous, sur le terrain personnel (sa mère, le coran, etc.)

Au quotidien, c'est usant. Il a le comportement et l'expression (écrite et orale) d'un CM2. Il s'affranchit du règlement de l'entreprise et il agit comme bon lui semble. Il désigne le gars un peu efféminé de la compta par "p'tit pédé", mais il trinque avec lui, au repas de fin d'année.

La hiérarchie est volontiers complaisante. Dans un monde du consensus mou, cette culture de la confrontation permanente est une bonne chose. Et puis, il y a de la condescendance : vu sa couleur de peau et sa culture, c'est normal d'agir comme cela, non ?

Le courant d'air

Il est toujours jamais là ! A la limite, que ses absences soient justifiées ou non, c'est secondaire. Vous le haïssez, point.

Cela fait trois mois qu'il enchaine les arrêts-maladie. A chaque fois, le médecin lui prescrit deux semaines de repos. Au bout des deux semaines, vous pensez qu'il va revenir, mais le vendredi précédent, lors de la réunion de service, le N+1 déclare : "Machin ne sera pas là. Il vient de prolonger de deux semaines."
On ne va quand même pas prendre quelqu'un pour deux semaines, non ? Donc, provisoirement, vous reprenez ses dossiers. Cela fait ainsi trois mois de "provisoire". Trois mois que vous bâclez votre boulot et celui de l'absent. Trois mois de frustration. Et ce n'est pas fini...

Le faux-ami

Dans les entreprises, vous avez parfois la grande gueule. C'est parfois le boomer ou la caillera. Le mec blagueur, qui dit ce qu'il pense et pense ce qu'il dit. Ça change !

Lorsque vous démarrez, vous finissez par l'imiter. Vous manquez de recul sur les réalités de l'entreprise. Vous ne remarquez pas que le faux-ami est surtout acide lorsque les personnes concernées ne sont pas présente...

Le faux-ami vous conseille de foncer dans le lard de la hiérarchie. Avant d'avoir signé un CDI/terminé votre essai. Au mieux, le faux-ami oublie que s'il peut s'offrir le luxe de la franchise, c'est parce qu'il est lui-même intouchable. Au pire, c'est lui qui tuyaute votre N+1 sur vos agissements...

Le Schtroumpf-grognon

Il est en permanence négatif. Lors des réunions de service, il mine le moral de l'équipe, à se plaindre longuement de tout. A l'écouter, il est cerné de problèmes insurmontables. Surtout, il est hostile à toute nouvelle idée, toute modification. Qu'il s'agisse d'un nouvel ERP, de redisposer les bureaux ou de changer de stratégie. Son mot d'ordre pourrait être "il est urgent de ne rien faire."
S'il est écouté par le manager, il torpillera méticuleusement votre projet. Vous avez passé des semaines dessus et en cinq minutes, il finit à la poubelle !

Le petit chef

Entre les managers "copain" et les managers "féminin", les employés se retrouvent souvent face à un vide. Qui peut arbitrer les conflits du quotidien ? Qui prend les décisions urgentes ? Or, la nature a horreur du vide. C'est donc là que le petit chef arrive !

Personne ne l'a désigné. Il s'est lui-même élu chef. En général, cela se cumule avec l'un des autres profils sus-cités (sauf le courant d'air, bien sûr.)

Au quotidien, le petit chef n'hésite pas à donner des ordres. Si c'est une racaille, il peut aller jusqu'à la violence verbale avec un collègue qui contesterait son ascendant. Si c'est un boomer, il s’appuiera sur ses responsabilités passées. Quitte à donner des conseils au PDG ! Si c'est un faux-ami, il se positionnera en intermédiaire incontournable pour "en parler au chef" (quitte à voler votre idée.) Etc.

Souvent, ce n'est que du vent. Le petit chef n'a ni l'envergure, ni l'intelligence d'un vrai chef. D'ailleurs, lorsque le vrai chef s'absente longtemps, le petit chef est vite à court de carburant. Mais en attendant, le N+1 s'accommode souvent de ce "N+0.5". Allant jusqu'à en faire son chouchou.

vendredi 17 février 2023

I.T.F.

Hollywood aime bien les histoires d'entreprises où un anonyme dévoile à son PDG une idée géniale, qui permet à l'entreprise de se développer. Du coup, l'anonyme est promu sur-le-champ...

En pratique, ça n'arrive jamais. Au contraire.

Imaginez, vous êtes impliqué dans un équipe projet. Il y a eu des moments difficiles, mais le projet est sur le point d'aboutir. Surprise : vous êtes bien au-delà des objectifs. Dans les stats de reporting, vous faites la course en tête.
Un projet qui réussit ? Le presta qui s'en occupe doit partir dans 3 mois, alors ça serait dommage que ce succès reste orphelin... Votre N+2, voire N+3 demande une présentation. Puis il commence à mettre son grain de sel. Et d'autres "huiles" commencent à s'impliquer. La liste des personnes en "CC" sur les mails s'allonge. Des gens qui n'étaient pas du tout impliquées jusqu'ici, voire qui vous avaient envoyé balader !
Une partie du travail du management intermédiaire consiste à repérer les success story de l'entreprise et s'en attribuer le mérite. En particulier les Rastignac.

Dans de rares cas, cela évolue dans le bon sens. Tel interlocuteur refusait de vous communiquer des informations et grâce à un mail d'en-haut, il s'est mis à filer droit !

Mais en général, le projet vous échappe complètement. Bientôt, votre N+3 et ses collègues organisent ds réunions sans vous. Ces inspecteurs des travaux finis s'attribuent le mérite de vos actions. Aussi, ils n'hésitent pas à vouloir faire pisser un peu plus le projet. Vous aviez gagné un marché de 3 millions ? En prétextant des frais supplémentaires, on peut gonfler la note à 4 millions, non ? Faute de connaissances du terrain, c'est la foire aux yaka faukon. Impossible de les contredire. Et ils ont d'autant moins de scrupules que c'est vous qui serez en première ligne, pas eux !
Et lorsqu'il y a une action, elle est pour tout de suite, maintenant. Votre manager se fait mielleux. Il voit bien qu'il dit blanc un jour et noir, le lendemain. Sans parler du PPT de 58 diapos qui vous a occupé, la semaine dernière, jusqu'à 1h du matin. Oui, mais les ITF, ce sont ses supérieurs et vous, votre mission se termine bientôt. Son empathie est feinte ; il a déjà choisi son camp.

Parfois, le management intermédiaire a vendu la peau de l'ours avant que vous l'ayez tué. Et l'ours vous a échappé. Tant pis. De toute façon, ils ont déjà repéré une nouvelle ITF à organiser...

Certains employés se plaignent de faire du présentéisme et de n'effectuer que des taches sans intérêt. Mais d'autres vous diront qu'au moins cela permet de rester sous le radar. Que les choses valorisantes sont une malédiction, pour les employés de base...

jeudi 2 février 2023

The man who wasn't there

J'ai posé un congé d'une journée. Rien d'exceptionnel. J'avais prévenu et remplit une demande en bonne et due forme. Par contre, j'ai oublié de décliner les réunions de la journée, dont un face-to-face.
Personne n'a remarqué mon absence. D'ailleurs, sur plusieurs compte-rendus j'étais noté parmi les "présent". Quant au face-to-face, mon interlocuteur s'est excusé de ne pas pouvoir y assister !

