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vendredi 20 janvier 2023

Retraite virtuelle

C'est un marronnier. Après chaque présidentielle, il faut "réformer la retraite". Autrement dit, allonger la durée du temps de travail et diminuer de facto les pensions, avec un calcul plus sévère.

Dire que lorsque j'ai commencé, les plus de 55 ans commençaient à préparer leur retraite ! D'ailleurs, à la moindre bourrasque, les entreprises les mettaient en pré-retraite... 

L'argument des libéraux, c'est que l'on vit plus longtemps et mieux. 65 ans, c'était l'âge de François Mitterrand lors de son élection, en 1981. Il avait alors l'apparence d'un vieillard. Aujourd'hui, on est encore plein de vie, à 65 ans ! Germinal, c'est fini ! Ce n'est pas en remplissant des tableurs Excel que vous allez attraper des douleurs ou des maladies.
A droite, on dira que la caisse de retraites des employés et cadres Français est bénéficiaire. Mais on lui demande de financer les retraites des fonctionnaires et des immigrés, qui sont déficitaires.
A gauche, on souhaite laisser du temps au temps. Les baby-boomers vont bientôt trépasser et il y aura alors moins de retraités, pour un nombre constant d'actifs. Donc le système reviendra à l'équilibre.
Chacun se fera sa religion.

Pour le zappé, le mot "retraite" est un concept abstrait. Au même titre que "promotion", "plan de carrière", "congés", "médaille du travail", "CE", etc. L'horizon du précaire, c'est la fin de son contrat ou de sa mission. Et même s'il est en CDI, il sait qu'il retournera tôt ou tard à Pôle Emploi. Alors se projeter dans vingt ans...
Et lorsque l'on dézoome, on a vite le vertige. Pour ma part, un quart de siècle de carrière, mais seulement sept années d'emplois à temps complet. Puis, il y une petite demi-douzaines d'années employé au moins 50% du temps, avec parfois un trimestre complet dans l'année. Mais les dix autres années, je travaillait de manière très sporadique, avec moins de 10 000€ récoltés dans l'année. Sachant que votre pension de retraite se base sur une moyenne de vos vingt meilleurs années...

Idéalement, il faudrait qu'aujourd'hui, je décroche un CDI bien payé, qui m’emmène jusqu'au bout. Soit exactement vingt ans.
Ça pourrait marcher en théorie. Sauf que personne ne veut d'employés grisonnants. En cas de PSE dans un grand groupe, les employés, cadres et managers de base de plus de quarante ans se font dégager. Plus vous vieillissez, plus les portes se ferment. Cela devient un parcours du combattant. A cinquante ans, le bout du monde, c'est de rebondir comme cadre dans une PME, avec un salaire divisé par deux. Et qui veut recruter un sexagénaire ? Il a souvent déjà un pépin de santé. Sa productivité est déclinante et il a du mal à s'adapter. Ce n'est pas à 60 ans que vous allez vous mettre à l'anglais ou à l'informatique ! En plus, à quoi bon former un employé qui va bientôt partir en retraite ? Alors les sexagénaires se contentent de missions de conseils ou de prestations. Dans ma dernière boite, on se moquait d'un formateur qui avait sucré les fraises pendant deux jours. Un collègue l'avait vu ensuite, perdu dans la métro : il ne savait plus ni où il était, ni où il allait. Tout le monde n'aura pas la vivacité de Bertrand Piccard, à 65 ans, hélas...

Et encore, ça, c'est l'hypothèse haute. La Génération Y l'a bien compris. La prochaine étape, ce sera la disparition du CDI, au nom de la flexibilité. Il n'y aura plus d'employés ou de prestataires, juste des auto-entrepreneurs. Votre travail, quel qu'il soit, vous l’effectuerez à distance et vous facturerez des gens que vous n'avez jamais vu. Oui, tant qu'à faire, vous pourrez bosser depuis une plage Espagnole. Mais il faut plutôt voir que vous serez ouvert 24h/24. Pas question de dire à votre client : "Je ne peux pas le faire maintenant..."
Or, lorsque vous êtes auto-entrepreneur, voire "patron" d'une SASU ou d'une EURL, vous ne cotisez pas pour votre retraite. On va donc voir se développer des produits bancaires de retraite complémentaire. De même que pour les salariés, les mutuelles d'entreprises prennent le pas sur la sécurité sociale et assurent l'essentiel des remboursements. Demain, donc, il y aura des retraites par capitalisation, qui prendront le pas sur des pensions versées par l'état devenues ridicules. Les smicards auront droit à un minimum vieillesse. Les cadres supérieures vivront très bien, grâce à des complémentaires déplafonnées. Et au milieu, il y aura vous, qui toucherez à peine plus que le minimum.

dimanche 17 juillet 2022

Ubérisation : demain, tous précaires ?

