Après un ou deux licenciements, vous avez peur à chaque "face to face". Dès que votre N+1 veut vous prendre à part, dès que vous avez fait une connerie, vous vous dites : "Ca y est, c'est la fin. Il va me dégager."
Avec le temps, cela s'empire. Surtout si vous êtes prestataire.
Car les conditions de travail des prestas ne cessent de se dégrader. Auparavant, ce n'était déjà pas Byzance, mais ils ont réussi à faire pire ! Des cabinets de prestation encore plus miteux. Des commerciaux avec encore plus de turnover et encore moins d'empathie pour les consultants sous leur responsabilité. D'ailleurs, vous ne les rencontrez même plus ; vous ne les connaissez que de Teams. Des missions encore plus précaires, avec des contrats plus courts et moins de pénalités pour rupture anticipé. Et bien sûr, toujours moins de perspectives au-delà de la mission actuelle.
Avant, le commercial venait vous convoquait au siège. Ou bien, il se déplaçait jusqu'à l'entreprise où vous étiez en mission, pour une réunion avec votre responsable côté entreprise cliente. A l'approche de ce genre de rendez-vous, vous saviez vous préparer mentalement au pire.
Mais maintenant, il n'y a plus de filet. Un jour, votre N+1 (côté entreprise cliente) vous fait de grands sourires. L'après-midi même, votre responsable (côté cabinet) vous appelle : "Allo ? J'ai vu avec le client. Ta mission s'arrête. Ton responsable va reprendre ton badge. Puis tu passeras au siège pour nous rendre ton ordinateur et signer les papiers..." Parce qu'il n'y a plus de préavis ou de handover. Les deux licenciements ont lieu le même jour !
Evidemment, le licenciement n'est que la partie émergée de l'iceberg. On vous licencie car en coulisse, l'entreprise cliente a trouvé quelqu'un d'autres ou négocié votre rupture de contrat de prestation. Parfois pendant des semaines. Et entièrement à votre insu. Ce n'est même pas parce que vous faisiez mal votre travail.
Personne n'a envie d'être le dindon de la farce. Alors vous cherchez des signes avant-coureur. Vous devenez paranoïaque. Votre responsable est souvent en réunion ? C'est parce qu'il voit des candidats en entretien ! Vous avez reçu un courrier en recommandé ? C'est une lettre de licenciement ! Vos collègues sont soudainement distants ? C'est parce qu'ils savent que vous allez partir ! Votre charge de travail diminue ? C'est parce que vous allez partir prochainement, alors on ne vous confie plus rien ! Le commercial vous laisse un message où il vous dit de le rappeler ? C'est pour annoncer qu'il vous dégage !
Vous passez ainsi votre journée à vous faire peur. A voir de la mise au placard partout. Vous êtes constamment sur vos gardes. Le soir, vous êtes soulagé : ça ne sera pas aujourd'hui. A la longue, c'est usant pour vos nerfs. Le jour où la mission s'arrête, vous êtes presque détendu : l'épée de Damoclès a disparu. En attendant, vous vous impliquez peu dans votre mission. Après tout, à quoi bon s'attacher à un travail qui peut s'arrêter net ? A quoi bon sympathiser avec des gens qui vont comploter dans votre dos ? A quoi bon apprécier un site dont vous pourriez être chassé aujourd'hui même ?
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