Dans le temps, c'était simple : vous deviez être présent, du lundi 8h au vendredi, à 17h. C'était manichéen : on était présent ou absent. Toute personne qui n'était pas physiquement à son bureau devait se justifier. Bien sûr, cela avait un côté pervers. C'était le temps du manager-pion, qui regardait par dessus votre épaule et des employés faisant semblant de travailler.
Avec les 35h, il y a eu "l'aménagement du temps de travail". Les gens qui s'absentaient un mercredi sur deux, les RTT, les horaires décalés... On passait d'horaires fixes à une obligation d'être présent physiquement dans l'entreprise pendant x heures par an.
 

Maintenant, on passe à une nouvelle étape : la déconstruction du temps de travail. Une transformation d'autant plus sournoise qu'elle fait l'objet d'aucune négociation nationale ; il n'y a que des lignes directrices et des garde-fous qui sont autant de vœux pieux.
Qu'est-ce que la présence, en 2023 ? Certaines entreprises autorisent 3, 4, voire 5 jours de télétravail. Vous croisez à peine vos collègues, au point où des "coffee" sous Teams remplacent la machine à café. Dans d'autres entreprises, il n'y a plus de bureaux dédiés par service. Les jours de présentiels, les employés s'installent où ils peuvent.
Surtout, les notions de "congés" ou "d'arrêts maladie" deviennent floues. Le covid a créé cette zone grise de "potentiellement contaminant pour ses collègues, mais en capacité de travailler". Grippe, angines, gastroentérites sont désormais synonymes de télétravail. En théorie, pour le télétravail, l’assurance ne vous couvre que si vous êtes chez vous. D'ailleurs, vous pouvez exiger de votre employeur à ce qu'il vous fournisse le matériel nécessaire (écran supplémentaire, casque audio...) à l’exécution de votre travail. En pratique, on tolère à ce qu'un employé soit où il veut, tant que le travail est fait. Lors des voyages avec quarantaine obligatoire, on autorisait le salarié à effectuer un télétravail durant la quarantaine et à ne prendre sur ses jours de congés qu'ensuite.
Au quotidien, vous avez souvent Outlook et Teams sur votre smartphone pro. Vous pouvez donc réagir rapidement, même hors des heures habituelles. Or, en entreprise, on glisse vite de "pouvez" à "devez"...

Le monde du tertiaire devient donc un monde virtuel. Dans les cas extrêmes, vous n'avez jamais vu vos collègues ou votre manager "irl". Les gens ne sont plus que des avatars avec des pastilles vertes, rouges, jaunes... Et plus rarement, blanches. Quel que soit le jour et l'heure, vous n'êtes jamais très loin de votre "bureau".
Ce monde-là ne donne pas beaucoup de droits aux salariés, mais pas beaucoup de devoirs non plus. Cela explique le fort turnover actuel. Néanmoins, ce n'est pas grave, on s'habitue à voir disparaitre des avatars et à en voir apparaitre de nouveau. L'entreprise devient un "lobby" de jeu en-ligne...

samedi 10 décembre 2022

Escalade², problème²

"Il faut escalader !" C'est une phrase que l'on entend souvent en entreprise. Mais ce n'est pas forcément une bonne chose...

La vie classique d'une entreprise est faite de conflits avec d'autres entreprises. Des factures impayés qui s'accumulent, une livraison incomplète ou d'un produit défectueux, un service qui n'est pas effectué dans les temps... Ce sont des petits tracas du quotidien.

Moi, je suis de la vieille école. Celle où un cadre devait résoudre lui-même ses problèmes. C'était cette esprit d'initiative qui distinguait le cadre du vulgum pecus. Dire "M'sieur, m'sieur, il m'embête", c'était un aveux d'échec. Pourtant, j'ai l'impression que les procédures d'escalade se multiplient et se systématisent. Avec quatre symptômes :
1) La raison principale, c'est la culture du consensus. Le conflit est interdit. Cela donne des employés qui ne savent plus hausser le ton à bon escient. Voire parfois, qui sont surpris de découvrir qu'il existe des pierres d’achoppement. Donc ils tirent le signal d'alarme.
2) La variante du 1), c'est le "je vous l'avais bien dit". Un employé ayant un peu d'expérience sent d'emblée qu'une situation peut déraper. Mais parfois, les actions préventives sont difficile à mettre en place. Notamment l'employé, même senior, possède souvent peu de marge de manœuvre. Donc, il voit lentement mais sûrement le mur arriver et une fois dans le mur, il peut enfin bénéficier d'un soutien.
3) Sur les cas récurrents, les causes du conflit sont plus profondes. Il faudrait mettre en place une vraie équipe projet. Par exemple : un contrôle de sortie plus poussé, afin d'éviter les erreurs d'expédition. Mais la volonté n'est pas là. Alors l'employé doit éteindre un feu de forêt avec un jet d'eau.
4) La variante du 1) et du 3), c'est que l'employé est sous-dimensionné pour son poste (junior, quota...) C'est pour cela qu'il lève la main en permanence. Parfois, c'est même lui qui envenime un conflit a priori bénin.

Après, le N+1 n'est pas Superman ! Souvent, il ne sait pas davantage hausser le ton et il n'a pas de marges de manœuvre. L'arme du manager, c'est d'impressionner et de sonner la fin de la récré. Pour autant, s'il est sollicité au moindre accroc, la partie adverse s'inquiétera à peine, lorsqu'elle recevra un mail de lui.
Donc, on fait alors appel au N+2, voire au N+3. Du coup, certaines personnes s'impliquent dans l'affaire, au cas où il y ait quelque chose à en tirer. Pour peu que d'autres services interviennent, cela donne volontiers une usine à gaz, comme un mail avec dix personnes en copie ou des comités juste pour préparer un call... La conséquence, c'est une certaine pesanteur, vu que désormais, il faut que le N+3 valide chaque communication avec l'autre entreprise. Et des couacs, car parmi les nombreuses personnes en copie, il y a toujours des francs-tireurs.
Et je suis d'autant plus critique envers les processus d'escalade que plus vous montez haut, moins vous obtenez de résultat. Le N+3 n'est pas là pour s'occuper du day-to-day. Soit il bloque tout, car faute de connaissance du sujet, ses demandes sont inacceptables. Soit il trouve un soi-disant compromis avec son homologue, qui correspond peu ou prou aux exigences initiales de l'autre entreprise (et généralement, c'est l'un puis l'autre.)

mercredi 16 novembre 2022

Consultant démotivé


C'est une variante du blues du zappé : vous avez un travail, mais vous savez que c'est une impasse, parce que vous êtes prestataire.

Dans vos premières missions de prestations, vous étiez mo-ti-vé ! Chez le client, vos collègues étaient presque tous d'anciens prestas. Donc, vous aussi, vous aviez votre chance, si vous étiez travailleur. Vous vous impliquez chez le client (et futur employeur, non ?), au-delà de votre périmètre. Au pire, pas de problème : le cabinet de consultants avait ses entrés chez plein de grands groupes. D'ailleurs, là, vous êtiez un peu surdimensionné pour cette mission. Mais ce devait être le début d'une grande aventure...

Qu'est-ce que vous étiez naïf !

