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lundi 25 décembre 2023

La réunion par Teams, cette plaie moderne

Ce blog va bientôt fêter ses 10 ans. Pourtant, curieusement, je n'avais jamais évoqué les réunions.

La réunion est consubstantielle de la vie en communauté. A partir du moment où les Hommes doivent vivre ensemble, il faut se réunir. Qu'il s'agisse de planifier, de décider, de faire le bilan... Les hommes des cavernes devaient se réunir avant de chasser le mammouth !
Forcément, la réunion est l'antithèse de l'action. C'est censément un outil, pas une fin en soi. Mais de tout temps, il y a eu des gens incapable d'agir. Nul doute que sur une tablette d'argile, un Babylonien s'est plaint de trop nombreuses réunions !

Avec les progrès technologiques, on a pu organiser des réunions où les protagonistes n'étaient plus physiquement ensemble. D'abord par téléphone, puis par visioconférence. Fut un temps où les grandes entreprises disposaient d'une "salle visio". Un amphithéâtre avec un grand écran. Ces salles ne servaient que pour les sujets les plus graves (et les arbres de noël.) D'autant plus que la minute de communication coûtait un bras...

Mais aujourd'hui, avec Teams, n'importe quel ordinateur peut organiser et participer à des visioconférences. Avec le covid et la généralisation du télétravail, cet outil est devenu l'alpha et l'oméga du travail de bureau.

Or, Teams est souvent utilisé à mauvais escient. Il faut dire que du jour au lendemain, il s'est généralisé. Et personne n'a été formé à son utilisation.
1) Le cas typique, c'est la réunion avec 40 participants. Le créateur de la réunion a invité des gens n'ayant qu'un lien ténu avec le sujet. La plupart des gens ne suivent pas. De toute façon, même si certains étaient plus assidus, il ne connaissent pas assez bien le sujet pour pouvoir participer activement. Du coup, lorsque l'animateur a besoin de vous, il doit faire le sémaphore. C'était le cas d'un certain Serge, dans une entreprise passée : "Giorgio, tu es là ? (...) Scott, tu es en mute ! (...) Gaëtan ? Gaëtan ? Il est en "occupé", quelqu'un peut le contacter ? (...) Benjamin était marqué absent, en début de réunion, vous savez s'il s'est connecté ?" Il y a parfois tellement d'invités que vous soyez présent ou absent, on ne remarque pas la différence... Et on vous note présent !
2) La réunion zombie. Untel a lancé une réunion récurrente sur tel thème. Les participants initiaux sont partis, mais ils ont transmis la réunion. Du coup, il y a plein de pastilles blanches. Cela signifie surtout que personne ne sait vraiment pourquoi on se réunit. Il faut croire que clore une réunion Teams, c'est tabou. Je n'ai connu qu'un seul animateur qui annulait des réunions ou disait à telle personne : "Je te retire de la liste, tu n'as plus rien à y faire."
3) C'est une variante de la 2) : la réunion qui fait du sur-place. Normalement, une réunion, ce sont des attendus, avec un responsable du livrable (ou "owner".) Oui, mais si la personne en question ne vient jamais ? Et si rien n'a avancé ? Très rarement, l'animateur va vérifier en amont que chacun a fait ses devoirs, quitte à annuler la réunion. Sinon, vous êtes bon pour la fameuse réunion de définition de la prochaine réunion...
4) La réunion "politique". L'animateur pointe les présents et "ça fait bien" d'assister à cette réunion. Y compris par rapport à des travaux avec de la valeur ajoutée, mais où il est impossible de se connecter (par exemple, une visite d'usine.) Dans certaines entreprises, vous avez fréquemment deux réunions simultanées. Alors vous choisissez celle où votre N+2 sera présent. Tant pis pour les sujets importants. Et plus généralement, au milieu des 1001 réunions, c'est difficile de discerner laquelle est vraiment importante.
5) Généralement, vous participez à des réunions organisées par des gens au même niveau que vous et que vous croisez pas ou peu. Alors pourquoi s'embêter ? Généralement, les gens se connectent, tout en travaillant sur d'autres sujets. Certains partent boire un café. D'autres arrivent bien en retard, mais à "30", il faut "basculer sur une autre réunion". Beaucoup se déconnectent sans prévenir.

Personnellement, j'avais un sentiment d'inutilité. J'étais devant mon écran, micro-casque sur les oreilles de 9h à 17h, assistant à un défilé de "yaka faukon". J'allais d'un "workshop" à une "weekly", puis à un "coffee", en attendant le "town hall". Et le soir, aucun sujet n'avait avancé de manière tangible.

jeudi 2 février 2023

The man who wasn't there

J'ai posé un congé d'une journée. Rien d'exceptionnel. J'avais prévenu et remplit une demande en bonne et due forme. Par contre, j'ai oublié de décliner les réunions de la journée, dont un face-to-face.
Personne n'a remarqué mon absence. D'ailleurs, sur plusieurs compte-rendus j'étais noté parmi les "présent". Quant au face-to-face, mon interlocuteur s'est excusé de ne pas pouvoir y assister !

