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mercredi 17 septembre 2014

Fil à la patte

Le salariat moderne remonte à la révolution industrielle. Il y a longtemps eu le temps du pointage. Le matin, l'ouvrier prend sa fiche et la glisse sous la pointeuse. Tchac ! Début de la journée. Le soir, il remet sa fiche sous la pointeuse. Tchac ! Fin de la journée. Dans certaines usines, il y avait une sirène pour signaler que la journée est terminée.
Aujourd'hui, certaines PME ont encore des horaires uniques, souvent calqué sur le rythme ouvrier. Mais la tendance pour les cadres est de finir toujours plus tard. Aux Etats-Unis, un cadre qui reste très tard est perçu comme proche du burn-out. La DRH va le prendre en charge (NDLA : ne serait-ce que parce qu'en cas de suicide au travail, l'entreprise ferait face à de lourdes conséquences juridiques.) En France, c'est au contraire perçu comme de l'assiduité. C'est l'angle-mort des 35h, on impose davantage d'assiduité aux cadres en leur disant : "Oui, mais tu as des RTT." Qui plus est, avec le développement des technologies nomades, le salarié devient disponible 24h/24. Il peut répondre à ses mails ou travailler sur son logiciel de gestion 365 jours par an.

Le problème, c'est que les grandes entreprises veulent le beurre et l'argent du beurre. Elles veulent des salariés tout le temps disponible, mais qui restent à leur bureau même en cas de creux de travail prolongé. Ils généralisent l'accès à internet et distribuent des téléphones portables, mais ils en exigent un usage strictement professionnel. Les ordinateurs sont portables, mais ils se plaignent des vols et de la casse. Et plus généralement, ils veulent que la frontière entre vie professionnelle et vie privée disparaisse, mais que ce soit le professionnel qui s’immisce dans le privé (et non l'inverse.)

Les plus vieux sont déboussolés. Les voilà sur des "bureaux de passage". Ils discutent avec leurs collègues par chat ; que le collègue soit à 2 mètres ou au bout du monde. Quant à leur N+1, ils ne le voient plus que de temps en temps, lors de visio-conférences. Ils ne sont plus des seigneurs en costume-cravate, mais des télémarketeurs, en permanence derrière leur ordinateur, le casque sur les oreilles. On les a dépossédés de leurs privilèges ; de leurs repères. Surtout, ils se rendent compte que leur embarras est identique à celui des baby-boomers face à l'informatique et à la pratique de l'anglais. Certains essayent tant bien que mal de s'adapter et d'autres, comme les baby-boomers, clament que le progrès n'en est pas un. Quitte à se marginaliser.
Les plus jeunes, eux, ont grandi avec un ordinateur et un portable. Pour eux, il n'y a jamais eu de frontière entre vie publique et vie privée. Jouer à Candy Crush en pleine réunion leur semble normal. Les plus malins ont compris que le nomadisme permet de multiplier les "triangles des Bermudes". Il suffit de se programmer des réunions bidons, de pondre un tableau Excel de temps en temps et surtout, de dire haut et fort que l'on est dé-bor-dé.

mercredi 12 mars 2014

Réponse négative

Il y a plusieurs types de réponses négatives.

Il y a d'abord la réponse négative par défaut. Dans l'échelle de la déception, elle est en bas. Vous répondez à une annonce. Vous recevez ensuite un mail automatique du type "sans réponse sous 15 jours de notre part, vous pouvez considérer que votre candidature n'a pas été retenue". Les 15 jours sont passés, pas de réponse, donc candidature rejetée. Domo arigato mister roboto.

Vient ensuite le mail de premier niveau. Vous n'en étiez qu'à une approche préliminaire; ce n'était pas encore une "piste sérieuse". La réponse dactylographiée ("votre profil comporte des points intéressants (...) néanmoins, nous ne pouvons y donner une suite favorable") est énervante. Certains cabinets de consultants se contenteront d'un "nous recherchons actuellement une opportunité correspondant à votre profil". (NDLA : une tarte à la crème, vu que les cabinets recrutent pour des missions précises et qu'ils ont une "mémoire" de poisson rouge.) Pour autant, vous n'aviez pas encore placé beaucoup d'espoir dans ce job.