Maintenant, vous avez l'impression de vivre toujours la même histoire. Le cabinet de consultant dont vous n'aviez jamais entendu parler. Le commercial au sourire carnassier, qui sera parti dans deux mois. La mission qu'on vous avait survendu. Vous savez bien qu'ils ne vous embaucheront jamais. D'abord, vous êtes trop vieux. Et depuis peu, le problème, c'est que vous êtes trop blanc. Sans oublier les situations où les embauches sont gelées (PSE, fusion/acquisition, déménagement...) La question n'est pas de savoir si la prestation va mal se finir, mais quand...
Au mieux, vous serez prolongé d'un, deux, voire trois mois. Si vous dépassez les six mois, ça vous ouvrira de nouveaux droits à Pole Emploi. Le miracle, ça serait de dépasser la période d'essai. Là, ça serait rupture conventionnelle, avec préavis et compensation. D'ailleurs, les cabinets de conseil font tout pour que ça n'arrive pas (prolongation de la période d'essai, comptage des congés et du chômage partiel...) Une fois la période d'essai finie, n'hésitez pas à demander une attestation...
Le pire scénario, c'est la mission qui s'arrête au bout de quelques semaines. Là, c'est le licenciement express. Vous êtes viré, vous ne repassez pas par la case départ, vous ne touchez pas d’indemnités.

Alors vous vous habitués à naviguer à vue. Vous écoutez à peine le commercial. Vous vous impliquez (et vous vous appliquez) à peine chez le client. Vous voyez défiler les gens et vous ne retenez ni les visages, ni les prénoms. Au point où vous appelez un collègue du nom d'une personne croisée dans une ancienne mission. Au point où vous envoyez votre demande de congé à la RH d'un cabinet où vous étiez précédemment.
Vous n'avez non plus rien à fiche de tel petit chef infect : de toute façon, dans n mois, il ne sera plus qu'un souvenir. Un surcroit temporaire d'activité ? Vous l'avalez, car ensuite, lorsque vous serez au chômage, vous aurez tout le temps de vous reposer...
Paradoxalement, ce côté complètement dépassionné et complètement blasé peut plaire au client. Au moins, vous faites ce qu'on vous dit de faire, sans jamais vous plaindre. Et ça vous vaudra une prolongation de mission !

samedi 12 novembre 2022

Vous êtes doublement viré !

Qu'est-ce qu'il y a pire que de se faire virer ? Une fin de mission de consulting !

Normalement, en tant que consultant, vous devriez avoir des points réguliers avec votre chef (côté client) et le commercial qui vous suit (côté consulting.)
En pratique, il y a un point en début de mission, puis plus rien. Le deuxième point est annulé, car le commercial est trop occupé. Le troisième se limite à un coup de téléphone : "Salut, tout se passe bien ? - Oui. - OK, au revoir." Peu après, un mail vous apprend que "votre" commercial a quitté l'entreprise. Un second débarque. Un point est planifié avec votre chef et vous. Ça y est, enfin du suivi ! Vous allez pouvoir vider votre sac !
Sauf que le jour J, à peine assis, le commercial et le responsable se regardent d'un air entendu : "Donc, on s'est mis d'accord. On arrête la mission."
Au moins, ils n'ont pas tourné autour du pot. Votre N+1 (côté client), il vous a toujours considéré comme un appui provisoire ; il a donc moins de scrupules à vous dégager qu'un interne. Quant au commercial, lui, il ne vous a jamais vu. Toutes les semaines, il a des missions de prestations qui débutent, qui s'achèvent... Il ne fait donc pas plus de sentiments que ça.
Vous, de votre côté, c'est un coup de massue. En plus, il n'y a pas de préavis pour une fin de mission. Une fois, on m'a carrément dit de laisser sur-le-champ mon badge et mon ordi, puis de rentrer chez moi ! 9 fois sur 10, vous êtes encore en période d'essai. Les boites de consulting savent bien qu'une mission dure en moyenne 6 mois. Donc, en prolongeant la période d'essai (4+4 mois chez les cadres), vous êtes sûr que le consultant n'aura pas fini son essai. Donc ça sera le deuxième dernier jour... Au mieux, si votre essai est terminé et que le commercial a vraiment d'autres missions à vous proposer, vous vous sentez trahi. Vous pensiez faire parti de l'équipe et le responsable vous parlait franchement. Non, il a comploté dans votre dos, avec le commercial.

lundi 7 novembre 2022

You're... Fired !

Ce blog existe depuis 8 ans. J'ai évoqué le préavis de départ et le dernier jour, mais curieusement, jamais l'entretien de licenciement.

Les entreprises ne licencient quasiment plus des gens en poste. Le licenciement pour faute est assez bancal. Au pire, on préfère une rupture conventionnelle. Ceux que l'on vire, par contre, ce sont les précaires : intérimaires, CDD, prestataires, personne en période d'essai...

Imaginez la scène. Vous arrivez le matin, comme si de rien n'était. Ce n'est pas le meilleur boulot du monde, mais c'est un boulot ! Vous étiez content d'avoir remis le pied à l'étrier. Ça va mieux, financièrement. Vous osez même faire des projets à moyen terme, comme de planifier vos premières vraies vacances estivales, depuis longtemps. Bien sûr, vous n'êtes pas le meilleur employé du monde. Mais il y a pire...
La journée est banale. Telle commande est en retard. Il y a des frites à la cantine. Les nouveaux porte-clefs de la boite sont arrivés.

Puis c'est l'entretien avec votre N+1.  En général, il commence par tourner autour du pot : "X, vous êtes quelqu'un qui a du talent, mais..." Vous prenez des notes, mentalement : "Pas assez rapide ? OK, je vais m'améliorer." Puis vous remarquez qu'il parle de vous au passé. Intérieurement, vous niez l'évidence, même si vous aviez déjà connu ça, ailleurs : "Non, c'est juste un recadrage. Je suis un de leurs meilleurs éléments..."
C'est là qu'il ressort la grosse boulette que vous aviez fait. Une vraie banderille. Vous êtes désormais à terre.
C'est à cet instant qu'il vous achève : "...Donc, nous avons décidé d'arrêter là notre collaboration." Le ton est rarement agressif. Votre N+1 avait déjà fait le deuil de vous. La décision est prise, vous aurez beau ramper, votre chef ne reviendra pas dessus. D'ailleurs, s'il vous vire, c'est souvent qu'il déconsidérait votre travail.
Il vous fait signer le compte-rendu de l'entretien disciplinaire, comme si c'était un vulgaire papier. Certains vous demandent d'ailleurs de quitter le bureau : "Va pleurer ailleurs, j'ai du boulot !" D'autres, faussement empathiques, enfilent les lieux : "Ce n'est qu'une épreuve, tu vas rebondir. Ailleurs."

Votre monde s'effondre. Cette routine qui s'était mise en place, au boulot. Les projets. Tout est fini. Et surtout, c'est un retour à la case chômage. Vous êtes à la fois triste et en colère. Votre journée défile. Tout vous semble si futile, avec le recul...

A la longue, vous guettez des signes : un dialogue rompu avec votre N+1, un nouveau-venu qui reprend tout votre travail ou tout simplement, un "face to face" complètement inhabituel... Dans une entreprise, deux des mes collègues venaient de se faire licencier. L'un le lundi, l'autre, le mardi. Donc, lorsqu'on m'a convoqué, le mercredi... Il m'est même arrivé d'aller à un entretien, persuadé d'y être viré, alors que ce n'était qu'un point normal ! Et à l'opposé, une fois, j'étais convoqué en fin de journée, le dernier jour de mon CDD. Mes collègues avait signé un CDI. Et moi, on m'a dit de laisser là mon badge, puis de partir sur-le-champ !

mercredi 12 octobre 2022

Mensonge : il faut savoir s'arrêter à temps

Mentir pour décrocher un boulot, c'est presque vital si vous êtes un zappé. C'est éthiquement discutable, mais c'est un outil pour réussir un entretien. Pour autant, l'idée, c'est que ça doit rester une solution provisoire. Personnellement, m'inventer une bonne expérience, ça m'a permis d'obtenir un bon boulot. Et par la suite, je n'ai plus eu besoin d'utiliser cette expérience inventée.