En ce moment, Emmanuel Macron est dans la tourmente. Jouet des lobbys pour les uns, assassin du droit du travail pour d'autres... Ou bien créateur d'emplois du XXIe siècle, pour ses défenseurs.

Petit rappel historique : l'auto-entrepreunariat a toujours existé !

Autrefois, l'hiver, lorsque les champs étaient gelés et qu'il n'y avait rien à faire, les paysans se muaient en artisan. Le plus célèbre exemple, c'est dans le Doubs, où ils fabriquèrent des montres dès le XVIIIe siècle.
Dans les PME en campagne, presque tout le monde a deux revenus. Les plus jeunes participent aux vendanges ou à la récolte des noix. D'autres tiennent une table d'hôte. Certains restaurent des maisons pour les revendre. Il y a aussi ceux qui font les brocantes, etc. Les patrons ferment les yeux sur ces activités extra-professionnelles, qui débordent souvent sur le temps de travail... Et parfois, ils ont eux-même leur propre affaire !

Le premier tournant eu lieu dans les années 70, avec l'implantation de Tupperware, en France. La société Américaine recherchait des personnes inactives -des mères au foyer- à qui il proposait un contrat d'indépendant. Dans la foulée, on vit quantité d'objets vendues entre particulières : parfumerie, parapharmacie, produits de beauté, lingerie... J'ai assisté à une séance de recrutement. Les vendeuses potentielles étaient toutes des femmes exclues du marché du travail : chômeuses de longue durée, sans-papiers, retraitées... Elles cherchaient désespérément un revenu.
Dans les années 80, on vit arriver le pendant masculin : le téléconseiller (investissement, immobilier, informatique professionnelle...) Les concédants cherchaient des cadres au chômage.
Dans tous les cas, il faut souvent vendre énormément de produits pour disposer d'un vrai revenu. Les entreprises aiment citer leurs meilleurs vendeurs, mais ils ne représentent qu'une part marginale de la force de vente. Les autres vivotent à peine. Surtout, le concédant se goinfre à tous les étages : droits d'entrée, kit de vendeur, formations payantes, commissions... Il gagne à tous les coups. Sans oublier un statut flou et un contrat juridiquement nul. On frôle généralement l'escroquerie, voire parfois le mouvement sectaire.

Le second tournant eu lieu dans les années 2000, avec l'essor d'internet. Avec le web, plus besoin de démarcher pour proposer vos services. Vous pouvez ouvrir un site de biens (avec les premières boutiques en ligne) ou de service (par exemple, du support informatique), tout en ayant une activité normale. Et pour un investissement faible. Certains ont même pu toucher des revenus de leurs travaux artistiques !
Vous n'avez pas de talent ? Pas grave, bientôt, des sites vous proposaient de louer votre logement, votre voiture, vos équipements, etc. Vous pouvez gagner de l'argent sans rien faire !

En 2009, le gouvernement mit de l'ordre dans ces revenus complémentaires, avec le statut d'auto-entrepreneur. Ou plutôt, il a surtout créé un statut fiscal, afin de collecter de l'impôt, sur des revenus qui lui échappaient.
L'auto-entreprise n'a pas apporté de protection aux gens ; de toute façon, ce n'était pas son but. A contrario, cela a plutôt eu tendance à créer de la précarité. L'auto-entrepreneur étant potentiellement un salarié externalisé.

Peu après, Uber et consorts débarquaient en France. Ils avaient un besoin massif de main d’œuvre. Non pas pour du temps partiel, mais pour des temps plein. Or, leur modèle économique exècre le salariat. Uberisation, piège à cons raconte comment ils ont ciblé les jeunes banlieusards. Une catégorie marginalisée sur le marché de l'emploi (car peu diplômée et parfois ayant eu des démêlés judiciaire), plutôt hostile au salariat et à la recherche d'argent facile.
Les entreprises de VTC et de livraisons ont su flatter cette population... Tout en profitant de leur inexpérience et de leur naïveté.

