lundi 28 juin 2021

Motivation dans les chaussettes

Dans vos premiers boulots, vous êtes mo-ti-vé. La première expérience a été foireuse ? Pas grave, cette fois-ci, ça sera la bonne ! Si vous travaillez correctement, on va vous garder, non ? Vous allez terminer votre période d'essai, puis vous ferez carrière ici. Vous aurez des promotions, des augmentations et une belle médaille du travail pour service rendu.
Vous êtes intérimaire ou consultant ? Vous allez bientôt passer en interne ! Hier soir, votre patron vous a tenu la jambe jusqu'à 20h, mais au moins, vous avez bétonné vos chances de CDI ! Et puis, au pire, la boite de consulting a plein d'autres clients...

Avec le temps et au fil des échecs, la motivation chute. L'enthousiasme devient du cynisme. A chaque fois, vous êtes l'un des plus volontaires, l'un des plus productifs, vous atteignez vos résultats... En plus, vous demandez un salaire moindre ! Et pourtant, ça ne marche pas. Systématiquement, on vous vire. Alors vous en avez pris votre parti. Faire votre job du mieux que vous pouvez, jusqu'à votre dernier jour. Lorsque votre patron vous parle de l'an prochain, vous feignez de l'écouter : vous savez très bien que l'an prochain, vous ne serez plus là. Faire semblant, c'est le maître-mot. A la machine à café, vous faites semblant de vous intéresser aux dernières nouvelles du bébé de Ben (alors qu'il casse du sucre sur vous auprès de votre N+1.) Vous faites aussi semblant de vous intéresser à la vie de la société et vous vous rendez à tous les évènements corporate.

Au-delà d'un certain nombre de missions, la motivation tend vers le zéro. Ce n'est pas la tension, qu vous avez dans les chaussettes, c'est votre motivation ! Le cynisme est devenu de l'aquoibonisme. Dès votre premier jour, vous pensez à votre départ. Chaque jour en plus est une petite victoire. "Un mois que je suis ici et toujours pas d'entretien de discipline en vue !" Non pas que vous aimiez le chômage, mais vous vous savez maudit. A force de multiplier les expériences, vous en finissez par vous y perdre. "Salut, Thierry ! - Non, moi c'est Vincent." A quoi bon faire des heures supplémentaires ? A quoi bon s'appliquer à la tache ? Pendant les réunions de service, vous consultez Twitter. Vous faites le minimum syndical. Le café, vous le préférez seul. Et puis côté santé mentale... Il y a ceux qui s'enferment dans des salles de réunions pour pleurer discrètement. Ceux qui ne dorment pas la nuit. Plus rarement, il y a des gens ultra-agressifs, au bord de la confrontation. Puis, un jour, c'est l'entretien fatidique. Forcément, vu la qualité de votre travail, vous avez creusé vous-même votre tombe.