jeudi 27 février 2014

Réunion conso

Qui dit chômage, dit souvent problèmes financiers. Bien sûr, pour toucher des indemnités, le chômeur n'a pas le droit de travailler. L'angle mort, ce sont les "études de consommateurs". Point de rémunération, mais des "remboursements de frais", non-déductibles des indemnités.

Bien sur, les études n'emploient pas les mêmes cobayes de manière récurrentes. Il faut donc s'inscrire à plusieurs études et au mieux, on peut participer à 1 ou 2 enquêtes par mois. Sachant qu'on touche entre 20€ et 50€ à chaque étude. Certaines se cachent sous le vocabulaire "discussions sur le thème de..." D'autres ont un nombre limité de participants : pas de chance pour les derniers (ils ont néanmoins parfois droit à "des remboursements de frais", mais moindre.)

Vous voilà dans une salle avec d'autres chômeurs de votre âge et de votre sexe (pour des questions de représentativité.) Cela débute par une brève présentation. Dans le lot, il y en a toujours un qui en a gros sur la patate. Il se plaint de sa reconversion forcée comme vigile (NDLA : Pole Emploi fourgue quasi-systématiquement des formations dans la sécurité aux fin de droits.)
Ensuite, on vous demande d'imaginer si vous utiliseriez le produit dans telle ou telle situation. Et sur votre lieu de travail, vous l'utiliseriez ? Les participants se projettent. Pendant quelques instants, les chômeurs redeviennent des employés, dans une situation plus ou moins imaginaire. On se prend au jeu. C'est toujours curieux de voir des adultes rêver à voix hautes.

Puis c'est fini. Vous passez prendre votre enveloppe et vous retrouvez votre vie de chômeur. Au moins, pendant une après-midi, vous avez oublié ce que vous étiez.

mercredi 26 février 2014

Quémandeur d'emploi

En théorie, le candidats a des droits et des devoirs vis-à-vis du recruteur. En théorie, le chômeur ne doit pas accepter n'importe quel poste, dans n'importe quelle condition. En théorie, il faut savoir rester digne.

Vous vous doutez bien que si j'écris "en théorie", c'est qu'en pratique, ça n'a rien à voir.

Seuls les novices sont assez fous ou inconscients pour refuser un job ou pour partir au cours d'un entretien. Eux, ils croient encore qu'ils valent mieux que cela.

Une fois, j'ai rencontré un chômeur qui sortait de 6 mois sans entretien. Non pas 6 mois de chômage, mais 6 mois sans décrocher le moindre entretien. Le jour où on lui a enfin dit : "Seriez-vous disponible le... pour un entretien ?" Il était fou de joie. Et pourtant, ce n'était qu'un entretien !
Autant dire que la dignité fait long feu chez un chômeur de longue durée. Vous voulez un emploi à tout pris. Et certains employeurs ne se gênent pas de vous rappeler qu'il y a 3 millions de candidats potentiels... L'attitude condescendante, voir méprisante est un grand classique. En entretien, j'ai eu droit à des réflexions racistes, à des questions très intimes, à des listes de justificatifs demandés au-delà de la légalité. Il y a les provocations gratuites, pour me "tester". Un recruteur m'a posé des questions de culture générale (j'avais l'impression de jouer au Trivial Pursuit !) Sans oublier les questions idiotes ou celles dont les réponses sont dans mon CV. J'ai eu des recruteurs qui m'ont posé des lapins. Parfois, c'est un collègue (qui n'a absolument pas lu le dossier) qui prend le relais. Récemment, mon rendez-vous avait une heure de retard et il puait l'alcool !
On veut des employés qui soient des combattants, mais on s'étonne que les candidats s'hérissent face aux brimades ! Donc, le chômeur doit prendre sur lui, accepter les insultes et les moqueries. Et surtout, garder le sourire, quitte à râler (ou à pleurer, c'est selon) une fois que l'autre a tourné les talons. Pour trouver un job, il faut enchainer les entretiens. Ce qui signifie "enchainer les entretiens infructueux". A la longue, c'est usant. Exactement comme un boxeur qui aurait perdu 10 combats d'affilée. Le risque, c'est de perdre l'habitude de se battre pour un emploi, lors de l'entretien. On attend les coups et le K.O. final.

mardi 25 février 2014

Profession : stagiaire

Le titre fait référence à cette BD.

Le débat actuel sur les stagiaires peut sembler saugrenu pour les profanes. Par "stage", d'aucun pensent à l'image d'Epinal de l'étudiant en BTS qui passe quelques semaine à faire du café, des photocopies et à jouer au démineur. Alors pourquoi une telle polémique ? Pourquoi évoquer des questions de rémunération ou de durée ? Après tout, un long stage rémunéré, ça existe déjà : c'est l’apprentissage !

Effectivement, parmi les stages, il y a ceux accordés aux enfants d'employés. Certaines entreprises prennent régulièrement des stagiaires auprès d'une école (parce que le patron est un ancien ou que l'école est au coin de la rue.) On reste dans le stage bon enfant. C'est un moyen pour l'étudiant de se familiariser avec le monde de l'entreprise (tant pour les bons, que les mauvais côtés.) Je garde d'excellents souvenirs de certains stages et de certains tuteur (le pseudo "Alain" est d'ailleurs un hommage à l'un d'eux.) Ca donne un peu d'expérience. Ca permet aussi d'apprendre à pipeauter afin d'enjoliver ce qui a été fait (le stage "machine à café/broyeuse de document" devenant une "mission à responsabilité".)
Certaines entreprises refusent les stagiaires. Elles avouent qu'elles n'ont pas le temps d'en prendre ou pas de missions à leur confier. C'est dur pour la personne en recherche de stages, mais au moins, elles sont honnêtes.

