mercredi 12 mars 2014

Réponse négative

Il y a plusieurs types de réponses négatives.

Il y a d'abord la réponse négative par défaut. Dans l'échelle de la déception, elle est en bas. Vous répondez à une annonce. Vous recevez ensuite un mail automatique du type "sans réponse sous 15 jours de notre part, vous pouvez considérer que votre candidature n'a pas été retenue". Les 15 jours sont passés, pas de réponse, donc candidature rejetée. Domo arigato mister roboto.

Vient ensuite le mail de premier niveau. Vous n'en étiez qu'à une approche préliminaire; ce n'était pas encore une "piste sérieuse". La réponse dactylographiée ("votre profil comporte des points intéressants (...) néanmoins, nous ne pouvons y donner une suite favorable") est énervante. Certains cabinets de consultants se contenteront d'un "nous recherchons actuellement une opportunité correspondant à votre profil". (NDLA : une tarte à la crème, vu que les cabinets recrutent pour des missions précises et qu'ils ont une "mémoire" de poisson rouge.) Pour autant, vous n'aviez pas encore placé beaucoup d'espoir dans ce job.

L'entretien s'est bien passé. A la fin, le recruteur vous a juré qu'il attendait une simple validation ; vous êtes qualifié pour un deuxième entretien et il va revenir vers vous pour fixer la date. Sauf qu'en guise de prise de rendez-vous, vous recevez une lettre dactylographiée.

Puis il y a la conversation de vive voix. Vous appelez pour prendre des nouvelles et le recruteur avoue que non, vous n'êtes pas retenu. Parfois, c'est lui qui vous appelle pour vous annoncer la mauvaise nouvelle (c'est très, très rare.) Vous pensiez que vous étiez bien placé et c'est une douche froide. Au moins, le recruteur a le courage de vous le dire au téléphone.

Le coup de poignard en plein cœur, c'est lors de la dernière ligne droite. Vous pensiez que vous auriez le job. Au téléphone, le recruteur vous jure "qu'il n'a pas encore pris de décision". Mais il ne vous a pas oublié, ne vous inquiétez pas! Puis un jour, vous recevez la lettre dactylographiée. Ce n'est même pas le recruteur qui vous a envoyé le mail ; juste un sous-stagiaire.
Le plus fort, c'était une fois, juste après avoir raccroché le téléphone (où le recruteur m'avait juré que j'étais toujours "en course"), j'ai allumé mon ordi et il y avait une réponse négative envoyée 2 heures plus tôt. Le recruteur avait pris sa décision, mais il n'avait même pas eu le cran de me l'avouer de vive voix !

mardi 11 mars 2014

Le blues du zappé

Quand vous êtes jeune, vous êtes motivé. Vous êtes encore bercé par les sornettes qu'on vous a appris à l'école : "Je sors de l'université machin, je suis un winner !" Vous pensez que ce n'est qu'une mauvaise passe. Après ce job merdique, vous trouverez enfin un CDI. Dans une boite potable. Avec un bon salaire. Et des possibilités de promotions.

Mais passé 30 ans et après plusieurs expériences infructueuses, vous devez vous rendre à l'évidence. Votre carrière est au point mort. Quand vous cherchez du travail, on vous écarte des bonnes opportunités, pour vous positionner sur des emplois correspondants à votre dernière mission. Votre vie professionnelle ne sera jamais meilleure. Vous êtes bon pour aller de jobs merdiques en jobs merdiques. De chefs incompétents en chef incompétents. De contrats précaires, en contrats précaires. De salaires ridicules, en salaires ridicules. Terminés, les rêves de lendemains qui chantent, d'emploi mirobolant et d'épanouissement ! La seule solution, c'est la rupture : changer radicalement de carrière. En tout cas, la voie où vous êtes, c'est une voie de garage.
Dans le monde réel, il n'y a pas que des gagnants. Ça n'a rien à voir avec vous. Vous êtes compétent et qualifié. Mais un plus malin que vous est passé devant. Et vous êtes désormais trop vieux pour revenir sur le pas de tir.

C'est ça, le blues du zappé. Se résigner à une vie médiocre, c'est dur. Ça l'est aussi pour votre entourage. Notamment vos parents : vous aurez une vie moins bonne qu'eux, alors que vous avez fait davantage d'études.

lundi 10 mars 2014

Les petits papiers

On l'a déjà évoqué, le quotidien du chômeur, c'est l'attente. Donc l'ennui.

Heureusement, quand le chômeur va à sa boite aux lettres, il a de fortes chances d'avoir du courrier. Enfin un peu de lecture ! En effet, Pole Emploi adore le courrier postal : relevé d’indemnités, convocation à un entretien, suivi de votre dossier, réprimande... En prime, tout est envoyé en deux exemplaires ! Seule la déclaration mensuelle peut se faire sur internet. Après chaque entretien, le conseiller imprime un compte-rendu (avec emploi recherché, méthodes de recherches et conseils de recherche -le fameux marché caché de l'emploi-.) Bien sûr, ensuite, le chômeur recevra un courrier (ou plutôt "deux courriers") le remerciant d'avoir assisté à un entretien... Parfois accompagné d'une autre missive reprochant au chômeur de ne pas s'être présenté à cet entretien (on reviendra une autre fois sur les erreurs de Pole Emploi.)

