jeudi 26 août 2021

Le management intermédiaire, victime du Covid

Ces dernières années, les grandes entreprises ont réduit leur nombre de sites, le nombre de filiales, de lignes de produits, etc. Néanmoins, pas question de réduire le nombre d'échelons. La pyramide hiérarchique devint conique, voire en tronc d'arbre. Néanmoins, le management intermédiaire a souffert du Covid.

Le premier effet Kiss Cool, ce fut le confinement. Il fallait prendre des décisions, rapidement. C'était une question de vie ou de mort, au sens propre ! Mais les managers furent complètement dépassés. Une pandémie, ce n'était pas dans le manuel ! Et l'indécision est le principe de base du management intermédiaire. Pendant une semaine, le mur se rapprochait. L'Espagne et l'Italie prenaient des mesures de confinement. J'ai assisté à des réunions hallucinantes. La réunion où rien n'avance, c'est un classique. Le fameux "il est urgent de ne rien faire." Sauf qu'ici, avec le Covid, ce n'était plus de mise. Un soir, on est rentré chez nous. Les plus prévoyants -comme moi- avaient emporté leur ordinateur. Certaines personnes étaient en congé ou en déplacement, le jour J. Ce fut une pagaille.
Et ce fut la même pagaille au déconfinement. Le mot officiel, c'était "tout va bien". Certains managers, qui cherchaient à bien se faire voir, firent donc revenir des services entiers. Alors que d'autres, hantés par la mise en danger de la vie d'autrui, continuèrent de confiner leurs subordonnés.
Plus que jamais, j'ai eu un sentiment d'inutilité du management intermédiaire. D'un ramassis de trouillards et de yesmen.

Le second effet Kiss Cool, c'était l'entreprise en distantiel. Les employés en ont souffert. Mais ce sont les managers qui se retrouvent en porte-à-faux. Avec Teams, on peut désormais organiser facilement de très grandes réunions ; plus besoin de cascading. De plus, les gens vont à l'essentiel ; pas d’apartés pré-réunion. En conséquence, les réunions sont souvent plus courtes, de quoi libérer de la charge de travail. Or, le but d'une entreprise, c'est d'avoir des employés plutôt chargés. A fortiori avec les coûteux managers.
On semble s'orienter vers des organisations plus horizontales. L'avantage, c'est un information qui circule plus facilement. Après, cela veut dire que votre N+1 et votre N+2 ont doublé, voire triplé leur nombre de subordonnés directs. Plus questions de faire du service personnalisé...

lundi 23 août 2021

La fin du management Athénien ?

Une brève histoire du management. A Athènes, à l'origine, il y avait un polémarque. C'était grosso modo le ministre des armées de la cité. Lorsque la ville gagna en influence, on vit apparaitre des stratèges. A l'origine, c'était des délégués des tribus soumises à Athènes. Puis ils évoluèrent vers un rôle de chefs militaires. Ils dépendaient théoriquement du polémarque, en tant que représentant civil. Puis, l'armée athénienne grandit en nombre d'hoplites et se diversifia (lanciers, cavaliers, marins...) Athènes créa d'abord des taxiarques, pour gérer les différents corps et faire la liaison avec les stratèges. Les taxiarques eurent à leur tour trop d'hoplites sous leur responsabilité, d'où la création des syntagmatarques. Ensuite, on vit apparaitre des tamatarques et enfin, le lochagos. A ce moment-là, enfin, chaque officier, à chaque niveau, possédait un nombre acceptable de personnes à gérer.
Ce fut la base de la hiérarchie militaire. A la révolution industrielle, on calqua ce concept pyramidale dans l'entreprise.

Et c'est à peu près tout. Deux mille cinq cents ans après la Grèce antique, rien n'a bougé avec un conseil d'administration, des top managers, des managers intermédiaire et des chefs de service. Dès qu'un manager a plus d'une vingtaine de personnes sous sa responsabilité, on crée un rang intermédiaire.
Parfois, le chef d'équipe est un employé senior. Par exemple, un responsable commercial qui serait également en charge des grands comptes. Mais plus on monte et plus le rôle des managers se limite à escalader et à cascader. Durant les Trente Glorieuses, vous aviez de grands groupes, très diversifiés, avec de nombreuses implantations géographiques. Il fallait donc beaucoup de chef d'unités. J'ai travaillé dans l'un de ces grands groupes, qui s'était depuis restructuré, recentré, etc. Pourtant, le nombre d'échelons intermédiaires n'avait pas diminué.
Au fil de ma carrière, dans les entreprises où je suis passé, je reportais toujours plus haut. Les employés comme moi mettent les petits plats dans les grands à chaque entrevue (même téléphonique) avec les "gens hauts placés". Personnellement, à la sortie, j'avais surtout une impression de vide sidéral. A part leurs grands airs et les nombreux galons sur leur épaule, ils ne sont pas particulièrement brillants. Soit vous avez des micro-managers. Dans un compte-rendu de codir, vous aviez trois pages sur le réaménagement d'une salle de réunion (et c'était une petite salle pour dix personnes.) Soit, au contraire, ce sont des gens qui vivent dans une tour d'ivoire. Ils ne connaissent l'entreprise qu'à travers des Excel et des PPT. De 8h à 20h, six jours sur sept, ils ont le nez dans le guidon. Ils en sont devenus incapable de faire face à des problèmes pratiques.
Il faut bien comprendre que dans le management intermédiaire, la prise de décision n'est pas proscrite et encore moins encouragée ; elle est sanctionné. Celui qui sort du rang n'a que des coups à prendre. Si l'initiative fonctionne, il va effrayer son manager. Un rastignac est conscient de son incompétence. Un subordonné intelligent est un futur rival. Mieux vaut le nommer aussitôt manager de la filiale aux Kerguelen ! Si l'initiative est un échec, le manager sera un paria. Bientôt, on lui collera tous les maux de l'entreprise. Puis, tel le bouc de Kippour, aux temps antiques, il sera sacrifié et la vie reprendra son cours.

Avec les initiatives récentes, comme les ratios d'égalité et de diversité, on voit débarquer des personnes diplômées en sociologie. Au moins, elles ne feront de l'ombre à personne ! Le principal, c'est qu'elles savent cliquer sur le bouton "faire suivre" du mail...