D'ailleurs, une fois que vous êtes en poste, on reviendra rarement sur vos expériences passées. Sauf si, lors de votre formation, on vous demande si vous avez déjà utilisé tel outil, si vous avez connu telle situation, etc.
Aussi, évitez de trop comparer votre entreprise avec vos expériences passées. Surtout si la comparaison est défavorable à votre entreprise actuelle.

La grosse erreur du mythomane, c'est de revenir en permanence sur son parcours merveilleux. Il a envie d'être le centre d'attention. Chez lui, le mensonge, c'est un art de vivre. Sauf qu'à force, il commet des erreurs grossières. Lorsque vous commencez à avoir des doutes sur quelqu'un, vous faites attention à tous les détails qui clochent. Et très vite, la personne a perdu toute crédibilité à vos yeux. A partir de là, lorsque vous n'avez plus confiance dans un manager, un collègue ou un subordonné, la relation est rompue. Cela peut aller jusqu'au licenciement du mythomane.

dimanche 2 octobre 2022

"Et vous vous voyez où, dans 5 ans ?"

Les entretiens se déroulent suivant un classique schéma : le vous, moi, nous.
Dans la première étape, vous allez évoquer votre CV. Ensuite, l'entreprise se présente. Puis vient une série de questions/réponses pour voir si vous êtes en adéquation avec l'entreprise.

Avec l'age, la pire, c'est le "vous vous voyez où, dans cinq ans ?"
A la sortie des études, c'est facile : vous voulez gravir les échelons, avoir des responsabilités et gagner un max !
Après quarante ans, c'est déjà plus compliqué. Vous approchez de votre point de Peter. Les possibilités de progression sont plus faibles. Au-delà de cinquante ans, vous commencez à songer à la retraite. Vous voulez surtout de quoi vous permettre de compléter votre compteur de trimestres.

Mais moi, récemment, j'ai eu un gros blancs en entretien. Où serai-je dans cinq ans ? Probablement au chômage ! Je suis un zappé. Je n'ai quasiment connu que des missions de prestation. Au bout de six mois, neuf mois, je dois refaire mon baluchon, avec le "double-dernier jour". Je n'ai jamais été en position de pouvoir être promu, quant à avoir un déroulé de carrière...
Tout en écrivant ce post, j'ai cherché une analogie dans l'invraisemblance. Mais autant je peux imaginer qu'il n'y ait plus de gravité ou que les zombis débarquent, autant je n'arrive pas à visualiser une entreprise où je resterai cinq ans !

jeudi 8 septembre 2022

La théorie du radeau

Les jeunes se plaignent volontiers que l'entreprise, c'est un monde trop dur. Un monde de compétitivité, où il faut faire bien du premier coup et où les moins bons se retrouvent vite écarté... Mais c'était plus dur avant !

Garrett Hardin fut un des pionniers de l'écologie. En 1968, il publia La tragédie des biens communs, consacré à la surpopulation. En 1974, il l'illustra par un article baptisé "l'éthique du canot de sauvetage". Cinquante personnes (les pays riches) sont dans un canot, cernés de naufragés (qui représentent les pays du tiers-monde.) Il n'y a pas assez de place pour les faire monter à bord. Qui décide-t-on de sauver ? L'idée étant d'alarmer les gens. Il n'y a pas assez de ressources, sur terre, pour que tout le monde vive correctement. Si l'on continue, on finira par devoir trier les gens.
Ce qui était à l'origine une métaphore sur la surpopulation et la rareté des ressources, devint un outil managérial. On parla de "Théorie du radeau" ou "Théorie du canot de sauvetage". Il n'y a plus cinquante personnes à bord, mais une seule : le manager. Son équipe est dans l'eau, promise à une mort certaine. A bord du canot, il n'y a de place que pour la moitié de l'équipe. Quelles sont les personnes qu'il laisse monter à bord ? Pourquoi les a-t-il choisi ? Quels sont ceux qu'il laisse crever et pourquoi eux ?
L'idée générale, c'est la performance, un mot-clef des années 80. Si les résultats de votre force de vente plafonnent, il ne faut pas embaucher davantage. Il faut repérer les traine-savates, les éliminer et les remplacer par des gens motivés. La Théorie du radeau sert à déculpabiliser le manager. Comme chez Garrett Hardin, si tout les naufragés sont sauvés, tous les occupants du canot finiront par mourir, faute de ressource. Le manager doit se déculpabiliser de renvoyer des employés, la pérennité de l'entreprise mérite quelques sacrifices.

Vu d'aujourd'hui, cette théorie du radeau semble brutale. Les livres qui en parlaient ont été passé au pilon. Un licenciement, c'est désormais aussi un échec pour le manager. Aucun manager n'oserait se débarrasser simultanément de plusieurs employés. Il risquerait d'être immédiatement convoqué.
La tendance, c'est davantage d'adapter son management à son équipe (et non l'inverse.) C'est le padevaguisme, quitte à devoir monter une usine à gaz, car vous avez un employé flemmard. Pour contourner ce tabou du licenciement, le manager aura tendance à s'appuyer sur des précaires (prestataires, CDD, alternants...), car eux, il peut les écarter.
Mais comme le disait Garrett Hardin, l'absence de choix finit par être mortel pour l'ensemble de l'organisation. A quoi bon se donner à fond, si certains sont à 60%, voire à 40% ? A terme, ce sera tout le service qui sera à 40%...

jeudi 18 août 2022

Les pires bureaux : 5) la start-up

Suite et fin de la série estivale sur les pire bureaux. On termine par la fausse-bonne idée à la mode. Autrement dit, l'enfer est pavé de bonnes intentions...

Imaginez, vous débarquez dans un quartier ultra-moderne. La station de métro vient d'être inauguré. Le site est flambant neuf, avec un food-truck bio et un simili-Starbucks, à l'entrée. Bienvenue dans le monde des start-up. Votre N+1, en jeans-basket, vous serre la main : "Bonjour, monsieur Durant... - Y'a pas de "monsieur Durant" ou même "d'Eric". Appelle moi "Rico" !" A priori, tous les indicateurs sont au vert, vous allez vous sentir bien, ici...

Premier souci : votre bureau ; vous n'en avez pas. La boite privilégie le nomadisme, afin d'optimiser l'espace. Après tout, tout le monde est en télétravail 2 jours par semaine, soit 60% du temps sur site (auxquels il faut retrancher les congés.) Il y a 150 bureaux pour 200 employés, soit 75% de remplissage.
Concrètement, le soir, vous prenez toute vos affaires et le lendemain, vous essayez de trouver un bureau dans la même zone... Mais le jour où vous êtes en retard, c'est la cata : après 9h30, c'est chacun pour soi... Car les 2 jours de télétravail, c'est un maximum : certains prennent 0 jours. Et les jours de "Town hall", mieux vaut être là. Certains vont jusqu'à laisser leur ordi, le soir, pour réserver une place. Et bien sûr, votre site accueille régulièrement des formations, ce qui signifie n personnes squattant tout un plateau, plusieurs jours...
Le site est plein ? Rico est cool, mais pas trop. Soit vous rentrez chez vous et vous posez un jour de télétravail, soit vous devez squatter une boquette (NDLA : un genre de cabine téléphonique moderne.) Maigre consolation : les managers ne sont pas mieux lotis.