Le voilà avec des kilos de papiers, dactylographiés, sans aucun nom apparent et souvent couvert de chiffres divers (référence de dossier, numéro de formulaire, matricule d'agent, etc.) Le chômeur comprend alors où il est tombé. Pole Emploi n'aide pas du tout les chômeurs à retrouver un emploi. C'est juste une bureaucratie déshumanisée, sans aucune coordination interne, chargée d'enregistrer et de payer les chômeurs et surtout, de les faire sortir de la "catégorie A".
Et le chômeur d'avoir davantage l'impression d'être seul au monde.

jeudi 6 mars 2014

C'est qui Jean-Alain ?

J'ai travaillé dans une PME qui faisait parti d'un groupement de PME. Un contrôleur de gestion faisait en permanence la navette entre les entités. Comme il y avait de la place dans mon bureau, il y restait lorsqu'il visitait mon entreprise. Bien sûr, il me disait à peine bonjour et on ne nous a jamais présenté. Pensez-vous, un homme au contact quotidien de PDG ne va pas converser avec un gueux !

Une fois, après des mois de cohabitation, mon téléphone sonne : "Allo, pourrais-je parler à Jean-Alain? (NDLA : notez l'absence de "bonjour" ou de "s'il vous plait") - C'est qui Jean-Alain ? On a un "Jean", un "Alain", mais pas de Jean-Alain, ici !"
Le contrôleur de gestion me fait signe : " C'est moi, Jean-Alain !"

Depuis, chaque fois qu'il venait, c'était devenu une blague entre collègues : "C'est qui Jean-Alain ?" Je suis resté des années dans cette boite et je n'ai jamais su son rôle exact.

Like a boss !

Voici les différents types de PDG de PME (certains correspondent à plusieurs profils.)
  • Le prof. C'est le PDG de la vieille école. Le matin, il dit bonjour à tout le monde, mais c'est pour mieux voir ceux qui sont à l'heure. Il aime bien se glisser discrètement dans un bureau, afin de surprendre un employé en pleine activité extra-professionnelle. Lors des réunions, il faut se taire et le laisser parler. Au moins, ça bosse. Mais dés qu'il le dos tourné, ses employés font le mur.
  • Le père de famille. Un proche cousin du prof. Il aime bien connaitre les situations personnelles de chaque employé : mariage, divorce, naissance... En apparence, il est cool. Vous vous mariez ? Il vous file votre vendredi après-midi et votre lundi (sans vous les décomptez de vos congés) avec une prime exceptionnelle. Par contre, il n'hésitera pas à s'immiscer dans vos choix. Un enfant à 40 ans ? Vous êtes trop vieille, ma pauvre madame Duval !
  • L'Howard Hughes. Son bureau est excentré. Il s'y enferme matin et soir. Impossible de le rencontrer : son assistante fait barrage. Il est si rare que le simple fait de l'avoir croisé et lui avoir dit bonjour fait de vous le roi du bureau ! Il ne "descend" que lorsqu'il a un gros client ou qu'il prépare un plan social.
  • L'orateur. C'est l'anti-thèse de l'Howard Hughes : il adore parler en public. A chaque événement important, il grimpe sur la tribune et se fend d'un discours. Soit c'est un manager à l'américaine, qui souhaite "booster le belief" de ses employés à coups de slogans. Soit c'est un littéraire frustré (ses parents l'ont forcé à abandonner ses ambitions artistiques) qui parlera en alexandrins.
  • Le bordélique. Son bureau est un vrai foutoir. Il y a des papiers qui trainent partout. Vous lui demandez "vous avez lu mon mail ?" Mais vous connaissez la réponse. Le seul moyen de faire avancer un dossier est de squatter son bureau, pour qu'il le traite devant vous.
  • L'omniscient. Il veut tout traiter : gestion de la production, recrutement, facturation, politique commerciale... Il continue de gérer comme au temps où il n'y avait que 3 employés. Soit c'est un vrai génie, qui connait ses dossiers sur le bout des doigts. Soit c'est un bordélique, débordé par les dossiers en attente. Le problème est que personne ne prend de décisions sans son aval.
  • Ze ci-i-oh. Très vieux jeu, il sait à peine allumer son PC. Donner une connexion internet aux ordinateurs de bureau ? Mais le web est plein de pédo-nazis ! Heureusement, il a installé un firewall McAffee. En général, c'est le genre a être persuadé que oui, sa banque s'apprête à fermer son compte et à taper son code de carte bleue sur un site de phishing, pour le rétablir...
  • Le SDF. La première fois que vous l'avez vu, vous vous êtes dit : "Ce gars-là est tellement à la rue qu'il s'est assis dans le bureau du PDG sans s'en rendre compte !" Et en fait, non, c'est bel et bien lui le PDG ! Il semble s'habiller dans les friperies, sa voiture est millionnaire en kilomètre et son bureau est rongé par les mites. Ce n'est pas à lui qu'il faut demander une augmentation...
  • Le snob.Il roule en Maserati, porte un costume de créateur et vient de faire refaire son bureau dans un style design. Une augmentation ? Mais je suis sur la corde raide !
  • Le djeuns. On se tutoie ? Pas de costume, pas de "monsieur". C'est le PDG façon start-up, tout le temps en jeans-basket, qui appelle ses employés par leur prénom. Et après le boulot, il organise un apéro dinatoire. Faux cool, il a du mal à comprendre que son intérêt n'est pas forcément celui de ses employés. Et s'il aime bien les vannes gentillettes, il n'apprécie pas les critiques plus construites sur son travail...
  • L'ex. C'est lui le fondateur de l'entreprise. Il l'a revendue ou l'a transmise à ses enfants il y a quelques années. Il n'a plus aucun rôle actif, pourtant, il continue de venir régulièrement. Il passe dire bonjour aux "anciens" de la boite. C'est un retraité qui s'ennuie visiblement.

