lundi 21 décembre 2020

Création de poste... Ou presque


Dans les entreprises, les gens vont et viennent en permanence. Parfois, lorsque vous avez, il y a une période de passage de témoin. L'employé sortant a quelques jours -souvent, une semaine- pour vous expliquer les dossiers, les processus, etc. Qu'il parte volontairement ou pas, il est souvent aigri. 

Jusqu'ici, rien d'étonnant. Sauf qu'à la longue, vous réalisez qu'il a raison. Surtout, en consultant l'historique (par exemple : un vieux mail déterré sur un sujet qui traine), vous découvrez que ça a beaucoup bougé à votre poste. J'ai connu une boite où j'étais le quatrième en 18 mois !

La variante, c'est la soi-disant création de poste. Là encore, tôt ou tard, vous découvrez que quelques mois avant vous, il y avait quelqu'un d'autre là. A son départ, le responsable repris le processus de recrutement à zéro. Une fois, une même entreprise m'a contacté deux fois à 6 mois d’intervalle (un genre de "deuxième choix".)
Sur Linkedin, j'ai découvert qu'une boite où j'étais censé ouvrir un poste, avait déjà eu deux employés sur deux ans !

Il y a ainsi des postes avec un fort turnover. Généralement, en cause, un N+1 ou un des collègues, qui est épouvantable. Cela va du harcèlement (moral ou sexuel) à l'incompétence, qui en devient toxique. Dans les PME, le moindre poste vacant est problématique. Le dirigeant  devrait être particulièrement attentif à ce genre de difficultés. De même, dans les grandes entreprises, un manager doit être capable de surveiller des chefs d'unités.
Mais rien ne bouge. C'est le dogme du "pas de vagues". On préfère revoir des CV tous les 3 mois que de convoquer le fauteur de trouble. D'autant plus qu'il est souvent "connu"...

jeudi 17 décembre 2020

Paresse sociale : 2) Les solutions

Dans le précédent post, j'évoquais la paresse sociale et les fausses bonnes idées pour la solutionner. Mais quid des bonnes idées ?

C'est simple : 1) Être un leader. 2) Être un leader. 3) Être un leader.

Si vous voulez que votre équipe se transcende, elle doit avoir un cap, une direction. Si vous devez prendre une décision difficile, il faut que votre équipe ait l'impression que cette décision soit justifiée. Et que vous ayez tout fait pour protéger votre équipe. "La direction imposait ceci, mais j'ai obtenu cela."
Il faut que le chef soit le premier de cordée, celui qui ouvre la marche, qui va au front, etc. Si votre équipe a conscience que vous prenez des coups (au bénéfice de l'équipe), elle vous suivra.

Enfin, il faut savoir personnaliser le management. Un service connait des respirations, il faut savoir annuler des réunions. Aussi, vous devez traiter différemment la personne qui a 20 ans de boite et le stagiaire arrivé la veille !

Plus généralement, il faut savoir être franc. Il n'y a rien de pire que les faux-espoirs ou les serments d'ivrognes.
Un service, ce n'est pas une île déserte : les gens parlent avec d'autres services. La "radio-moquette" peut être un poison. On ne vous demande pas de trahir la confidentialité d'un CE, mais au moins, de ne pas nier l'évidence.

mardi 8 décembre 2020

Paresse sociale : 1) Ce qu'il ne faut pas faire

Une vidéo récente de Xerfi Canal évoquait la "paresse sociale". Ce sont les théories de Maximilien Ringelmann. Pour ceux qui ne seraient pas familiers avec ce concept, plus vous avez d'employés, moins ils travaillent. D'après Ringelmann, avec 8 employés, on est à peine à 50% de rendements, soit l'équivalent de 4 temps plein ! Et au-delà de 8, le rendement par employé baisse tellement que la productivité totale du service n'augmentera plus.