L'entretien s'est bien passé. A la fin, le recruteur vous a juré qu'il attendait une simple validation ; vous êtes qualifié pour un deuxième entretien et il va revenir vers vous pour fixer la date. Sauf qu'en guise de prise de rendez-vous, vous recevez une lettre dactylographiée.

Puis il y a la conversation de vive voix. Vous appelez pour prendre des nouvelles et le recruteur avoue que non, vous n'êtes pas retenu. Parfois, c'est lui qui vous appelle pour vous annoncer la mauvaise nouvelle (c'est très, très rare.) Vous pensiez que vous étiez bien placé et c'est une douche froide. Au moins, le recruteur a le courage de vous le dire au téléphone.

Le coup de poignard en plein cœur, c'est lors de la dernière ligne droite. Vous pensiez que vous auriez le job. Au téléphone, le recruteur vous jure "qu'il n'a pas encore pris de décision". Mais il ne vous a pas oublié, ne vous inquiétez pas! Puis un jour, vous recevez la lettre dactylographiée. Ce n'est même pas le recruteur qui vous a envoyé le mail ; juste un sous-stagiaire.
Le plus fort, c'était une fois, juste après avoir raccroché le téléphone (où le recruteur m'avait juré que j'étais toujours "en course"), j'ai allumé mon ordi et il y avait une réponse négative envoyée 2 heures plus tôt. Le recruteur avait pris sa décision, mais il n'avait même pas eu le cran de me l'avouer de vive voix !

dimanche 23 février 2014

1 entretien, 2 entretiens, entretien rouge, entretien bleu

Au cinéma, trouver un emploi, c'est assez simple. Il suffit de réussir un entretien. Généralement, ça se fini par une poignée de main du chef, accompagné d'un "bienvenue parmi nous". Fondu au noir, scène suivante.

En pratique, pour le moindre job dans une PME, vous devez passer plusieurs filtres. Il est vrai que les recruteurs sont submergés de CV. Le tri est obligatoire. En même temps, les descriptifs des offres d'emploi sont souvent hyper-vagues (les cabinets ont peur qu'un concurrent leur pique l'affaire.) Beaucoup de personnes envoient leurs CV en toute bonne foi, ne se sachant pas hors des pré-requis.
- On commence par l'entretien téléphonique. Autrefois, c'était juste une prise de rendez-vous. Désormais, le stagiaire du cabinet de recrutement vous fait passer un vrai entretien. C'est son supérieure qui lui a filé la pile de CV. Il téléphone sans les avoir lu, d'où des questions indigentes : "Vous n'indiquez pas vos diplômes ? - Ben si, abruti, au paragraphe "diplômes". - Ah oui, lol mdr."
- Vient ensuite l'entretien chez le cabinet de recrutement. Bien sur, il n'a pas lu les éventuelles annotations du stagiaire et il vous pose peu ou proue les mêmes questions que lui. S'il vous a fait remplir un épais dossier, il ne l'a pas lu non plus. En tout cas, si c'est gagné, il mettra votre CV dans la pile de ceux envoyés au client.
- Le premier entretien chez votre éventuel employeur. Après des jours d'attentes, on vous rappelle : vous avez passé le 2ème filtre. En bonus, on vous donne enfin le nom de votre employeur potentiel et le type de mission que vous feriez. Bien sur, lors de ce "premier entretien", vous découvrez que le cabinet de conseil a enjolivé le travail, le salaire et le potentiel de développement.
- Le deuxième entretien. Avec un peu de chance, vous pourrez enchainer les deux entretiens à la suite. Souvent, lorsque ça marche, l'entreprise vous convoque en direct. Le cabinet est rarement au courant du nom des candidats de la "short list". Parfois, c'est même lui qui vous appelle pour connaitre le dénouement !
- Le troisième entretien. Certaines entreprises vous font rencontrer votre éventuel chef, son propre chef et le DRH (sans ordre précis.) Depuis l'entretien téléphonique, il s'est parfois écoulé un mois (NDLA : alors qu'au début, c'était du "tout de suite maintenant".) La standardiste commence à bien vous connaitre. On vous fait visiter l'entreprise, rencontrer vos éventuels collègues. Si vous parvenez au dernier entretien, c'est que vous faites parti d'une liste de 2 ou 3 candidats. Tout est possible. Soit vous êtes le chouchou et c'est clair que vous reviendrez lundi matin. Soit tout est encore ouvert et vous devez rester sur vos gardes. Soit, ce n'est pas vous le chouchou et on vous a convoqué juste pour se convaincre que votre rival est le meilleur.