Pour la machine à café, pas de gobelets : ce n'est pas responsable. Il faut apporter son mug et sa touillette. L'entreprise en fournit, mais ils ne respectent pas la nouvelle charte graphique de la société, alors ils ont été bennés. Le premier jour, on vous file le mug d'un absent, qui n'a pas été lavé depuis trois semaines...
Ah, l'écologie. C'est génial au quotidien. Pour économiser l'eau, il n'y a que six toilettes par étage. Et avec des chasses d'eau "écologiques" (qui ne chassent pas grand chose.) Donc à chaque fois, il y a un flotteur au fond de la cuve... A moins que le toilette ne soit pas carrément bouché (le PQ écologique étant plus épais.) Le chauffage, la clim ? Il faut économiser, pour protéger la planète ! Donc déjà, tout se coupe la nuit. Les lèves-tôt débarquent dans un frigo l'hiver et une étuve, l'été. Ensuite, le souffle asthmatique ne modifie guère le nombre de degrés. A vous les engelures, l'hiver et l'été, une bonne odeur de transpiration en fin de journée...
Et dire que lors du Town Hall, ils affichent fièrement les baisses de consommation énergétiques...

Au final, ce bureau flambant neuf est aussi agréable que la ruine. Sur l'indicateur "qualité de vie", les employés l'ont noté à 3/10. Mais soit vous tombez sur un patron qui s'y plait, soit le patron est au bout du monde. En tout cas, aucun travaux ne sera fait.
D'ailleurs, qui oserait dire : "Je m'en fous de la planète ! Je veux mon bureau ! Je ne veux pas voir le caca de mon prédécesseur aux toilettes ! Et je veux travailler avec une chaleur à 20° toute l'année !" Alors les gens s'expriment avec leurs pieds...

dimanche 14 août 2022

Les pires bureaux : 4) moving, just keep moving...


Suite de la série sur les pires bureaux... Jusqu'ici, j'ai évoqué des locaux où d'emblée, vous percevez un problème. Mais souvent, c'est plus subtil.

L'une des caractéristiques des PME et des ETI, c'est le faible turnover. C'est un avantage, car vous disposez d'employés qui connaissent bien l'entreprise. Mais de par leur taille, ces entreprises possèdent des possibilités de promotions limitées. Donc les gens effectuent le même boulot, années après années. Leur motivation s'émousse, donc leur productivité.

Solution trouvée : faute de promotion, on va organiser une rotation des bureaux ! Faites vos cartons, on part pour une nouvelle aile du bâtiment. On n'est pas en "mode dégradé". Donc à votre arrivée, il y aura tout ce qu'il faut pour travailler. Le problème, il est plutôt pour les réunions transversale dans une salle fixe. Cela veut dire que désormais, vous devez traverser tout le bâtiment pour y accéder !
Par contre, il faudra que vous retrouviez vos repères. Car la machine à café ou la cantine bougent également.
L'inconvénient pour les prestataires, c'est que les autres services bougent aussi. Après un certain nombre de missions, vous ne retenez même plus les noms (à quoi bon, dans n mois, vous serez ailleurs), juste les visages et l'emplacement géographique des uns et des autres. Donc, ça devient compliqué de garder le fil avec vos contacts hors du service. Où sont-ils partis ? Le cas typique, c'était la réunion informelle que vous aviez avec Untel, car son bureau (ou le votre) était sur le chemin de la sortie.

Mais il faut reconnaitre qu'aujourd'hui, avec le télétravail et la numérisation, ce n'est plus vraiment un souci. Ça l'était davantage au temps où chaque employé avait 2 ou 3 armoires d'archives (avec 1 qui n'arrivait pas à bon port...)

mercredi 10 août 2022

Les pires bureaux : 3) en mode dégradé

Qu'est-ce qu'il peut y avoir de pire que de travailler dans une ruine ? Travailler dans une ruine, avec des bruits de perceuse !

L'enfer est pavé de bonnes intentions. Le groupe X décide de déménager telle activité. Le site A était vétuste. Le site B va être entièrement réaménagé.
Seulement voilà, les travaux dans un immeuble de bureaux, cela peut prendre des mois, voire des années. Cela signifierait que pendant tout ce temps le groupe X devrait payer des loyers pour les bâtiments A et B. C'est trop cher !
D'où l'idée mirobolante : transférer l'activité de A, au fur et à mesure, sur le site B. L'idée est simple : dès qu'une zone du site B est achevée, on y envoie tel service de A. Le planning de déménagement est gravé dans le marbre. Parce que c'est bien connu : dans le bâtiment, il n'y a jamais de retards, hein ?

Donc, vous voilà débarquant sur le site B. En fait, les travaux ont pris tellement de retard que dans votre zone, la réhabilitation n'a même pas débuté ! Donc, vous vous retrouvez dans une ruine. Puis les ouvriers débarquent. Ah, la joie des concertos de perceuse à percussion le matin... Vous laissez des papiers sur votre bureau ? Un ouvrier va tester si son marqueur marche dessus. Ou bien, pendant votre absence, un sac de plâtre s'est crevé là. Car les ouvriers, ils n'ont rien à fiche de votre service. Ils déposent matériel et matériaux là où ils peuvent.  Sans parler des pauses clopes, de la radio ou des conversations...
Puis il y a les électriciens, avec des fils dénudés et des câbles par terre. C'est dangereux ? Oui, mais en tant que prestataire, à qui allez-vous vous plaindre ?
Et la plomberie... Ah, la plomberie, avec le travail sur la fosse sceptique. Afin d'avoir de bonnes odeurs... Puis le mail : "Salut, du 3 au 14, l'eau sera coupée et les toilettes, inopérationnels." Bien sûr, en fait du "14", ça sera plutôt le "18". Mais ne vous inquiétez pas, vous en recevrez beaucoup, des mails : plus de climatisation (lorsqu'une vague de chaleur est prévue), plus de chauffage (en pleine vague de froid), etc. Mais le chef de projet "regrette le dérangement" et la "gène occasionnée".
Le chef de projet en question, il vous écrit depuis le bâtiment A. A sa première visite, il vous rassure : la situation n'est pas tolérable et il ne l'a tolère pas. Il ouvre une page où vous pouvez déposer vos griefs. Mais pas question de toucher au planning : le mois suivant, un autre service débarque à son tour dans une zone où les travaux n'ont pas débuté. En fait, le chef de projet est un yesman. Les plaintes sont dirigées vers son assistante, une stagiaire de 18 ans, qui se prend coups de fil d'insultes, sur coups de fil d'insultes.

Et évidemment, en cas de black out, pas question de rentrer chez vous ! Au mieux, on vous force à poser des jours de télétravail (déduits de votre compte mensuel.) Au pire, on vous impose carrément de poser un jour. Notez aussi que le droit de retrait n'existe pas dans le secteur privé. Oui, vous devez travailler dans un bureau sans clim', par 30°, avec un ouvrier qui s'acharne sur un mur. Sinon, c'est abandon de poste. Et par contre, votre N+1 a comme par hasard un long séminaire dans le site A... 