Les managers sont généralement conscients de ce fait. Et pour y répondre, ils n'ont que des mauvaises solutions ! A savoir :
1) La solution N°1, c'est de sous-staffer. Si votre équipe a plus de travail qu'elle peut en effectuer, les gens devront mettre les bouchées doubles ! C'est la meilleure recette pour avoir des burn-out. Plus rarement, certaines entreprises ont les moyens de sur-staffer. Elles se disent qu'en embauchant trois personnes pour en faire le boulot d'une, le boulot finira par être fait, non ?
2) Fliquer les gens. Les managers veulent des employés qui travaillent de la première à la dernière heure de la journée (et si possible, en faisant des heures supplémentaires.) Donc beaucoup ont tendance à surveiller les open spaces. La vieille école, c'est le manager qui passe dans votre dos sans se signaler. Dans une entreprise que j'ai connu, on chronométrait le temps passé sur internet (un outil inutile avec la généralisation des smartphones.) Ailleurs, on ne pouvait prendre son café qu'à certaines plages de la journée. Et bien sûr, en ces temps de Covid, point de télétravail ! Le risque, c'est bien sûr le présentéisme. Les employés sont malins, ils trouveront des solutions. Le carottage habituel, c'est la "réunion" à l'autre bout du bâtiment, loin du chef...
3) Favoriser le turn-over et les jeunes. C'est du darwinisme professionnel. Les jeunes ont généralement une motivation de départ plus élevée. Lorsque le jeune est démotivé, il claque la porte et vous le remplacez par un autre jeune. C'est valable pour les tâches à faible valeur ajoutée. Mais dès qu'on en demande davantage, c'est problématique. Sous pression, le jeune est plus prompt à partir en vrille. Et si vous avez un volant permanent, le retex sera nul. J'ai connu une entreprise où le client perdait patience, à force de voir défiler le personnel...
4) Micro-manager. C'est la plaie du management moderne. Des bilatérales hebdomadaires, voire quotidiennes, avec des objectifs très précis. Une réunion, ça doit avoir un but précis. Engueuler les gens, juste pour engueuler les gens, ça aura l'effet inverse. Je peux en témoigner, vous vous dites que rien ne sera jamais assez beau pour votre chef, vous attendez la gifle et à la longue, vous êtes démoralisé. Car si vous ne pourrez jamais satisfaire votre manager, à quoi bon se tuer à la tache ?

lundi 23 novembre 2020

Cabinet d'ingénierie


Je vous parle d'un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaitre... En fait, les cabinets de consultants actuels sont un dévoiement des cabinets d'ingénierie des années 2000.

A l'époque, lorsqu'une grande entreprise avait un besoin à court-terme en ingénierie (surtout sur les projets très en amont), elle faisait appel à la sous-traitance. Les cabinets montaient alors des plateaux projets, très autonomes, avec leurs propres chef de projet. Seul ce dernier était en contact direct avec le client.
Au mieux, le client possédait suffisamment d'espace pour vous intégrer dans ses locaux. Plus fréquemment, le client mettait à disposition du cabinet un Algeco, voire un local désaffecté. Et souvent, le plateau-projet était situé chez le cabinet de consultant, avec des bureaux dédiés. Cela signifiait qu'en tant qu'ingénieur de base, vous travailliez pour un client que vous ne voyiez jamais. Vous n'en connaissiez que son mail ou sa voix au téléphone.

Il y avait pas mal de turnover. Si le client avait sous-traité le projet, c'est souvent que le budget était insuffisant ou les délais, intenables. Dans une boite, j'ai ainsi vu trois supérieurs effectuer un burn-out ! Les plus jeunes se disent : "pourquoi se tuer à la tache pour l'homme invisible ?" Les cabinets d'ingénierie ne sont pas complètements idiots : certains bons éléments sont réaffectés à des projets plus gratifiants. Enfin, au gré de la vie du projet, si le budget le permet, ils peuvent rajouter des "petites mains".
Afin de garder une certaine cohésion dans l'équipe, les chefs avaient pour consigne d'animer leurs équipes : pot de départ, after-work, team-building... Tout était bon.

L'inconvénient, c'est que le retex était nul. Une fois le projet terminé, les contrats des consultants (y compris celui du chef de projet) s'arrêtaient. Souvent, même les N+1 partaient voir ailleurs. En plus, à force de travailler pour les mêmes clients, certaines entreprises comme Altran, Alten ou Akka se retrouvaient en position de force.
D'où l'évolution radicale du métier. Désormais, les plateaux projets sont in situ, avec un responsable en interne. De plus, l'équipe est un panaché de différents cabinets. On va ainsi vers toujours plus de précarisation des consultants, de compétition entre cabinets, d'apparition de cabinets toujours plus agressifs...

jeudi 19 novembre 2020

Télétravail, téléenfer ?


En 2014, j'évoquais discrètement le télétravail. A l'époque, c'était un doux rêve. On l'assimilait aux cadres dirigeants forcés de travailler le week-end. Et aux indépendants trop fauchés pour avoir leur propre bureau.