Le problème, c'est qu'il y a des dérives.
En général, les stages ont lieu l'été, après l'année scolaire. Ca tombe bien, l'été, les employés partent en vacances. Certaines entreprises se servent des stagiaires comme intérimaires gratuits. Je me rappelle une réflexion d'un ancien responsable : "On doit renforcer notre équipe commerciale... On doit trouver un stagiaire ! Faites le tour des écoles et demandez qu'on nous en envoi un !" Le droit du travail précise pourtant qu'un stagiaire ne doit pas servir pour faire face à un accroissement temporaire d'activité, occuper un emploi saisonnier ou exécuter une tâche régulière. Mais vous allez vous plaindre auprès de qui ? Ce que les entreprises oublient, c'est qu'un stagiaire est un débutant (donc maladroit) et qu'en tant qu'étudiant, il a un bon égo (il pense qu'il mérite mieux.) Comme m'a dit un stagiaire la semaine dernière : " Je suis payé 65% du SMIC, donc je bosse 65% du temps. " Et le chef qui cherchait des stagaires ? Il en a vu défiler 4 en 2 mois... Et il ne comprenait pas pourquoi il ne restait pas.
Dans les grandes entreprises, on passe carrément des offres de stages dans les sites de recrutement. En général, il s'agit de rédiger des rapports internes, de servir d'assistant pour un chef de service ou carrément de gérer un projet. Après, ces entreprises se plaindront de la fuite d'informations confidentielles... Ce sont des jobs de cadres, voir de cadres supérieurs. Ces entreprises vous font éventuellement miroiter un CDI. Ou bien, elles vous diront que c'est une expérience valorisante pour votre CV. Bien sûr, le jour où le stage se termine, point de CDI. A moins d'être naïf, vous vous êtes bien rendu compte qu'on vous a enfumé. D'où une productivité en berne sur la fin. Votre tuteur ne se met pas à votre place. Quelques mois plus tard, lorsqu'un employeur potentiel appelle pour "prendre une référence", il vous saquera en règle...
Les pires situations sont dans les secteurs artistiques, culturels, l'événementiel et le social.Il y est très difficile de décrocher un CDI. Les débutants vont de stages en stages, quitte à s'inscrire à des formations bidons. Les employeurs sont des entreprises de service, qui facturent de la prestation. Pour casser les prix, il leur faut des stagiaires. Et pour traiter simultanément plusieurs dossiers, elles recrutent des bataillons de stagiaires. Ces entreprises ont beau jeu de dire qu'avec des CDI, leurs finances seraient plombées. En fait, l'emploi massif de stagiaires est au cœur de leur modèle économique ! Voilà pourquoi il a fallu limiter le nombre de stagiaires par entreprises, la durée des stages et imposer une rémunération minimum. L'allié objectif de cette exploitation, ce sont les nombreuses formations en communication, en art, en sciences sociales, etc. qui n'offrent aucun débouchés. D'où ces flots permanents de stagiaires. Mais si vous touchez à ces formations, on vous traitera d'anti-intellectuel, d'assassin de la culture, etc.

lundi 24 février 2014

ô solitude...

J'écris cette note suite à ce témoignage.


Depuis les vagues de suicides chez France Telecom et chez Renault, on commence à parler de stress, de surmenage, de dépression, de burn-out... Avant, on pensait que les pathologies liées au travail étaient réservées aux ouvriers. Le cadre est dans un bureau, au calme et comme il est bien payé, il n'a pas de problèmes de fins de mois. Donc, il ne peut pas souffrir, non? Ce n'est que récemment qu'on prend en compte les facteurs de stress des cadres : objectifs impossibles à atteindre, menaces de licenciement, harcèlement moral... Sans compter les facteurs conjugaux et extra-professionnels, car un employé ne laisse pas ses problèmes personnels à l'entrée de l'entreprise, le matin. De même qu'il ne laisse pas ses problèmes professionnels sur son bureau, le soir. Ainsi, face à un situation stressante, chacun est plus ou moins armé. Et certains craquent.
Au cours de ma déjà longue carrière, j'en ai vu, des personnes imploser. J'ai vu une femme perdre 10 kilos en un mois. J'ai vu une intérimaire, harcelée en permanence, démissionner en pleurant. J'ai vu des alcooliques, dont l'alcool servait d'auto-médication. Un ancien collègue, ne supportant pas d'être en arrêt-maladie, s'est suicidé. Personnellement, je n'ai jamais eu de burn-out. Une fois, j'ai eu de gros problèmes personnels. Je me réveillais en pleine nuit. Je me mettais à pleurer pour un rien. J'avais l'impression d'étouffer. Au travail, un jour, j'ai eu un blocage. J'étais pétrifié devant mon écran. Pour une fois, perdre mon emploi a été une chance. Ça m'a permis de prendre du recul. De me déconnecter avant de péter un câble.

Le premier problème, c'est que le salarié n'ose pas évoquer ses soucis et agir en conséquence. Le fait de ne pas arriver à gérer le stress quotidien est vécu comme un échec supplémentaire. De mémoire, je n'ai vu qu'une seule fois un salarié, récemment promu chef d'équipe, avouer que manager le stress et reprendre son ancien emploi. Beaucoup ont tendance à minimiser cela, à dire qu'ils "se sont levé du mauvais pied". D'autres ont tout simplement peur qu'on les licencie si on découvre leurs faiblesses (ce qui est parfois le cas.) Perdre son emploi est considéré comme le pire scénario, donc on préfère s'enfermer dans ses problèmes.
Le second, c'est la couardise des collègues et responsables. Le monde du travail est un monde égoïste. Dans La crise, Coline Serreau explique à Vincent Lindon que ses problèmes de séparation et de chômage, c'est triste, mais les autres ont davantage de soucis ! Circulez, il n'y a rien à voir. Vos collègues ne veulent pas avoir à faire à des problèmes trop personnels, trop intimes.
Quant aux responsables, ils veulent éviter à tout prix les confrontations. Face aux doléances, c'est souvent du "si t'es pas content, la porte est ouverte". On ne cherche pas non plus à désamorcer les conflits interpersonnels. La politique de l'autruche est la règle. J'ai connu une chef de service qui exigeait des assistantes jeunes et jolies, pour mieux les harceler (au moins moralement) ensuite. C'était de notoriété publique. Elles démissionnaient au bout de quelques semaines, parfois en pleurs (voir plus haut.) Mais on continuait de lui fournir de la chair fraiche. Dans une autre entreprise, mon prédécesseur ne supportait plus la comptable (dont le bureau était mitoyen.) Cette dernière passait ses journées au téléphone (pour des appels personnels, évidemment.) Un jour, il a craqué et il a voulu la poignarder avec des ciseaux. L'assaillant a été viré (d'où mon arrivé) et la comptable continuait ses interminables coups de fils personnels.
En théorie, les RH sont là pour assurer le service après-vente du personnel. S'il y a bien des gens chargés de détecter et de traiter le stress, ce sont eux. En pratique, ils sont souvent méprisants ou incompétents. "On peut rien faire pour vous. Par contre, si votre médecin vous préscrit un arrêt-maladie, il ne faudra pas oublier de nous l'envoyer."

