mercredi 10 août 2022

Les pires bureaux : 3) en mode dégradé

Qu'est-ce qu'il peut y avoir de pire que de travailler dans une ruine ? Travailler dans une ruine, avec des bruits de perceuse !

L'enfer est pavé de bonnes intentions. Le groupe X décide de déménager telle activité. Le site A était vétuste. Le site B va être entièrement réaménagé.
Seulement voilà, les travaux dans un immeuble de bureaux, cela peut prendre des mois, voire des années. Cela signifierait que pendant tout ce temps le groupe X devrait payer des loyers pour les bâtiments A et B. C'est trop cher !
D'où l'idée mirobolante : transférer l'activité de A, au fur et à mesure, sur le site B. L'idée est simple : dès qu'une zone du site B est achevée, on y envoie tel service de A. Le planning de déménagement est gravé dans le marbre. Parce que c'est bien connu : dans le bâtiment, il n'y a jamais de retards, hein ?

Donc, vous voilà débarquant sur le site B. En fait, les travaux ont pris tellement de retard que dans votre zone, la réhabilitation n'a même pas débuté ! Donc, vous vous retrouvez dans une ruine. Puis les ouvriers débarquent. Ah, la joie des concertos de perceuse à percussion le matin... Vous laissez des papiers sur votre bureau ? Un ouvrier va tester si son marqueur marche dessus. Ou bien, pendant votre absence, un sac de plâtre s'est crevé là. Car les ouvriers, ils n'ont rien à fiche de votre service. Ils déposent matériel et matériaux là où ils peuvent.  Sans parler des pauses clopes, de la radio ou des conversations...
Puis il y a les électriciens, avec des fils dénudés et des câbles par terre. C'est dangereux ? Oui, mais en tant que prestataire, à qui allez-vous vous plaindre ?
Et la plomberie... Ah, la plomberie, avec le travail sur la fosse sceptique. Afin d'avoir de bonnes odeurs... Puis le mail : "Salut, du 3 au 14, l'eau sera coupée et les toilettes, inopérationnels." Bien sûr, en fait du "14", ça sera plutôt le "18". Mais ne vous inquiétez pas, vous en recevrez beaucoup, des mails : plus de climatisation (lorsqu'une vague de chaleur est prévue), plus de chauffage (en pleine vague de froid), etc. Mais le chef de projet "regrette le dérangement" et la "gène occasionnée".
Le chef de projet en question, il vous écrit depuis le bâtiment A. A sa première visite, il vous rassure : la situation n'est pas tolérable et il ne l'a tolère pas. Il ouvre une page où vous pouvez déposer vos griefs. Mais pas question de toucher au planning : le mois suivant, un autre service débarque à son tour dans une zone où les travaux n'ont pas débuté. En fait, le chef de projet est un yesman. Les plaintes sont dirigées vers son assistante, une stagiaire de 18 ans, qui se prend coups de fil d'insultes, sur coups de fil d'insultes.

Et évidemment, en cas de black out, pas question de rentrer chez vous ! Au mieux, on vous force à poser des jours de télétravail (déduits de votre compte mensuel.) Au pire, on vous impose carrément de poser un jour. Notez aussi que le droit de retrait n'existe pas dans le secteur privé. Oui, vous devez travailler dans un bureau sans clim', par 30°, avec un ouvrier qui s'acharne sur un mur. Sinon, c'est abandon de poste. Et par contre, votre N+1 a comme par hasard un long séminaire dans le site A... 

Le plus rageant, c'est que lorsqu'enfin, la zone est à peu près terminée, votre mission de prestation s'achève.

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