Le télétravail avait beaucoup d'avantages. Terminé, le chef de service qui regarde par-dessus votre épaule et vous grondes si vous êtes sur Lastminute.com ! Terminé, l'obligation de poser une demi-journée pour faire des démarches administratives ou pour amener le petit chez le docteur ! Les études montrent qu'un employé en télétravail travaille davantage, car il a moins de sollicitations. Un employé en télétravail est moins souvent malade, car il n'y a pas de promiscuité. Enfin, un employé en télétravail pollue moins, vu qu'il n'a pas à se déplacer jusqu'à son bureau.

En 2014, c'était un doux rêve. Depuis, il y a eu le Covid. On s'est habitué aux réunions sous Teams, aux "il est où, Untel ? - Il est en télétravail aujourd'hui.", etc. 

Mais bien sûr, il y a un côté pervers. Les pays Anglo-saxons ont fait figure de pionniers en la matière. Désormais, Boris Johnson souhaite promouvoir le retour au travail.
A terme, l'entreprise perd le lien avec ses employés. Plus besoin de grandes surfaces de travail ; lorsqu'ils viennent, les employés se retrouvent en bureau volant (hot desking.) Les employés en télétravail se voient proposés moins de formation. Et bien sûr, le recours à la prestation est accru. Et tant qu'à faire, pourquoi ne pas sous-traiter à l'étranger ? Le coup est encore plus rude pour les managers. Après tout, pourquoi devraient-ils n'avoir qu'une quinzaine de subordonnés, suivant les schémas classiques ? On prend l'exemple du chef d'orchestre.
L'avenir, c'est donc de travailler en prestation, pour un client chez lequel vous n'avez jamais mis les pieds. Votre N+1 aura une cinquantaine de subordonnés et il ne vous parle que durant une brève weekly. D'ailleurs, il gagne à peine plus que vous et peut-être qu'il sera lui-même en prestation.

Charmant.

mercredi 18 novembre 2020

Entretien par hologramme

Lorsque j'ai commencé ce blog, les entretiens à Pole Emploi, suite à une inscription, étaient individuels. Ce qui donnait lieu à des anecdotes savoureuses. L'entretien collectif, c'était un peu la révision des 6 mois...

Heureuse époque ! Désormais, on a l'entretien collectif par hologramme. Ou presque. Peu après votre inscription, on vous convoque donc à une réunion avec une quinzaine de personnes récemment inscrite. Généralement, c'est à 9h, parce qu'un chômeur ne doit pas faire de grasse matinée ! Dans le lot, il y a la femme qui note tout, l'homme qui n'ouvre même pas son blouson, ceux qui pianotent discrètement sur leur smartphone, celui qui pianote sur son smartphone sans se cacher, l'homme ivre-mort qui gobe les mouche, le petit groupe qui arrive avec 5 minutes de retard (et se fait escorter par une conseillère jusqu'à la salle) et celui qui arrivent avec 15 minutes de retard, sans complexe.

Pendant ce temps, le conseiller fait sa présentation, impassible. J'ai été convoquée à 3 réunions avec le même conseiller. Il a fait le même speech, avec les mêmes blaguounettes, les mêmes apartés, etc. Pôle Emploi nous explique qu'en gros, en tant que cadres, on sait se débrouiller tout seul. Donc on nous embêtera plus. Pour les questions, il faut voir avec l'assistance téléphonique ou par internet.
Parfois, j'ai l'impression que cela fait longtemps qu'il ne croit plus à ce qu'il dit. D'autre fois, j'ai l'impression qu'il est dans sa bulle, qu'il a l'impression d'avoir remotivé 15 personnes. A la fin, invariablement, un doigt se lève : quelqu'un à 3 mois de la retraite et qui compte rester chez lui d'ici là. Il a donc un cas de conscience à cocher "je suis toujours à la recherche d'un emploi". Ne vous inquiétez pas, Pôle Emploi fermera les yeux. Une autre question ? Là, invariablement, il répondra : "Voyez avec le centre d'appel..."

Fin de la classe. Les gens rentrent chez eux silencieusement. Et une fois sur deux, Pôle Emploi va vous menacer, parce que votre présence à la réunion n'a pas été prise en compte et que vous êtes un sale délinquant...

vendredi 13 novembre 2020

Dernier jour


J'ai fait allusion au premier jour en entreprise. Je n'avais pas parlé du dernier jour. J'en ai connu pas mal, des derniers jours en entreprise... Souvent, cela tombait en milieu de semaine. 