dimanche 23 février 2014

1 entretien, 2 entretiens, entretien rouge, entretien bleu

Au cinéma, trouver un emploi, c'est assez simple. Il suffit de réussir un entretien. Généralement, ça se fini par une poignée de main du chef, accompagné d'un "bienvenue parmi nous". Fondu au noir, scène suivante.

En pratique, pour le moindre job dans une PME, vous devez passer plusieurs filtres. Il est vrai que les recruteurs sont submergés de CV. Le tri est obligatoire. En même temps, les descriptifs des offres d'emploi sont souvent hyper-vagues (les cabinets ont peur qu'un concurrent leur pique l'affaire.) Beaucoup de personnes envoient leurs CV en toute bonne foi, ne se sachant pas hors des pré-requis.
- On commence par l'entretien téléphonique. Autrefois, c'était juste une prise de rendez-vous. Désormais, le stagiaire du cabinet de recrutement vous fait passer un vrai entretien. C'est son supérieure qui lui a filé la pile de CV. Il téléphone sans les avoir lu, d'où des questions indigentes : "Vous n'indiquez pas vos diplômes ? - Ben si, abruti, au paragraphe "diplômes". - Ah oui, lol mdr."
- Vient ensuite l'entretien chez le cabinet de recrutement. Bien sur, il n'a pas lu les éventuelles annotations du stagiaire et il vous pose peu ou proue les mêmes questions que lui. S'il vous a fait remplir un épais dossier, il ne l'a pas lu non plus. En tout cas, si c'est gagné, il mettra votre CV dans la pile de ceux envoyés au client.
- Le premier entretien chez votre éventuel employeur. Après des jours d'attentes, on vous rappelle : vous avez passé le 2ème filtre. En bonus, on vous donne enfin le nom de votre employeur potentiel et le type de mission que vous feriez. Bien sur, lors de ce "premier entretien", vous découvrez que le cabinet de conseil a enjolivé le travail, le salaire et le potentiel de développement.
- Le deuxième entretien. Avec un peu de chance, vous pourrez enchainer les deux entretiens à la suite. Souvent, lorsque ça marche, l'entreprise vous convoque en direct. Le cabinet est rarement au courant du nom des candidats de la "short list". Parfois, c'est même lui qui vous appelle pour connaitre le dénouement !
- Le troisième entretien. Certaines entreprises vous font rencontrer votre éventuel chef, son propre chef et le DRH (sans ordre précis.) Depuis l'entretien téléphonique, il s'est parfois écoulé un mois (NDLA : alors qu'au début, c'était du "tout de suite maintenant".) La standardiste commence à bien vous connaitre. On vous fait visiter l'entreprise, rencontrer vos éventuels collègues. Si vous parvenez au dernier entretien, c'est que vous faites parti d'une liste de 2 ou 3 candidats. Tout est possible. Soit vous êtes le chouchou et c'est clair que vous reviendrez lundi matin. Soit tout est encore ouvert et vous devez rester sur vos gardes. Soit, ce n'est pas vous le chouchou et on vous a convoqué juste pour se convaincre que votre rival est le meilleur.

Et enfin, après tout cela, on vous rappellera peut-être pour vous dire que l'on vous a choisi. Pas d'effusion ou de poignée de main. Vous viendrez le lundi matin avec votre carte d'identité et votre carte vitale.

jeudi 20 février 2014

"T'as pas vu Christophe?"

L'anecdote est si compliquée que je vais devoir utiliser les prénoms (modifiés.)

A une époque, je travaillais dans une entreprise avec un directeur technique, François. Seulement, François était plutôt du genre chercheur solitaire, dans son laboratoire. D'ailleurs, une fois à la retraite, il a continué à faire des expériences pour nous, dans son garage.
La direction refusait toute confrontation frontale. Donc, au lieu de recadrer François, l'entreprise a promu un ingénieur, Christophe, au rang de directeur technique. Christophe avait un rôle de responsable hiérarchique du bureau d'études... Sauf que Christophe avait un sale caractère. Il refusait de gérer les ingénieurs qu'il n'aimait pas. Quant au projet peu valorisants, il les balayait d'un "j'ai pas le temps" ou d'un plus subtil "je n'ai pas les ressources pour" (NDLA : en sachant pertinemment que jamais, l'entreprise n'embaucherait.) Du coup, lui aussi avait tendance à s'enfermer dans son bureau.