Dans le temps, c'était simple : vous deviez être présent, du lundi 8h au vendredi, à 17h. C'était manichéen : on était présent ou absent. Toute personne qui n'était pas physiquement à son bureau devait se justifier. Bien sûr, cela avait un côté pervers. C'était le temps du manager-pion, qui regardait par dessus votre épaule et des employés faisant semblant de travailler.
Avec les 35h, il y a eu "l'aménagement du temps de travail". Les gens qui s'absentaient un mercredi sur deux, les RTT, les horaires décalés... On passait d'horaires fixes à une obligation d'être présent physiquement dans l'entreprise pendant x heures par an.
 

Maintenant, on passe à une nouvelle étape : la déconstruction du temps de travail. Une transformation d'autant plus sournoise qu'elle fait l'objet d'aucune négociation nationale ; il n'y a que des lignes directrices et des garde-fous qui sont autant de vœux pieux.
Qu'est-ce que la présence, en 2023 ? Certaines entreprises autorisent 3, 4, voire 5 jours de télétravail. Vous croisez à peine vos collègues, au point où des "coffee" sous Teams remplacent la machine à café. Dans d'autres entreprises, il n'y a plus de bureaux dédiés par service. Les jours de présentiels, les employés s'installent où ils peuvent.
Surtout, les notions de "congés" ou "d'arrêts maladie" deviennent floues. Le covid a créé cette zone grise de "potentiellement contaminant pour ses collègues, mais en capacité de travailler". Grippe, angines, gastroentérites sont désormais synonymes de télétravail. En théorie, pour le télétravail, l’assurance ne vous couvre que si vous êtes chez vous. D'ailleurs, vous pouvez exiger de votre employeur à ce qu'il vous fournisse le matériel nécessaire (écran supplémentaire, casque audio...) à l’exécution de votre travail. En pratique, on tolère à ce qu'un employé soit où il veut, tant que le travail est fait. Lors des voyages avec quarantaine obligatoire, on autorisait le salarié à effectuer un télétravail durant la quarantaine et à ne prendre sur ses jours de congés qu'ensuite.
Au quotidien, vous avez souvent Outlook et Teams sur votre smartphone pro. Vous pouvez donc réagir rapidement, même hors des heures habituelles. Or, en entreprise, on glisse vite de "pouvez" à "devez"...

Le monde du tertiaire devient donc un monde virtuel. Dans les cas extrêmes, vous n'avez jamais vu vos collègues ou votre manager "irl". Les gens ne sont plus que des avatars avec des pastilles vertes, rouges, jaunes... Et plus rarement, blanches. Quel que soit le jour et l'heure, vous n'êtes jamais très loin de votre "bureau".
Ce monde-là ne donne pas beaucoup de droits aux salariés, mais pas beaucoup de devoirs non plus. Cela explique le fort turnover actuel. Néanmoins, ce n'est pas grave, on s'habitue à voir disparaitre des avatars et à en voir apparaitre de nouveau. L'entreprise devient un "lobby" de jeu en-ligne...

mardi 5 avril 2022

RIP, le droit à la déconnexion

"Je suis en congé jusqu'au tant, avec un accès limité à mes mails." C'est un message d'absence très commun.

On n'en finit pas de découvrir des aspects pervers au télétravail !

Au plus fort du confinement, le télétravail a permis à nombre d'entreprises de maintenir leur activité.  Désormais, l'entreprise s'est habitué à jongler avec les cas-contacts, voire les employés positifs au Covid. Au moindre doute, l'employé est renvoyé chez lui. Il doit poursuivre son travail à distance.
Certaines entreprises font désormais preuve d'hygiénisme : rhume, fièvre, toux... On préfère écarter un employé potentiellement malade, avant qu'il ne contamine les autres.
Et puis, il y a les pépins physiques. Une jambe dans le plâtre ne vous empêche pas de pianoter sur un clavier d'ordinateur !
Il y a bien sûr des chefs tyranniques. L'un d'eux m'a dit, à 21h : "Je sais que ta box wifi est en panne, mais tu pourrais aller au McDo pour prendre leur wifi, car le client attend absolument une réponse pour ce soir..." Mais il y a aussi des employés qui se sont habitués au travail en "distanciel". Ils ont des scrupules à laisser de côté les dossiers, même lorsqu'ils sont en arrêt-maladie. Et même en vacances. Après tout, maintenant, avec un simple smartphone on peut consulter ses mails pro et participer à des réunions sous Teams.