En 2014, Emmanuel Macron, alors ministre, fut un allié de ses entreprises. Personnellement, je pense qu'il était de bonne foi. 2 ans plus tôt, il était un "young leader" de la French American Foundation. Il reste marqué par les start-up et "l'empowerement" des minorités. Uber cochait donc toutes les cases. Mais Emmanuel Macron, c'est également un énarque. Uber fut une occasion de toiletter la fiscalité. Non pas celle du concédant, car en bon libéral, il souhaitait laisser de la latitude aux entreprises. Par contre, il ne se gênait pas pour taxer les auto-entrepreneur. Par exemple, si un auto-entrepreneur est au chômage, tout chiffre d'affaires devait désormais être déclaré et déduit des allocations.

L'ubérisation, c'est une précarisation. Comme les vendeuses à domicile ou les téléconseillers sus-cités, les chauffeurs d'Uber ou les livreurs d'Amazon gagnent des misères. Surtout, le chauffeurs ou le livreur est un indépendant, qui peut donc être radié du jour au lendemain. C'est même un argument de vente auprès de la clientèle. Lorsque sur les réseaux sociaux, on voit une vidéo d'un chauffeur ou d'un livreur pétant les plombs, l'entreprise se vante d'avoir radié le fautif. Il n'a même pas pu donner sa version des faits.
Dans le secteur des services, il y a déjà un recours à une sous-traitance en cascade. Il m'est arrivé d'être prestataire (en portage), pour une entreprise de prestation, qui offrait des bras à un sous-traitant, lequel réalisait un projet pour un client final ! Le jour où le client final en a eu assez de moi, j'ai du partir sur-le-champ, à 15h, un lundi après-midi. Un exemple qui pourrait se banaliser, alors que les vieux cadres sont poussés vers la prestation.
Dans ce contexte, on comprend que le terme "ubérisation" fasse peur. Même certaines entreprises y sont hostiles : un fort turnover, ça n'a pas que des avantages. Pourtant le président de la République se veut rassurant...

lundi 18 octobre 2021

Ubérisation, piège à cons !

D'ordinaire, on commence par "j'ai beaucoup de respect pour X, néanmoins..." et là, vous canardez X à l'arme lourde... Là, au contraire, je n'ai pas beaucoup de respect pour Gurvan Kristanadjaja. C'est un jeune journaliste de gauche. Très journaliste, très jeune et très à gauche.
Son Ubérisation, piège à cons vous tombe des mains. La prose est indigente, il ne connait qu'un seul groupe de verbe et uniquement à l'indicatif. On sent que l'auteur n'a pas vécu et pas lu grand chose. Qu'il n'a jamais travaillé dans un bureau ou pointé au chômage. Sa candeur, lorsqu'il découvre que Pôle Emploi ne propose pas de vrais emplois, est touchante. S'il ait bien un livre qu'il a lu, c'est Le Capital, de Karl Marx. Et encore, en diagonale. Car notre ami Gurvan part à l'assaut des patrons filous, face aux travailleurs exploités ! On a l'impression que sa mère va débarquer en disant : "Gurvan, viens mettre la table ! - Mais maman, je suis en train d'écrire un chapitre sur Amazon et comment c'est des exploiteurs sans scrupule !" La manière dont il prend à partie le patron de Cowash, un start-up visiblement au bord du naufrage, est complètement disproportionnée.