Du coup, lorsque François est parti à la retraite, l'entreprise a recruté un troisième homme, Rui. Cette fois, c'était davantage un chef d'équipe qu'un ingénieur. Les ingénieurs, habitués à être autonomes, ont mal pris cette reprise en main du bureau d'études. Néanmoins, celui qui l'a le plus mal pris, c'était Christophe.
Ca n'a jamais été un bourreau du travail. Mais avec l'arrivée de Rui, il a clairement décidé de ne plus rien faire. Sa spécialité, c'était de faire le mur. Il partait vers 14h30-15h (voir 11h si le PDG était en déplacement pour la journée.) Sa technique consistait à laisser la porte ouverte, avec des dossiers ouverts sur son bureau. Comme s'il était dans les parages (vu que lorsqu'il est là, il fermait la porte.) Une astuce digne d'un adolescent. Le gag, c'est que Christophe avait une XM, avec un diesel qui claquait bien à froid (et il ne partait pas tant que le moteur n'était pas chaud.) On entendait bien le bruit, où qu'on soit dans l'entreprise.
Ainsi, toute la société savait que Christophe était parti pour de bon. Ensuite, le jeu consistait à jouer les faux-naïfs : "Où est Christophe ? Tu ne l'as pas vu ? Sa porte est ouverte, il ne doit pas être loin..."

Le travail ne paye pas

Les "zappés" ont souvent beaucoup de rancœurs envers leur ancienne école/université.

Des études supérieures, la TV et le cinéma montrent surtout les fêtes interminables avec alcool à gogo et frénésie sexuelle... Mais les soirées représentent à peine 10% du quotidien des étudiants. Les fêtards ne font guère long feu dans les amphis. Car les études, c'est avant tout des examens à préparer, des dossiers à rendre, des exposés à rédiger... S'y ajoute la précarité financière. Les provinciaux sont obligés de louer une "studette" (une cage à lapin louée à prix d'or.) L'achat d'un ordinateur, avec imprimante et box internet est obligatoire (vu que la "salle informatique" possède 10 ordinateurs pour 5000 étudiants...) L'école vous impose de ruineux frais de scolarité (sans oublier le racket des "mutuelles".) Au point où les étudiants les plus modestes sont obligés de travailler en parallèle. D'autres prennent des prêts étudiants.

Grosso modo, quel que soit le cursus, le plus dur, ce sont les premières années. Aujourd'hui, le bac est quasiment donné. Les examens d'entrée sont rares (voir proscrits en université.) Alors d'emblée, en post-bac, on submerge les élèves de travail. Cela permet de faire de la sélection de fait. Un gros quart des étudiants abandonne en première année. La moitié partiront au bout de la seconde. Seul un quart des élèves iront jusqu'en dernière année. Ces survivants ont la foi. Les profs se rient de leurs inquiétudes : "Le chômage ? C'est un problème de losers ! Les entreprises se bousculent pour embaucher nos étudiants ! Et pour leur proposer de beaux postes ! Regardez Dufour, de la promotion 2010 : il siège désormais au conseil d'administration d'une multinationale ! " Les écoles privées (donc payantes) ont un discours bien rôdé : "Notre école est chère, mais dés la remise du diplôme, vous aurez un job à responsabilité et vous serez rentré dans vos frais." Certains font même miroiter des stages de fin d'étude payés 2 000€ par mois...

Nos étudiants sont galvanisés. Surendettés, lessivés, mais confiants en l'avenir. Après des années de labeur, ils ont enfin le précieux diplôme... Et le réveil s’avère douloureux. 17% des diplômés d'école d'ingénieur trouvent un travail dans les 3 mois (dont une partie a transformé son stage de fin d'étude en CDD ou en CDI.) Au bout de 8 mois, le chiffre atteint 88%. En creux, cela signifie que 12% des diplômés n'ont toujours pas de travail (et l'on ne parle même pas des non-diplômés ou de ceux qui n'ont pas le statut d'ingénieur.) 8 mois, cela veut dire qu'un étudiant diplômé en septembre restera sans activité jusqu'en mai de l'année suivante. Et par "travail", on entend "n'importe quel travail". Après 8 mois, vous ne faites plus le difficile : vous étendez votre recherche au télémarketing ou à la restauration rapide. 5 années d'étude et des dizaines de milliers d'euros dépensés pour griller des steak hachés !
On peut comprendre qu'après ça, certains soient aigris...

mercredi 19 février 2014

Préavis

Dans les films, tout semble simple. Le héros est convoqué chez le directeur. On lui dit "Lambert, on va être obligé de se séparer de vous." Ou bien, parce qu'il a trouvé un meilleur job, le héros fait un bras d'honneur au directeur. Et la scène suivante, on le voit rentrer chez lui, un carton d'affaires sous le bras...

Sauf que ça ne peut pas se passer comme ça dans la réalité. A moins que vous soyez en fin de contrat ou que vous ayez commis une faute lourde, vous avez un préavis. Si votre film était réaliste, votre héros se fait virer ou bien il part, mais il doit revenir le lendemain matin. Et le surlendemain aussi ! Et ainsi de suite pendant 3 mois (1 mois, si vous n'avez pas un statut cadre.) Même en rupture conventionnelle, vous avez au moins 4 semaines de préavis.

Après cela, bienvenue dans une période de malaise ! Dans les grandes entreprises, vous êtes perdu dans l'anonymat du nombre. Vous êtes là et un jour, votre bureau est vide. En cas de vague de licenciement, vous pouvez ruminer collectivement vos rancœurs. Mais dans le PME et si vous êtes le seul à quitter l'entreprise, vous serez un pestiféré. Les plus ambitieux ne veulent pas être vu avec le renégat ! D'autres auraient presque peur que le licenciement soit contagieux ! C'est triste de voir que des collègues, que vous connaissez depuis des mois, se mettent à vous fuir.
Vous voilà donc seul. Souvent aussi, on ne vous confie plus aucun gros dossier. Tous les experts vous diront qu'il ne faut pas partir en mauvais termes avec votre employeur. Lors de votre recherche d'emploi, des cabinets risquent de l'appeler pour se tuyauter sur vous. Vous êtes donc prié de travailler d'arrache-pied jusqu'à la dernière seconde. Sauf que l'on n'est pas chez les Bisounours ! On vous a viré, vous n'avez rien à faire de vos journées et à la machine à café, on vous esquive. En prime, vous avez déjà un pied dehors. Et après ça, vous devriez rester calme, souriant et garder un mental de winner ? La plupart des gens se contenteront de marathons de démineur. Les plus fragiles fondront régulièrement en larmes ou auront des crises d'angoisses. Les plus nerveux prendront à parti collègues ou responsables. Ceux qui démissionnent sont dans une autre optique. Eux, ils vous expliquent qu'ils quittent l'enfer pour le pays du lait et du miel. En permanence. Par exemple, à la cantine, c'est : "Quoi? Encore des choux de Bruxelles ? Dans ma nouvelle boite, il y a 3 restaurants d'entreprise, dont 1 étoilé au Michelin !"
Et le pire, c'est que cette situation transitoire durera 3 mois. A la limite, le coup du départ définitif avec carton sous le bras, c'était pas si mal...