Le droit à la déconnexion faisait parti des lois travail de 2017. Bien avant le confinement. Mais il ne résiste pas à l'épreuve des faits.
Cela vaut surtout pour les juniors, arrivé en entreprise durant le Covid ou juste avant et qui manquent de recul. Mais cette intrusion permanente du professionnel dans la sphère privée ne peut qu'avoir des conséquences néfastes. Ne serait-ce qu'en terme de stress et de repos.

jeudi 26 août 2021

Le management intermédiaire, victime du Covid

Ces dernières années, les grandes entreprises ont réduit leur nombre de sites, le nombre de filiales, de lignes de produits, etc. Néanmoins, pas question de réduire le nombre d'échelons. La pyramide hiérarchique devint conique, voire en tronc d'arbre. Néanmoins, le management intermédiaire a souffert du Covid.

Le premier effet Kiss Cool, ce fut le confinement. Il fallait prendre des décisions, rapidement. C'était une question de vie ou de mort, au sens propre ! Mais les managers furent complètement dépassés. Une pandémie, ce n'était pas dans le manuel ! Et l'indécision est le principe de base du management intermédiaire. Pendant une semaine, le mur se rapprochait. L'Espagne et l'Italie prenaient des mesures de confinement. J'ai assisté à des réunions hallucinantes. La réunion où rien n'avance, c'est un classique. Le fameux "il est urgent de ne rien faire." Sauf qu'ici, avec le Covid, ce n'était plus de mise. Un soir, on est rentré chez nous. Les plus prévoyants -comme moi- avaient emporté leur ordinateur. Certaines personnes étaient en congé ou en déplacement, le jour J. Ce fut une pagaille.
Et ce fut la même pagaille au déconfinement. Le mot officiel, c'était "tout va bien". Certains managers, qui cherchaient à bien se faire voir, firent donc revenir des services entiers. Alors que d'autres, hantés par la mise en danger de la vie d'autrui, continuèrent de confiner leurs subordonnés.
Plus que jamais, j'ai eu un sentiment d'inutilité du management intermédiaire. D'un ramassis de trouillards et de yesmen.

Le second effet Kiss Cool, c'était l'entreprise en distantiel. Les employés en ont souffert. Mais ce sont les managers qui se retrouvent en porte-à-faux. Avec Teams, on peut désormais organiser facilement de très grandes réunions ; plus besoin de cascading. De plus, les gens vont à l'essentiel ; pas d’apartés pré-réunion. En conséquence, les réunions sont souvent plus courtes, de quoi libérer de la charge de travail. Or, le but d'une entreprise, c'est d'avoir des employés plutôt chargés. A fortiori avec les coûteux managers.
On semble s'orienter vers des organisations plus horizontales. L'avantage, c'est un information qui circule plus facilement. Après, cela veut dire que votre N+1 et votre N+2 ont doublé, voire triplé leur nombre de subordonnés directs. Plus questions de faire du service personnalisé...

dimanche 9 mai 2021

Le travail sans machine à café !

Actuellement, lorsque le gouvernement parle du travail, c'est uniquement en termes économiques. Mais un travail, ce n'est pas qu'une tache à effectuer et un salaire le 31. Ça, les chômeurs le savent bien...

Avec la pandémie, la plupart des salariés du tertiaire sont chez eux. Cela fera bientôt 15 mois de télétravail. C'est du provisoire qui dure. Certains se sont même aménagés un bureau chez eux. Se lever, allumer son ordinateur et enchainer les réunions sous Zoom. Souvent, ces réunions sont expéditives. Pas de confidences ; on a toujours peur qu'une oreille indiscrète soit connectée... Les plus jeunes se contentent de la messagerie interne. Mais les plus vieux n'osent pas passer des coups de téléphones, juste pour parler de la pluie et du bon temps avec les collègues...

Parfois, il y a des journées de présentiel. On a l'impression d'être au mois d'août : la plupart des bureaux sont vides. Il y a certains collègues qui ne sont plus revenus depuis des mois. C'est à peine mieux que le télétravail. Au moins, vous pouvez faire une coupure nette entre vie privée et vie professionnelle. Mais ensuite, personne avec qui boire un café. Certaines entreprises ont fermé les réfectoires ; on mange à son poste. C'est une vie professionnelle sans ragots, sans pots de départ, sans after-work, sans animation du CE, sans déplacements professionnels, sans sourires... Sans vie, quoi.

mercredi 10 février 2021

Y'a quelqu'un ?