Malgré tout, Gurvan Kristanadjaja arrive quand même à brosser un portrait complet de l'ubérisation.
Le moteur, c'est ce qu'il appelle lui-même "l'économie de la paresse". Des jeunes qui ne veulent plus faire la cuisine, conduire ou flâner dans les boutiques. Et ils sont prêt à payer plus cher, pour que ça leur tombe tout cuit dans le bec.
Des start-ups ont flairé le filon. Pas de concept révolutionnaire. Au contraire, ce sont des services qui existaient depuis des lustres. Uber, c'est les bonnes vieilles voitures de Grande Remise. Uber Eat et Just Eat rappellent les livreurs de pizzas. Quant à Amazon, c'est un simple vépéciste. L'atout, c'est le marketing et des applis pour smartphone. Là où les entreprises de service attendaient le client, nos start-up sollicitent les leurs, en leur proposant des remises, de nouveaux services, etc.
L'autre innovation, c'est que ces entreprises n'ont quasiment aucun coûts fixes. L'auteur racontent comment ces start-up viennent dans les banlieues. Elles y trouvent des jeunes, souvent sans diplômes (et parfois repris de justice ou sans-papiers), attirés par l'indépendance et l'argent rapide. Les start-ups leur proposent un statut d'indépendant (Amazon faisant lui appel à de micro-sous-traitants.) Ce sont eux, qui achètent les voitures, les scooters et même les glacières siglées. Là encore, les start-up savent les motiver en montrant en permanence les juteuses commandes qui leur passent sous le nez. Nos banlieusards sont donc au taquet. Du moins, au début. Ensuite, ils déchantent : horaires à rallonge, rémunération en chute libre, absence de couverture en cas de maladie ou d'accident, etc.
Pour Gurvan Kristanadjaja, la solution, c'est une requalification de tout ces "indépendants" en CDI. Sauf que certains ne pourraient pas être employés et que d'autres n'ont pas envie d'avoir des comptes à rendre à un patron. Personnellement, je pense qu'il faudrait surtout réhabiliter l’entreprenariat. Que les gens ait envie de créer une entreprise pérenne, au lieu de se laisser charmer par le premier discours. Cela passe aussi par une éducation du consommateur, qui cautionne un système et se contrefiche des conditions de travail de son livreur.
Le dernier chapitre du livre est intéressant. L'auteur réalise que l'ubérisation touche de plus en plus d'emplois. Que des gens travaillent comme extras avec un statut d'autoentrepreneur. Ça pourrait être le début d'un livre et c'est hélas la fin du sien.

mardi 22 avril 2014

Auto-entreprise, auto-arnaque

Dans le monde de l'entreprise, il y a beaucoup de patrons filous. Pas tous, mais ils sont nombreux. S'ils le pouvaient, ils auraient 0 CDI dans leur entreprise !

L'une des solutions, c'est l'auto-entreprise. Ce statut a été créé à l'origine pour les personnes ayant un revenu complémentaire. Mais il est très usité dans le tertiaire et les services (VRP, informaticien, community manager, RP...) Il s'agit essentiellement de cas où la personne peut travailler à domicile et où elle a peu de contacts avec le reste du personnel (un auto-entrepreneur in situ, ça serait trop "visible".)
La procédure est toujours la même. Vous avez eu un entretien et il s'est bien passé. Le patron vous veut. Seulement voilà, il n'a pas le budget ou la place pour embaucher quelqu'un. Donc, il vous propose de travailler en indépendant. Comme d'habitude, si vous êtes un junior en mal d'expérience ou un chômeur de longue durée, vous êtes forcé d'accepter. De la manière dont votre patron vous en parle, c'est idyllique. Vous serez libre de vos horaires ! S'inscrire ne prend que quelques jours ; vous pouvez remplir le formulaire sur internet. Supposons, par exemple que vous ayez un salaire de 20K€ annuel net; vous couteriez environ 40K€ à votre employeur. Si vous êtes auto-entrepreneur et que vous facturez 28K€ par an ; ça vous fait 21K€ une fois payé les charges patronales. Plus d'argent dans la poche et moins de coût pour votre "patron". A priori, c'est du gagnant-gagnant !

Là, si vous commencez à connaitre ce blog, vous doutez bien qu'il y a une différence entre la théorie et la pratique. En pratique, un auto-entrepreneur n'est pas un employé. Vous n'avez pas de congé, pas de mutuelle, pas de retraite. Si vous êtes malade ou que vous partez en vacances, vous n'êtes pas payé. Comme vous êtes une entreprise, votre "patron" peut vous virer sans préavis et bien sûr, comme vous n'êtes pas salarié, vous n'avez pas d'assurance-chômage. Bref, c'est ultra-précaire. Accessoirement, l'auto-entreprise est un statut ambigu : votre structure n'a pas de nom, vous ne pouvez pas embaucher de personnel (même en stage) et vous ne pouvez pas récupérer de la TVA. En conséquence, impossible de s'approvisionner dans les magasins réservés aux professionnels. Enfin, il faut savoir que les gouvernements successifs ont tendance à considérer les auto-entrepreneurs comme des vache-à-lait. D'où des prélèvements régulièrement revus à la hausse...
Si vous êtes auto-entrepreneur, vous pouvez avoir autant de "clients" que vous voulez. Si vous n'avez qu'un seul client, c'est de l'emploi déguisé (ce qui est souvent le cas.) Donc, en théorie, en cas de rupture abusive, vous pouvez saisir l'inspection du travail. Au moins, ça les fera bien rire...