lundi 17 février 2014

Pole emploi : entretien collectif

Parfois, il y a un peu de variation dans les entretiens de Pole Emploi. On vous convoque pour une "réunion d'information". Concrètement, vous vous retrouvez dans une salle avec une demi-douzaine de chômeurs. Bien sur, ça ne commence pas à l'heure (car les conseillers ont d'autres choses à faire.) Les profils sont très hétérogènes : pré-retraité, fin de droit, artiste, artisan... A croire que c'est fait exprès, afin d'avoir un échantillon des différents chômeurs.

Un conseiller joue les animateurs. S'il est en mode "minimum syndical", il va se contenter de faire l'appel. Vous signez votre feuille de présence, puis Ciao !

Par contre, s'il doit former quelqu'un d'autre ou que c'est un idéaliste, l'entretien va durer. Chacun se présente, évoque le type d'emploi qu'il recherche et ce qui l'empêche de retrouver du travail... Au moins, il y a une constante : que vous soyez ouvrier ou cadre, les employeurs cherchent des personnes surqualifiées et sous-payées. Au moins, la parole est plus ou moins libre. Certains en profitent pour pousser un coup de gueule. Le fin de droit fond quasiment en larme. Dans le lot, il y en a toujours un de pressé, qui a "un truc important à faire".
Pendant ce temps, le conseiller prend des notes (soit sur un paper-board, soit sur des feuilles volantes.) La réalité, c'est qu'il ne peut pas grand chose pour nous.Le fin de droit, en voie de clochardisation ? Pas son problème (il s'occupe des chercheurs d'emplois, point) ; il ne lui filera même pas un numéro d'assistante sociale. Une fois que tout le monde a exposé ses griefs, il fait un débrief plein de lieux communs (sous oublier le fameux "réseau" et le "marché caché de l'emploi".) Et enfin, on peut rentrer chez nous.

dimanche 16 février 2014

On a un dossier sur vous

A se demander pourquoi vous faites des CV ! Désormais, chaque cabinet de recrutement, chaque grande entreprise vous demande de remplir un dossier complet. Vous devez détailler vos précédentes expériences (nom de l'entreprise, mission(s) précise(s), date d'arrivée, date de sortie...) et bien sur, donner au moins un contact qui vérifiera vos dires. Sans oublier les justificatifs à apporter le jour de l'entretien.

Vous allez passer une bonne heure dessus. A priori, un chômeur, ça a du temps à perdre. Beaucoup de temps. En plus, il faut reconnaitre que beaucoup de CV sont mal faits. Sauf que le plus souvent, c'est pour une candidature qui n'aboutira pas. Vous ne faites que grossir une "candidathèque". Personne ne le lira (d'ailleurs, ça vous permettra de postuler deux fois au même endroit après avoir bidonné votre CV." Et qu'on vous demande, encore et encore, de ressasser vos souvenirs. Les boites qui vous ont jeté, celles où vous vous êtes ennuyés, celles qui vous ont déçu, celles où vous avez laissé passer des opportunités... Il n'y a pas mieux pour vous donner un coup de cafard !

Si vous refusez, le cabinet peut s'offusquer : "Comment ? Vous refusez de remplir mon dossier ?" Un hypocrite vous expliquera que cela fait parti "de sa démarche qualité". Le plus souvent, il se fait menaçant : "Vous savez, nous sommes très à cheval sur le bon remplissage des dossiers." En pratique, lorsqu'il y a un emploi à pourvoir urgemment, on saura s’accommoder de votre absence de dossier...

jeudi 13 février 2014

Mon entretien le plus drôle

Pour finir cette semaine sur une note joyeuse, voici une anecdote rigolote.

Mon premier entretien, c'était pour un stage de 3 jours. Le patron voulait embaucher 2 stagiaires. Je suis arrivé à l'heure, en costume-cravate. Aucune trace de mon camarade de classe. L'entretien débute et mon futur patron m'explique le travail. Puis, enfin, l'autre arrive... En pantalon en velours et pull affreux, par dessus une chemise à carreau. Il était venu en mob' et il se baladait avec son casque avec flèches réfléchissantes sur les côtés... Et surtout, avec la braguette ouverte et un pan de chemise sortant par l'ouverture !

Je lui signale discrètement que sa situation et l'autre, sans se démonter, il se rhabille bien en face du patron !

La suite fut du même tonneau. Il a écorché le nom de notre interlocuteur (plusieurs fois), lui a dit "bonjour" à la fin, etc.


Pendant une heure, j'ai essayé de garder mon sérieux. Une fois dehors, tandis que l'autre chevauchait son 103 SP (avec les sacoches à l'arrière), j'ai hurlé de rire.

Et le pire, c'est qu'on a été tous les deux pris en stage !

Les nocturnales

Au cours de ma (déjà) longue carrière, il m'est arrivé de faire des petits boulots. J'ai travaillé la nuit, le week-end... Par contre, dans mes jobs "normaux", j'ai rarement travaillé tard... Ne serait-ce que parce que mes employeurs ne voulaient pas me payer mes heures supplémentaires. Pourtant, presque toujours, j'ai vu des gens rester jusqu'à 19h, voir 20h ou d'autres démarrer à 7h.