Pendant longtemps, le télétravail faisait figure de solution face au présentéisme. Avec le confinement, il fut généralisé. Les gens finir par se plaindre du manque d’interactions humaines et de l'isolement. Les mois passent et la crise du Covid semble s'éterniser. Le déconfinement complet en août ne semble être qu'un doux rêve. Les salariés se plaignent de plus en plus d'une santé mentale dégradée.

Mais il y a pire qu'être salarié en télétravail : être prestataire en télétravail.

Le Covid a d'emblée entrainé une crise économique. Les prestataires sont les premiers licenciés. Il suffit de négocier une rupture anticipée de contrat, avec un dédit. Les cabinets de prestation sont dans une telle mouise qu'ils acceptent volontiers les pénalités de rupture.
De plus, les entreprises ont levé le pied sur les projets : réorganisations, lancements de produits, audits internes, etc. Or, ce sont justement le genre de missions qui nécessitent de la prestation.
Parfois enfin, l'emploi ne peut être effectué à distance (notamment pour les postes opérationnels.) Conserver le prestataire n'aura aucun intérêt, en cas de reconfinement.

Ceux qui restent en place, ce n'est guère mieux. Le télétravail creuse le fossé entre les internes et les prestataires.
Dans certaines entreprises, les prestataires sont exclus des réunions de service. Et là, il n'y a même plus de "radio moquette". Dans certains secteurs stratégiques, les entreprises ne veulent pas laisser des externes manipuler à distance des données confidentielles. D'où un travail tronqué.
Enfin, comme les entreprises limitent les investissements (en capitaux, mais aussi en moyen techniques), la charge de travail a souvent sérieusement chuté. Le prestataire se retrouve donc chez lui, à ne rien faire, en se demandant jusqu'à quand son contrat va se poursuivre...

Les DRH ont souvent perçu la souffrance de leurs salariés. Des outils et des consignes sont données aux managers pour prendre le pouls de leurs équipes. Là encore, les prestataires sont hors du périmètre. Après tout, ils sont censés avoir un manager qui les suit !
En pratique, il y a énormément de turnover parmi les managers de cabinet de conseil. Après quelques mois, "votre" manager est parti. Son remplaçant sait à peine qui vous êtes. Il doit gérer des dizaines de consultants. 1) Il n'a pas le temps de faire des points hebdomadaires avec chacun d'entre eux. 2) Il se contrefiche de vous. Il est payé pour rentrer des affaires, pas pour faire du SAV.

D'où ce sentiment d'être sur une île déserte, oublié de tous...

jeudi 19 novembre 2020

Télétravail, téléenfer ?


En 2014, j'évoquais discrètement le télétravail. A l'époque, c'était un doux rêve. On l'assimilait aux cadres dirigeants forcés de travailler le week-end. Et aux indépendants trop fauchés pour avoir leur propre bureau.

Le télétravail avait beaucoup d'avantages. Terminé, le chef de service qui regarde par-dessus votre épaule et vous grondes si vous êtes sur Lastminute.com ! Terminé, l'obligation de poser une demi-journée pour faire des démarches administratives ou pour amener le petit chez le docteur ! Les études montrent qu'un employé en télétravail travaille davantage, car il a moins de sollicitations. Un employé en télétravail est moins souvent malade, car il n'y a pas de promiscuité. Enfin, un employé en télétravail pollue moins, vu qu'il n'a pas à se déplacer jusqu'à son bureau.

En 2014, c'était un doux rêve. Depuis, il y a eu le Covid. On s'est habitué aux réunions sous Teams, aux "il est où, Untel ? - Il est en télétravail aujourd'hui.", etc. 

Mais bien sûr, il y a un côté pervers. Les pays Anglo-saxons ont fait figure de pionniers en la matière. Désormais, Boris Johnson souhaite promouvoir le retour au travail.
A terme, l'entreprise perd le lien avec ses employés. Plus besoin de grandes surfaces de travail ; lorsqu'ils viennent, les employés se retrouvent en bureau volant (hot desking.) Les employés en télétravail se voient proposés moins de formation. Et bien sûr, le recours à la prestation est accru. Et tant qu'à faire, pourquoi ne pas sous-traiter à l'étranger ? Le coup est encore plus rude pour les managers. Après tout, pourquoi devraient-ils n'avoir qu'une quinzaine de subordonnés, suivant les schémas classiques ? On prend l'exemple du chef d'orchestre.
L'avenir, c'est donc de travailler en prestation, pour un client chez lequel vous n'avez jamais mis les pieds. Votre N+1 aura une cinquantaine de subordonnés et il ne vous parle que durant une brève weekly. D'ailleurs, il gagne à peine plus que vous et peut-être qu'il sera lui-même en prestation.

Charmant.