Le plus rageant, c'est que lorsqu'enfin, la zone est à peu près terminée, votre mission de prestation s'achève.

dimanche 7 août 2022

Les pires bureaux : 2) la ruine

Le GPS vous dit "vous êtes arrivé". Là ? Ça doit être une erreur : l'immeuble a l'air d'une ruine, avec des carreaux cassés et il y a une carcasse de chariot-élévateur devant. Accessoirement, c'est le logo de la société d'il y a 20 ans... Pourtant, en vous approchant, vous voyez des gens à l'intérieur. Non, ce n'est pas une friche industrielle. C'est le lieu où vous allez effectuer votre prochaine mission de prestation. VDM !

Il y a 3 cas de figures :
1) C'est l'annexe du manoir. Lorsqu'il est devenu trop petit, ils ont construit cet immeuble. Ils y ont envoyé les fonctions "non-nobles". Autant au bâtiment principal, la moindre panne du Nespresso doit être traitée dans les cinq minutes, ici, le fait que l'ascenseur fasse des bruits inquiétants, on s'en fiche ! Bien sûr, l'entretien et la signature du contrat, ils ont eu lieu au manoir. "Il y est où, mon bureau ? - Dans l'autre bâtiment..."
2) La filiale mal-aimée. Les groupes industriels ont souvent une hiérarchie des sites. Les sites en province, avec une majorité d'ouvriers sont les plus mal lotis. Votre site va sans doute de plans sociaux en PSE et le groupe compte le fermer prochainement. C'est pour ça qu'ils font appel à des prestataires, afin de remplacer les gens partis, durant les derniers mois de la boite... Au moins, lorsque vous retrouverez le marché de l'emploi, vous pourrez dire : "J'ai bossé pour X."
3) Le fond d'investissement. La boite est le principal employeur du coin. Alors, régulièrement, elle se fait reprendre par des fonds d'investissements, qui quémandent des aides pour la relancer. Le fonds encaisse les aides, ainsi que toutes les liquidités de la boite. Et lorsqu'elle coule, un nouveau fond se présente...

Dans tous les cas, c'est horrible. J'ai travaillé six mois dans un bureau avec une vitre cassé. Dans une autre boite, des rats venaient nous dire coucou, à la machine à café. Et il y avait des seaux par terre, parce qu'il y avait des fuites. J'ai été en entretien dans une boite avec ds toilettes dignes de Trainspotting (j'ai refusé d'aller là-bas.) Et en discutant avec d'autres zappés, j'ai pu me rendre compte que chacun avait au moins une histoire comme cela...

vendredi 5 août 2022

Les pires bureaux : 1) le manoir

Faisons une série de l'été ! Normalement, tous les bureaux ont tendance à se ressembler. Parfois, votre lieux de travail est différent. "Différent", ce n'est pas forcément synonyme de "meilleur".

Commençons par le moins pire : le manoir du XVIIIe siècle. Cela arrive avec les industries un peu vieillottes, avec pas beaucoup d'employés, mais énormément d'argent (petit laboratoire pharmaceutique, banqu d'affaires, parfumerie ou maroquinerie de luxe...) Parfois, l'entreprise est basée là, car le manoir a été acheté par l'arrière-arrière-grand-père du PDG. Et parfois, c'est juste pour dire : "On est plein aux as, on s'offre un château !"
Vu de loin, c'est pas mal : vous avez l'impression de travailler dans le décor de Sissi ! Surtout que ce genre de manoirs sont situés dans les beaux quartiers.

Sauf qu'évidemment, au XVIIIe siècle, il n'existait d'immeubles de bureaux. Il a fallu réaffecter des pièces existantes. D'où des bureaux de 10m², mais avec 3 mètres de hauteur sous plafond ou des salles de réunion où l'on tient à peine debout.
L'escalier principal et l'ascenseur ne vont pas jusqu'en haut. Et au-delà du 2e étage, les niveaux ne sont plus plats ; il y a des marches partout. Ce sera très rigolo, le jour où vous devrez acheminer une charge lourde !
Ça a un côté labyrinthe. Les premiers jours, on dira : "Le bureau de Durand ? Tu vois la machine à café, celle qui est en-haut ? Derrière, tu as une pièce avec la photocopieuse. Puis tu vas voir un escalier. Ça débouche chez Martin. Tu dois traverser le bureau et tu as un couloir au bout et là, c'est le bureau de Durand."
Avec le temps, certains bureaux (archives, secrétariat...) n'avait plus d'utilité. Alors ils les ont vidés, sans rien mettre à la place. Du coup, certaines ailes sont quasiment entièrement désaffectées.
Aux XVIIIe siècle, on n'était pas très branché luminosité. L'hiver, dès 15h30, presque tout est plongé dans l'obscurité. Les nombreuses lampes n'arrivent pas à éclairer les recoins. Donc, si vous allez travailler dans l'aile quasiment-vide sus-citée, vous avez l'impression d'être dans un film d'horreur...

lundi 25 juillet 2022

The Office... En vrai !

Récemment, j'ai eu la mauvaise idée de regarder une vidéo YouTube sur The Office. Donc YouTube n'a pas arrêté de m'en recommander depuis.

The Office est en fait l'adaptation du sitcom Britannique éponyme. Il y a aussi eu une adaptation Française, Le Bureau, qui était assez passable. The Office suit la vie d'une PME Américaine et le ton est très noir : souvent, lorsqu'un personnage tente une aventure (sentimentale ou professionnelle), cela rate et il retourne à la case départ.

Bien sûr, les personnages sont caricaturaux. L'un des ressorts de la série, c'est qu'ils ont conscience de la présence de la caméra et qu'ils tentent de devenir des stars. En plus, elle a été filmée de 2005 à 2013. Certaines situations ont vieilli. Néanmoins (est-ce une bonne ou une mauvaise chose ?), vous croiserez certains des protagonistes...

Michael Scott

C'est souvent votre N+2. Il a atteint le principe de Peter. Il a beaucoup de monde sous sa responsabilité. Mais il ne montera pas plus haut. Dans les réunions Teams "high level", c'est assez gênant de voir votre Michael se faire humilier par les gens du siège. En même temps, c'est pour cela qu'il passe du temps avec ses subordonnés. Par exemple : "Tu as mangé ? Les gens du siège -qui sont de passage- ont réservé un restaurant, mais pas pour moi." Il a envie d'être aimé et il adore les afters, pots de départ, etc.
Bien sûr, les ordres d'en-haut restent prioritaires. S'il vous a juré qu'il ferait blanc, mais que le top management dit noir, ça sera noir. A la longue, vous comprenez qu'il fait surtout du forwardage d'e-mails et qu'il n'a aucune prise sur la vie de l'entreprise à moyen terme. Aussi, même s'il dit être votre ami, si le top management lance une PSE, il vous mettra dans la charrette...

Jim Halpert

Dans la vraie vie, Jim ne serait pas marié à Pam. Non, il aurait épousé sa copine rencontrée à la fac. Elle n'était pas très mignonne, mais c'est elle qui l'a abordée. Alors il est resté avec et ils ont eu des enfants. Pour le boulot, c'est pareil. Il a fait plusieurs CDD. Là, on lui offrait un poste en CDI. Alors il a dit oui.

Au quotidien, Jim s'ennuie. Son quotidien le pèse. Le lundi matin, quand vous lui demandez : "T'as fait quoi ce week-end ?" Il vous répond, l'air vide : "Rien." Souvent, il se plaint de sa femme et de son boulot, mais il ne quitte ni l'un, ni l'autre.