Je les classe en plusieurs catégories :
1) Le fumiste. Il est toujours "super débordé". Cela fait des mois qu'il est censé travailler sur un projet. Vous lui confiez un travail urgent, il vous répond, d'un air moqueur : "Je peux te caser un créneau dans 3 mois !" Le soir, il est le dernier à partir. En fait, il passe ses soirées à jouer au solitaire ou à surfer sur le web. Le pire, c'est que souvent, ça marche. Les patrons de la vieille école sont persuadés que la performance est fonction du nombre d'heures passées au bureau.
2) Le no-life. S'il reste tard au bureau, c'est parce qu'il n'a pas envie de rentrer chez lui. Le no-life féminin est généralement une célibataire endurcie et isolée. Le no-life masculin est plutôt le jeune père de famille qui veut éviter les braillements du petit dernier. Une fois que les enfants ont grandi, il a tendance à effectuer moins d'heures supplémentaires. Par contre, la célibataire risque de s'isoler toujours plus, refusant toute vie sociale parce qu'elle est débordée.
3) Le sous-dimensionné. Lui, au moins, il bosse réellement ! Soit on le force à faire le job de 2 personnes (suite à un congé maternité ou à un départ en retraite, par exemple.) On lui a promis que c'était temporaire. Mais ensuite, avec la crise tout ça tout ça, il n'y a plus le budget pour recruter quelqu'un... Donc c'est du provisoire qui dure. Soit c'est la personne dépassée par son boulot. Un logiciel mal maitrisé, des responsabilités trop importantes... Il n'est pas à la hauteur. Donc, il reste plus tard pour rattraper le retard. L'un dans l'autre, le sous-dimensionné risque le fameux "burn-out".
4) L'horaire décalé. C'est le chef de service "cool". Il débarque à 10h du matin et s'offre 2h de pause déjeuner. Donc, forcément, il est vite 18h pour lui. A 15h15, il vous dit : "On se fait la réunion hebdo dans 5 minutes ?" Puis, à 17h59, c'est "allez hop, tout le monde en réu' ! " Et bien sur, personne ne va lui faire remarquer que la journée est finie...

mardi 11 février 2014

Pole emploi : l'entretien

Après l'inscription à Pole Emploi, vous avez droit à un entretien.

C'est assez basique : on vous demande votre dernier diplôme, vos langues parlées (2 maximum), vos précédents emplois, vos méthodes de recherche d'emplois... Pas besoin de justificatifs ; on vous croit sur parole.
C'est de la bureaucratie appliquée. Comme si vous parliez à un serveur vocal en chair et en os. Il serait tout à fait possible de remplir votre dossier de chez vous. Mais on est persuadé qu'il faut que vous vous déplaciez régulièrement à Pole Emploi. Ca sert à vous fliquer et accessoirement, ça justifie l'embauche de conseillers.
On vous pose des questions et le conseiller note vos réponses en les enrobant de formules toutes faites. Avec un peu de chance, il ne quittera pas son écran des yeux. Parfois, il refuse même de vous serrer la main. En matière de recherche d'emplois, on va vous demander si vous avez un "réseau" et si vous faites des "candidatures spontanées". Un conseil : pour éviter le laïus sur les "offres invisibles", dites que oui, vous faites du réseautage.

De toute façon, on ne peut rien faire pour vous. Les chômeurs prioritaire, ce sont les bac-10 en fin de droit. En tant que cadre, on aura vite fait de vous classer "autonome" ; autrement dit "démerdez-vous !"

Après chaque emploi, le "premier entretien" est obligatoire. La première fois, j'y allais en costume, avec des justificatifs sous le bras et des questions à poser. Maintenant, c'est jean-baskets et main dans les poches.

Travailleurs démoralisés et internet d'entreprise

Les recherches montrent que plus vous effectuez d'études, plus vous vous sentirez malheureux. L'idée est qu'un autodidacte sera comptant d'arriver là où il est. A contrario, celui qui a fait de longues études considère qu'il "mérite mieux". Ne serait-ce que parce qu'il a un prêt étudiant à rembourser.

Si ajoute que durant ses études, notre diplômé s'est habitué à tout analyser, à réfléchir beaucoup, à lire de nombreux articles, etc. Pourquoi s'arrêterait-il le jour du diplôme ? Du coup, une fois en poste, il se mettra à analyser son travail, à chercher des pistes d'améliorations pour l'entreprise... D'autant plus que durant ses études on lui a appris LA façon de bien faire ! Ainsi, les plus jeunes veulent donner leur avis sur tout. De temps à autre, ils passent pour des cons prétentieux. De toute façon, on tiendra rarement compte de leurs griefs.
La tendance à vouloir réfléchir sur tout reste. Mais faute de prise sur son quotidien, notre bac+5 tombe dans l'aquoibonisme.

Personnellement, j'ai un exemple précis. J'ai travaillé dans une entreprise qui fournissait des prestations informatique. Notamment un pack "internet d'entreprise" avec pare-feu, anti-virus, détection des spams et des malwares. Une vraie clôture infranchissable ! Sauf que nos propres ordinateurs de bureau n'avaient pas internet. Il y avait un unique "poste internet" par étage, utilisable seulement en consultation (impossible de télécharger des documents.) L'entreprise avait peur d'être contaminé par des virus. On n'utilisait pas notre propre suite logiciel car on n'avait pas confiance en elle !
Comment voulez-vous vendre avec conviction des produits, que votre entreprise ne veut pas utiliser ? Apparemment, j'étais le seul à avoir relevé cette contradiction. A partir de là, j'avais l'impression d'être entouré de moutons. Je me sentais très seul et n'avais plus aucun scrupule à jouer au Solitaire durant mes "creux de travail".

dimanche 9 février 2014

Le téléphone (2)

Parfois, il peut se passer des jours, voir des semaines, sans la moindre opportunité d'emplois. Pas d'entretien, pas de coups de fils, rien. C'est le pire qu'il puisse arriver à un chômeur, car vous n'avez alors aucune lueur d'espoir de boulot. J'ai connu des gens qui sont restés plusieurs mois dans ce cas.