Et enfin, après tout cela, on vous rappellera peut-être pour vous dire que l'on vous a choisi. Pas d'effusion ou de poignée de main. Vous viendrez le lundi matin avec votre carte d'identité et votre carte vitale.

dimanche 9 février 2014

Le téléphone (2)

Parfois, il peut se passer des jours, voir des semaines, sans la moindre opportunité d'emplois. Pas d'entretien, pas de coups de fils, rien. C'est le pire qu'il puisse arriver à un chômeur, car vous n'avez alors aucune lueur d'espoir de boulot. J'ai connu des gens qui sont restés plusieurs mois dans ce cas.

Puis, un jour, miraculeusement, le téléphone sonne :
"Allo, ici le cabinet JMBC. Nous avons vu votre CV sur une CVthèque. Quel type de poste recherchez-vous ?
- Idéalement, un travail de "senior", avec utilisation de l'anglais, en CDI, payé dans la moyenne du marché et pas trop loin de chez moi.
- Nous recherchons quelqu'un pour un emploi subalterne, en CDD, payé au lance-pierre et situé au Diable-vauvert. Ca vous intéresse ?"
A cet instant là, tout le monde vous dirait de répondre "non". Sauf que vous avez un loyer à la fin du mois. Et on ne peut pas le régler en scrupules. Donc, vous dites oui. C'est une proposition merdique, mais vous n'avez pas d'alternative (même si en entretien, vous direz que vous êtes en contact avec plein d'entreprises.) Au moins, moi, j'ai écarté les propositions hors d'Ile-de-France...

jeudi 6 février 2014

Le téléphone (1)

S'il fallait résumer le chômage en un verbe, ce serait "attendre". Attendre le coup de fil ou le mail providentiel. Celui qui dit : "On veut vous voir". Voir carrément : " On a décidé de vous prendre."

Aujourd'hui, grâce au portable, on n'est jamais loin de son téléphone ou de sa boite mail. Mais avant, c'était le temps des journées à fixer le téléphone. Ca devenait une obsession. Attendre que ce fichu téléphone ne sonne. Inconsciemment, on restait au garde-à-vous, prêt à bondir sur le combiné. Lorsqu'on vient de passer un entretien ou qu'on a envoyé une candidature pour un job de rêve, l'intensité augmentait. S'éloigner, ne serait-ce que pour un besoin naturel, était une torture. "Et si on m'appelait à ce moment-là ?" A croire qu'un recruteur allait se dire : " Alain n'est pas là ? Tant pis, je vais prendre Nicolas à la place. "

Même aujourd'hui, le pire, c'est lorsqu'un recruteur vous dit : " On prendra une décision tel jour. " Le jour J, pas d'appel. Vous vous dites : " C'est foutu. " Piteusement, vous appelez le lendemain : " Excusez-moi de vous demander pardon. Mais je voudrais savoir si, par hasard, vous avez pris une décision... " Là, c'est généralement un moment de désinvolture : " Ah oui, c'est vrai, on a oublié de vous dire... En fait, on a décidé de prendre quelqu'un d'autre." ou " En fait, on n'a pas encore tranché. On verra ça lundi prochain. Ou mardi. " C'est comme ça, on vous avait convoqué à un entretien le jour même. Vous avez du courir pour imprimer des CV et traverser toute l'Ile-de-France. Par contre, pour vous répondre, monsieur prend son temps ! Vous êtes bon pour de nouvelles journées à attendre que le téléphone sonne. Au moins, vous avez encore un espoir d'être pris. Et c'est déjà ça.