Vous, en tant que zappé, vous êtes malgré tout un peu jaloux de Jim : il n'a connu ni le chômage, ni la solitude. A trente ans et des poussières, il a déjà remboursé un gros tiers du crédit de son appartement. Lui, il sait où il sera l'an prochain, alors que vous, au-delà de votre contrat, c'est l'inconnu...

En général, il finit par craquer. Beaucoup de Jim ont divorcé durant le confinement. Ce sont ceux qui font les pires crises de la quarantaine. J'en ai connu un qui a tout plaqué pour s'habiller en femme et devenir actrice porno transsexuelle ! Parfois aussi, c'est le corps, qui accumule le stress. Et là, ça se finit en gros pépin de santé.

Dwight Schrute

C'est un composite de deux personnages.

D'un côté, vous avez le Johnny Abbes. Il est persuadé d'être le bras droit du manager. Il va le tuyauter sur les faits et gestes de l'équipe. Comme souvent le manager est idiot, un Dwight peut volontiers pousser ses pions. Reste qu'il est nul en management ou en relation humaine, donc on ne veut jamais lui confier une équipe.
La série montre très bien les rapports complexes entre Jim et Dwight, tour à tour amis et ennemis, avec un rapport de force qui évolue.

Vous avez aussi le quasimodo. La personne qui gère seule une entité (archives, magasin d’entrepôt, service hygiène & sécurité...) et possède une grande autonomie. Son espace, c'est son entre. Surtout, c'est un vrai cas social. En général, vous n'allez le voir qu'en cas d'absolue nécessité, car il vous tiendra un long discours sur le dernier complot en vogue...

Ryan Howard

C'est un Rastignac. Ou plutôt, un mauvais Rastignac. Dès qu'il est promu, il se comporte en petit chef vis-à-vis de ses ex-collègues. Il n'est gentil uniquement lorsqu'il veut que vous fassiez ses devoirs. Surtout, il n'a aucune subtilité dans son jeu.

Les scénaristes de la série (notamment B.J. Novak, qui joue Ryan Howard) s'amusèrent à maltraiter l'ambitieux. En pratique, sa chute est souvent moins spectaculaire. Le Rastignac veut être calife à la place du calife et ça, forcément, ça ne plait pas au manager. La moindre incartade est un prétexte pour dégager le gêneur.

Stanley Hudson

C'est un Yves. On peut aussi y voir un Jim en plus vieux. C'est l'employé revenu de tout. Il n'a plus aucune ambition. Il ne fiche pas grand chose et ne s'en cache pas. De toute façon, il sait qu'il ne sera plus promu.

Souvent, il a ses têtes. Des collègues avec qui il aime rigoler. Pour les autres, par contre, il se ferme à double-tour. "Vous voulez un formulaire 1145. 1145-A ou 1145-B ? C'est à VOUS de me dire ce que vous voulez, pas à moi de décider." Pas que ça à foutre, y'a pas marqué "bureau de renseignements", là !

Kelly Kapoor

Vous croisez beaucoup de Kelly. 

Un parent ayant une longue maladie, un ex qui la harcèle, un promoteur immobilier véreux qui l'a escroquée, un enfant ayant besoin d'attention... Dans la vraie vie, Kelly se débat avec un problème personnel apparemment inextricable. Problèmes chronophages et qu'elle va s'empresser d'expliquer en détail à ses collègues. Cela signifie des coups de téléphones interminables et régulièrement, elle doit partir plus tôt/arriver plus tard, sans oublier les absences impromptues.

Au quotidien, c'est un enfer. En open space, vous devrez supporter les coups de fils sus-cités, avec des détails bien trop intimes. Surtout, Kelly possède une productivité nulle. Son manager tente d'ailleurs de la faire muter. A la moindre remarque, elle explose en larmes ou bien elle pousse un cri de colère. "Comment ose-t-on lui demander d'accélérer, alors que ça fait 3 jours qu'elle dort à peine la nuit ?" Et à l'arrivée, c'est vous qui faites le boulot. Souvent, c'est parce qu'il y a des Kelly que les managers embauchent des prestataire, afin d'assister la "Kelly".

Pam Beesly

A contario. Il n'y a plus de Pam Beesly, c'est l'un des points qui dénote l'age du sitcom.

La version Britannique de The Office fut créée en 2001. A l'époque, l'usage des outils numérique était limité et les téléphones portables avaient des forfaits mensuels d'une heure. Les réceptionnistes avaient un rôle-clef. Elles triaient le courrier et les fax, prenaient des messages en cas d'absence, etc. Dans certaines entreprises, elles servaient également d'assistantes commerciales. Dans les grands groupes, les réceptionnistes étaient intégrées au cercle des assistantes de direction. Une jeune réceptionniste pouvait espérer un job d'employée de bureau.

Aujourd'hui, presque toutes les communications extérieures se font par e-mails. Il n'y a plus de messages à prendre ou de gens qui appellent le standard afin de vous joindre. Dans les bâtiments modernes, l'accueil est à part et les employés doivent passer par une autre entrée. Covid oblige, la réceptionniste est cloitrée derrière une vitre en plexiglas. C'est une prestataire et elle n'a aucune interaction avec le reste de l'entreprise.

Creed Bratton

Au fil des saisons, les créateurs ont laissé dériver des personnages. Creed Bratton est l'exemple d'un personnage "hénaurme".

Le plus proche, c'est le keskifoula.
Souvent, c'est un ancien cadre supérieur, un ancien dirigeant d'une filiale disparue. Il a refusé un départ volontaire et compte tenu de son ancienneté, il couterait trop cher à licencier. Alors on l'a mis à un poste auquel il ne comprend pas grand chose.
Dans les PME, il est là parce que le chef l'a embauché. Et à prix d'or. Le patron est persuadé que c'est un génie ou un vieux sage.

Dans les deux cas, soit il ne fiche strictement rien, soit il lui faut une éternité pour faire la moindre tache. En tout cas, c'est un boulet.
Comme Creed, effectivement, ils ont souvent un parcours extraordinaire, avec des talents sportifs ou artistiques insoupçonnables. Comme Creed, ils ont souvent d'autres revenus en parallèle. Parfois, ils gagnent même davantage par ce biais, que par leur travail. Enfin, comme Creed, ils sont souvent d'une radinerie sans fond. Par exemple, à la cantine, ils prendront une petite assiette de salade qu'ils rempliront au-delà du raisonnable. Au lieu de payer 0,20€ de plus pour une grande assiette.

lundi 18 juillet 2022

Travail, congés : rappels historiques

Une amie m'a transmis une vidéo d'un psychologue sur les vacances. Une vidéo sympathique... Mais complètement fausse sur ses repères historiques.

Petit rappel, donc.

Emploi
Non, M. Moukheiber, l'emploi, au sens moderne du terme, n'a rien de nouveau.

Au haut-moyen-âge, la chrétienté se développe. Les baptistères font place à des églises, puis des cathédrales, voire des basiliques. Pour bâtir un château, le seigneur impose une corvée à ses ouailles. L'église, elle, n'a généralement pas de moyens coercitifs sur les populations. Elle va donc embaucher des ouvriers. Dans les archives des bâtiments, on trouve des donnés sur le nombre d'ouvriers, leur salaire (en numéraire ou en nature), la durée de leur travail, etc. Ce n'était pas un contrat de travail, mais davantage un onglet du budget prévisionnel de la construction. On est bien face à un emploi salarié.
D'ailleurs, en vue de travaux futurs, les abbayes, monastères, etc. vont développer la fabrication de denrées (comme la fameuse bière trappiste) destinées à payer les ouvriers.