Puis, un jour, miraculeusement, le téléphone sonne :
"Allo, ici le cabinet JMBC. Nous avons vu votre CV sur une CVthèque. Quel type de poste recherchez-vous ?
- Idéalement, un travail de "senior", avec utilisation de l'anglais, en CDI, payé dans la moyenne du marché et pas trop loin de chez moi.
- Nous recherchons quelqu'un pour un emploi subalterne, en CDD, payé au lance-pierre et situé au Diable-vauvert. Ca vous intéresse ?"
A cet instant là, tout le monde vous dirait de répondre "non". Sauf que vous avez un loyer à la fin du mois. Et on ne peut pas le régler en scrupules. Donc, vous dites oui. C'est une proposition merdique, mais vous n'avez pas d'alternative (même si en entretien, vous direz que vous êtes en contact avec plein d'entreprises.) Au moins, moi, j'ai écarté les propositions hors d'Ile-de-France...

jeudi 6 février 2014

Le téléphone (1)

S'il fallait résumer le chômage en un verbe, ce serait "attendre". Attendre le coup de fil ou le mail providentiel. Celui qui dit : "On veut vous voir". Voir carrément : " On a décidé de vous prendre."

Aujourd'hui, grâce au portable, on n'est jamais loin de son téléphone ou de sa boite mail. Mais avant, c'était le temps des journées à fixer le téléphone. Ca devenait une obsession. Attendre que ce fichu téléphone ne sonne. Inconsciemment, on restait au garde-à-vous, prêt à bondir sur le combiné. Lorsqu'on vient de passer un entretien ou qu'on a envoyé une candidature pour un job de rêve, l'intensité augmentait. S'éloigner, ne serait-ce que pour un besoin naturel, était une torture. "Et si on m'appelait à ce moment-là ?" A croire qu'un recruteur allait se dire : " Alain n'est pas là ? Tant pis, je vais prendre Nicolas à la place. "

Même aujourd'hui, le pire, c'est lorsqu'un recruteur vous dit : " On prendra une décision tel jour. " Le jour J, pas d'appel. Vous vous dites : " C'est foutu. " Piteusement, vous appelez le lendemain : " Excusez-moi de vous demander pardon. Mais je voudrais savoir si, par hasard, vous avez pris une décision... " Là, c'est généralement un moment de désinvolture : " Ah oui, c'est vrai, on a oublié de vous dire... En fait, on a décidé de prendre quelqu'un d'autre." ou " En fait, on n'a pas encore tranché. On verra ça lundi prochain. Ou mardi. " C'est comme ça, on vous avait convoqué à un entretien le jour même. Vous avez du courir pour imprimer des CV et traverser toute l'Ile-de-France. Par contre, pour vous répondre, monsieur prend son temps ! Vous êtes bon pour de nouvelles journées à attendre que le téléphone sonne. Au moins, vous avez encore un espoir d'être pris. Et c'est déjà ça.

Les zappés

Jusqu'à récemment, le chômage des cadres touchait avant tout les autodidactes. Ils ont progressé dans une entreprise, à l'ancienneté ou au mérite et sont devenus cadres. Mais suite à un licenciement, ils sont au chômage et ils n'ont aucun diplôme à valoriser. Or, être bac+5 est une condition sine qua none pour un job de cadre.

Depuis une dizaine d'années, on voit de "nouveaux" cadres au chômage. Des trentenaires dont le parcours professionnel stagne. Ils sont d'autant plus aigris qu'au moment des études, on leur avait promis la lune. Certains ont même du emprunter pour étudier. Et après la remise du diplôme, c'est la douche froide. Ils se retrouvent face à des bataillons de candidats autant qualifiés qu'eux. Ils sont bac+5 ? Et alors, tout le monde est bac+5 ! Ils ont fait un long stage à l'étranger ? Et alors, tout le monde a fait un stage à l'étranger !
Donc, faute de mieux, ils acceptent un job merdique. Ou plutôt, la seule boite qui leur a dit "oui", c'était celle qui proposait un job merdique. Certains s'accrochent, sans enthousiasme. Et surtout, sans évolutions possibles. D'autres se retrouvent vite au chômage (licenciement, fin de CDD...) C'est le début d'un cercle vicieux job merdique/chômage. D'autres enfin cherchent à changer radicalement d'orientation professionnelle. Pour eux, mieux vaut un boulot mal payé, mais plaisant, qu'un hypothétique job d'encadrement. Leurs parents ont pu faire carrière avec le bac, voir un BEP ; les ingénieurs pouvaient rêver de devenir PDG de PME. Et eux, avec une Bac+5, ils ne s'en sortent pas. Pire : certaines portes finissent par se fermer, car on ne les considère plus assez "malléables" pour des postes de "junior".
Ils sont trop vieux pour avoir droit aux dispositifs pour jeunes et trop jeunes pour avoir droit aux aides pour les seniors. Ce sont les zappés. La génération sacrifiée du marché de l'emploi.

mardi 4 février 2014

Pole Emploi : l'inscription

Je me souviens bien ma première inscription à Pole Emploi. A l'époque, ça s'appelait l'ANPE.

J'étais très naïf. Je pensais que d'emblée, on allait me proposer des stages, des formations, voir des emplois. Le PARE (Plan d'Aide au Retour à l'Emploi) venait d'être voté. Désormais, les chômeurs allaient avoir des droits, mais aussi des devoirs. J'étais venu avec des courriers de refus (pas encore d'e-mail) pour prouver que j'étais un chômeur actif. Quelqu'un qui cherche bel et bien un emploi. Je m'attendais à un interrogatoire façon CIA, avec la lampe dans la figure...