Pour tous vos collègues, c'est un jour comme un autre. Mais vous, c'est la dernière fois que vous venez ici.
Normalement, vous avez déjà confié vos dossiers à d'autres. Vous avez peu de mails ; peu de coups de téléphone. Vous êtes condamné à errer à la machine à café. Peut-être que vous devez assister à une réunion. Cela vous semble alors très abstrait, ces affaires en cours, ces actions à gérer. Peut-être qu'un gradé vous dira : "Vous pouvez traiter ceci ? - Euh... Non, je vais partir... - Quand ? - Ce soir. - Ah, au revoir." Avec le Covid, en plus, la moitié du service est absente. Notamment les collègues qui vous avaient promis un resto pour votre départ. Justement, les collègues sont bizarres. Souvent, ceux avec qui vous aviez sympathisé sont distants. Ils ont déjà tourné la page. D'autres se montrent étonnement proches. On vous a viré à cause de X et X, ils le connaissent bien : il en a déjà fait licencier plus d'un... Vous avez les angoissés du "tu as d'autres pistes ?" Ça y est, on vous réduit déjà à un chercheur d'emploi. Il faudra vous y habituer...
L'heure H approche. Finalement, la journée est passée plutôt vite. Ben quoi, vous n'avez pas le droit à un pot de départ ? Non, rien. Les pots de départ, les cadeaux, c'est pour les autres. Vous laissez un mot d'adieu, puis c'est le moment de laisser votre badge et votre ordinateur. Votre futur ex-chef vous invite pour un ultime mot. Vous auriez envie de lui dire que c'est une peau de vache, qu'il vous a bien eu, qu'en fait, personne ne l'aime. Mais rien ne sort de votre bouche ; vous être trop poli.
Et vous voilà dehors, comme d'habitude. Sauf que cette fois-ci, vous ne reviendrez pas demain. Vous n'êtes plus employé, vous êtes chômeur. Pour votre entreprise, c'est comme si vous n'aviez jamais été là. Un autre prendra votre bureau, votre téléphone et votre ordinateur. C'est fini.

jeudi 12 novembre 2020

Pas très protocolaire


La vie en entreprise, en ces temps de Covid, ça n'est pas terrible. Et j'y reviendrais. Mais il y a pire : vous pourriez être précaire !

Le Covid, c'est le genre d'instant où l'on a un besoin irrésistible de sécurité, que l'équipe soit plus soudée que jamais... Sauf qu'au contraire, les précaires sont livrés à eux-mêmes et leur mince filet de sécurité disparait.
Les entreprises profitent des confinements pour dégraisser discrètement. Il suffit de ne pas renouveler les contrats des prestataires et des intérimaires. C'est l'occasion de faire jouer le cas de "force majeure". Aux prestataires conservés, la mission est "temporairement suspendus". Dans les boites de prestation, on prolonge d'autant les périodes d'essai. Allez chercher de la motivation après 10 mois d'essai... Pour les personnes en portage, le chômage partiel n'existe pas : vous êtes au chômage tout court !

Une fois de retour, les clients peuvent considérer que les masques font parti du "délit de marchandage". Charge à vous de vous débrouiller pour en trouver... Et bien sûr, interdiction de venir sur le site démasqué. En mai, certaines entreprises ont mis des semaines à fournir des masques à leur consultants. J'ai ainsi vu des prestataires laver et relaver leurs masques chirurgicaux, au mépris de leur utilisation.
Le télétravail ? Ce coup-ci, l'état l'a juste "conseillé" aux entreprises. Charge aux représentants du personnel de pousser leurs poins... Et les prestataires ? En théorie, leurs boites sont là pour les défendre. En pratique, le marché est morose. Les entreprises sont bien contentes d'avoir encore des clients. Quant à se mettre en porte-à-faux pour défendre un prestataire... J'ai connu un chef de service qui considérait que le télétravail, c'était la fête du slip... Car lui-même aimait prendre la clef des champs durant ses jours de télétravail... Donc, il voulait que les prestataires restent 5 jours sur 5 au bureau. Tant pis pour la distanciation. Seuls les plus méritants ont droit à UN jour de télétravail.

En règle générale, tout le monde oublie que s'il y a des règles et des protocoles sanitaires, c'est parce qu'il y a un risque sanitaire. Et que donc, on met inutilement les prestataires présents en danger.