Tripalium
Pour les Romains, le travail physique est un torture. D'ailleurs, le mot "travail" viendrait d'un instrument de torture, le tripalium [citation needed]. A Rome, les travaux physiques sont l'apanage des pauvres et des esclaves. L'objectif d'un Romain sont de progresser socialement, afin d'avoir des esclaves pour effectuer les travaux. Ainsi, il aurait du temps pour se consacrer à des activités nobles (politique, philosophie, art, etc.)
Près de deux millénaires plus tard, Karl Marx débarque en pleine seconde révolution industrielle. Il constate que les ouvriers travaillent dans des environnements dangereux (mines, haut-fourneaux...) Si le patron leur fournit logement ou équipements, il est déduit de la paye, ne laissant quasiment rien aux ouvriers. Enfin, la paye est quotidienne : si un ouvrier se plaint, qu'il tombe malade ou se blesse, on lui dit de ne plus revenir là. Pour l'historien, c'est évident que l'ouvrier exploité est le descendant de l'esclave de la Rome antique.
Nouveau saut dans le temps : nous voilà dans les années 70. Un chômage toujours plus important s'installe en Europe occidentale. Pour les néo-marxistes, les fautifs sont les patrons. Ils imposent des horaires à rallonge à leurs employés, au lieu d'embaucher. En réduisant la limite légale du temps de travail, on forcera les employeur à recruter. Cela aboutira, en 1999, à la loi Aubry sur les 35h. Avec l'idée sous-jacente que les gens occupent un emploi salarié par nécessité. En passant aux 35h, ils pourront davantage s'épanouir dans leurs vraies passions, comme notre Romain enrichi.
Toujours dans les années 70, James Tobin réalise que la création de richesse provient non plus sur la production industrielle, mais la spéculation financière. Il réfléchit à une taxe sur ces flux. Puis, dans les années 2010, l'idée est fusionnée avec celle du revenu universel. On reste dans l'idée d'un salarié contraint. Avec l'idée qu'en lui offrant de quoi vivre, il n'aura plus besoin de travailler et là, il pourra se consacrer à 100% à ses passions.

Labor
Au bas-moyen-âge, les villes se développent et elles ont besoin de gestionnaires. La noblesse se désintéresse du travail politico-administratif, transformant le tripalium romain en devoir d'oisiveté. Le clergé, omniprésent dans les campagnes, manque de moyens pour quadriller les villes. Qui plus est, depuis les croisades, les rois se méfient des ordres et autres confréries. Cela ouvre un espace à la bourgeoisie : frappe de la monnaie, perception de l'impôt, arbitrages judiciaires, transport inter-cité, gestion des grands projets d'urbanisme ou de génie civil et plus tard, financement d'expédition extra-européenne et d'installation de colonies... La bourgeoisie sait se rendre indispensable dans la société médiévale, puis à la renaissance. Dès le XIIe siècle, en Angleterre, les parlements sont ouverts à des représentants des familles bourgeoises. Certains veulent être anobli, mais d'autres tiennent à rester en dehors de l'aristocratie et à obtenir des charges par le mérite et non par hérédité.
En Grande-Bretagne, le XVIe siècle est celui d'une lutte continue entre la monarchie et une bourgeoisie qui rêve de république. En 1707, le Royaume-Uni devint officiellement une monarchie parlementaire, avec une chambre de communes unifiée. Peu après, les libéraux Adam Smith (fils d'avocat) et David Ricardo (fils de négociant) se font le chantre du travail. Ce travail, qui a permit à leurs familles de s'élever socialement et financièrement. Ils emploient le terme latin "labor".
Le libéralisme se développe aux Etats-Unis, avec le mythe du self-made-man. Cet homme venu de nul part, qui par son abnégation, atteint les sommets. C'est le rêve Américain. On aime y montrer les garages où des entreprises Apple, Mattel ou Harley-Davidson sont nés. On consacre même des biopics, comme The Aviator ou Jobs.

Vacances
Là où
Albert Moukheiber a raison, c'est que les vacances n'ont rien de naturel.

Aux XIXe siècle, l'aristocratie Européenne n'a plus qu'un rôle très symbolique et elle s'ennuie. Alors elle voyage. La médecine, alors balbutiante, conseille aux corps fiévreux de prendre "le grand air". Le train apparait et il va toujours plus loin. A la mer ou à la montagne, au terminus des gares, on ouvre des stations thermales ou des sanatoriums. On se pique également d'intérêt pour l'archéologie ou les arts. La haute bourgeoisie, qui vise à supplanter l'aristocratie, prend également le train. Au tournant du XXe siècle, l'hôtelier César Ritz, le chef Charles Escoffier ou Georges Nagelmackers (avec son Orient Express) tracent les traits d'un tourisme destiné aux ultra-riches, que l'on retrouve dans les romans de Thomas Mann.
A la même époque, l'école devient obligatoire. Or, à la ferme, les enfants aidaient leurs parents pour les moissons. On décida donc de fermer l'école l'été, pour qu'à la campagne, les enfants puissent continuer à participer aux travaux agricoles.
Les congés payés n'ont rien d'une revendication ouvrière. Les ouvriers vivotent et ont peu de loisirs. Que feraient-ils d'une semaine de repos ? Il n'y a pas vraiment de code du travail national. Les grandes entreprises possèdent leur règlement interne. C'est le temps des patrons paternalistes, qui doivent prendre en main leurs salariés. On soupçonne les ouvriers d'avoir une hygiène corporelle et une hygiène de vie déplorable. Des équipes visitent les logements de fonction à l'improviste.
En 1853, Napoléon III donne deux semaines de congés aux fonctionnaires. Plus tard, Léon Blum travaille dans un journal qui paye des congés à ses salariés. C'est sans doute ce qui l'inspire, en 1935, lorsque le Front Populaire impose deux semaines de congés payés. Néanmoins, ce n'est qu'après la guerre que les Français commencent à partir en vacances. De lubie culturo-hygiéniste, les congés deviennent un droit immuable, avec trois, quatre puis cinq semaines annuelles.

Les libéraux se sont longtemps arrachés les cheveux. En août, la France tourne au ralenti. La production baisse de 20% en moyenne. J'ai connu une entreprise où les salariés devaient solder tous leurs congés avant juin. Entre les RTT et les "jours de médaille", les bureaux étaient quasiment vides en mai !
Mais le patronnait a trouvé l'angle mort de la baisse du temps de travail. Désormais, les salariés étalent leurs vacances sur toute l'année. Fini, les quatre semaines en août et la semaine en février, pour le ski. D'ailleurs, certaines entreprises interdisent de prendre plus de deux semaines d'affilée. On s'offre donc un week-end prolongé, avec des visites au pas de course, pour ne rien louper. Et bien sûr, on garde un œil sur ses mails.

Conclusion
Tripalium et labor sont devenus copains. On travaille moins, mais on doit rester joignable en permanence. Votre patron vous tutoies, il vous autorise à partir à 15h le jour où votre plombier doit passer... Mais il est en permanence sur votre dos. Vous avez le droit d'avoir un hobby et c'est même conseillé, car à partir de 40 ans, cela risque de devenir votre seul revenu. etc.