La personne de l'accueil m'a à peine regardé. Alors que je commençais à justifier ma recherche d'emploi, il a coupé court aux discussions et il m'a tendu un dossier. Je l'ai remplis, on m'a dit qu'on me recontactera et voilà. C'était tout. En 15 minutes chronos (dont 10 minutes de file d'attente), ma première visite à l'ANPE/Pole Emploi était bouclée !

lundi 3 février 2014

Tout travail mérite salaire...

Parfois, au milieu de votre désert professionnel, vous tombez sur des oasis. Ils se nomment CDD ou intérim. En général, ce ne sont pas des missions très excitantes, mais c'est ça ou attendre un très hypothétique CDI.

Avantage : ça vous remet le pied à l'étrier. Pendant quelques semaines, voir quelques mois, vous quittez votre statut de chômeur. Psychologiquement et financièrement, c'est important. Avec un peu de chance, la mission durera suffisamment longtemps pour vous ouvrir de nouveaux droits de chômage...

Inconvénient : c'est du précaire. De plus, à force, vous risquez de devenir "intérimaire à temps plein". Les recruteurs se méfient des candidats qui ont enchainé les missions. Ils sont catalogués "instables".

Parce que dans la tête d'un DRH, quelqu'un qui ne fait que des missions à court-terme, c'est que a) c'est une tête brûlée qui refuse les CDI ou b) un employé tellement nul que ses chefs n'en veulent pas à temps plein. Certes, il y a effectivement des gens qui veulent "rester libre" et d'autres tellement maladroits ou niais qu'on est bien content de les voir partir. Néanmoins, il y a surtout des entreprises qui emploient des intérimaires à la chaine. L'intérêt étant de disposer d'une main d’œuvre dont on peut facilement se séparer (et qui n'entre pas comptablement dans les charges de personnel.) Les ateliers de production sont traditionnellement de gros consommateurs d'intérimaires. Mais on en trouve aussi à des postes d'encadrement.
Pour motiver un intérimaire sur une mission longue, l'entreprise pense posséder une carotte : la promesse d'un CDI. On fait croire à l'infortuné qu'il est dans un genre de période d'essai. Donc, il doit faire des efforts pour prouver qu'il mérite le poste ! Le salaire ? On l'abaisse par rapport à ses prétentions, mais promis, on le remontera à la signature du CDI. Les horaires ? Ca serait bien s'il faisait des heures supplémentaires (sans les noter), ça améliorerait ses chances de CDI... Et puis pour le job, ça serait bien s'il faisait un peu plus que ce qu'on lui demande, car ça améliorera ses chances de CDI... Et à la fin, si on a encore besoin de lui, on lui prolonge son intérim. Une fois, j'ai ainsi effectué 20 intérims successifs dans une entreprise ! Au bout du 20ème, on m'a dit que non, il n'y avait pas de CDI... Mais 2 jours avant mon départ, mon chef m'a demandé de traiter un dossier urgent (avec des heures supplémentaires) en me jurant qu’éventuellement, derrière, on pourrait me prolonger mon intérim... Quelques années plus tard, une autre boite m'a demandé des sacrifices en me faisant miroiter un CDI (alors que mon prédécesseur, était un intérimaire dont le contrat a couru sur un an.) Moi, je lui ai fait miroiter mon majeur...

Chômage et amitié

Le chômeur possède une vie sociale assez limitée. En général, chômage=problèmes financiers. Donc, pas d'argent pour les sorties. Surtout, le chômeur porte en lieu de la culpabilité. N'est-il pas un peu responsable de son infortune ? En restant inactif, n'est-il pas inutile pour la société ? etc. (NDLA : notez l'emploi de phrases interro-négatives, afin de souligner l'état d'esprit "négatif" du chômeur...) Il a donc tendance à rester chez lui.

Mais malgré tout, la vie continue. Il y a bien des repas de famille ou des anniversaires à fêter. Parmi les proches du chômeur, il y a ceux qui ont été au chômage. Ils compatissent et tout les matins, ils brûlent un cierge en espérant ne pas retourner à cet état. Et puis, il y a ceux qui n'ont jamais connu le chômage. Ou alors, pas longtemps. Souvent, ils ont gardé le même job depuis la fin des études. Faute de pouvoir se mettre à la place du chômeur, ils ont tendance à le prendre de haut. Du boulot, il y en a ! S'il est toujours au chômage après des mois et des mois, c'est que ça lui plait plus ou moins, non ? Et en faisant des raccourcis, ce sont eux, qui financent le chômage de leur ami !
D'emblée, ils s’enquièrent de sa situation. Eux, ils ne parlent jamais de leur boulot; ils l'évacuent d'un "rien de neuf." Mais par contre, ils ont envie de connaitre les derniers développements du chômeur : "Alors, t'en es où, côté boulot ? T'as des pistes ?" C'est déjà lourdingue en soit. Le chômeur était là pour se changer les idées, pour passer un bon moment. Pas pour repenser à l'entretien complétement foiré de la semaine dernière ou cette annonce où son profil correspondait à 99% et qui ne l'a jamais recontacté.
En général, c'est suivi d'un : "Mais t'es pas tant à plaindre que ça ! C'est un peu comme des vacances, non ?" Oui, à part les problèmes financiers, le stress des entretiens, les crises d'angoisses, les menaces de Pole Emploi... De vraies vacances !
Puis il y a le conseil foireux. "Tu devrais regarder sur Internet. Je crois qu'il y a pas mal de sites d'offres d'emploi." Ou "J'ai vu que [multinationale] lance un nouveau projet. Il doivent recruter. Tu devrais postuler..."

Là, volontairement ou pas, il a ruiné la soirée du chômeur. Ce dernier a envie d'aller retourner dans sa grotte et s'y enfermer jusqu'à nouvel ordre. Pour peu qu'on soit un samedi soir, il ruinera aussi son dimanche. Les plus violents prendront l'ami à parti. Et l'autre, ne comprendra pas ce qui arrive. Il voulait être juste amical...