mardi 4 mars 2014

Les chiffres du chômage sont faux !

Là, c'est de l'enfonçage de porte ouverte. Tous les livres, les blogs, les rapports, etc. dénoncent une sous-estimation des chiffres du chômage. Donc, c'est juste une piqure de rappel.

Pole Emploi classe les chômeurs en catégories. Les seuls pris en compte dans le "chiffre du chômage", c'est la catégorie A. C'est à dire les personnes inscrites à Pole Emploi, qui cherchent un emploi à temps plein et qui n'ont eu aucune activité le mois précédent.
L'air de rien, c'est très restrictif. Les gouvernements successifs ont eu à cœur de rajouter des astérisques, afin de minimiser les chiffres. Dans les agences Pole Emploi, c'est aussi un travail de jonglage : il faut sortir un maximum d'inscrits de cette catégorie A. Vous êtes en fin de droits ? Vous n'allez plus toucher d’indemnités, alors ça ne sert à rien que vous soyez toujours inscrit ! Hop, et de un ! Vous étiez gérant d'entreprise, vous avez démissionné de votre précédent poste ou vous n'avez jamais travaillé ? Vous n'avez pas droit à une indemnisation, donc ça ne sert à rien de vous inscrire ! Et de deux ! Vous cherchez un emploi dans la propreté, la restauration ou la sécurité ? Ce sont des emplois à temps partiel. Donc vous n'êtes pas un "catégorie A" ! Et de trois ! Vous êtes chômeur de longue durée ? Ca vous dirait, une formation bidon de vendeur de téléphones portables ? Elle dure deux jours ; juste assez pour être considérée comme une "activité". Et de quatre ! Votre attestation mensuelle est mal remplie ? On vous radie le temps de rectifier l'erreur ! Et de cinq !

En comptant les différentes catégories de chômeurs, le chiffre double quasiment. Et encore, Pole Emploi ne prend pas en compte ceux qui ne sont pas ou plus inscrits. Quant à ceux qui ont un job bidon et sont en "recherche active" d'emploi, ils ne sont bien sûr dans aucune statistique.

lundi 3 mars 2014

Souffrance invisible

Lorsqu'on évoque le stress chez les adultes, on traite exclusivement celui des employés. On imagine le travailleur surmené, aux journées interminables, aux objectifs intenables, qui finit par craquer. Concernant les chômeurs, seuls les cas de désociabilisation sont évoqués. De temps en temps, un chômeur à bout agresse un employé de Pole Emploi. Aux Etats-Unis, il préfère prendre un fusil et lancer une expédition punitive chez son ex-employeur. Mais en dehors de ces cas extrêmes, point de salue.

Après tout, le chômeur ne travaille pas. Donc, pas de stress lié au surmenage. Et s'il dort mal, il peut faire une sieste, non? Donc pas de stress du chômeur. Fin de la discussion.

On oublie trop souvent qu'un licenciement est un traumatisme. Le chômeur se voit comme coupable de son état. En plus, maintenant, il est une "anomalie" ; un "actif", par définition, ça travaille ! Et ça ne sont pas des entretiens où on le traite comme une sous-merde, qui lui remonteront le moral ! Le chômage est aussi souvent synonyme d'isolement vis-à-vis de ses amis, voir de son conjoint. Beaucoup de chômage aboutissent à un divorce. Lorsque le chômage dure, il y a des problèmes financiers. Or, dans une société de consommation, celui qui ne consomme pas est marginalisé. S'y ajoute le doute : vais-je retrouver un emploi ? Vais-je retrouver une place dans la société ? Il avait le confort d'un emploi stable. Le voici à vivre au jour le jour. Impossible de savoir s'il retrouvera un emploi dans une semaine ou dans trois mois. Il est sur une pente glissante.
Cette souffrance est d'autant plus invisible que le chômeur est isolé. Il n'a pas de collègues ou de responsables pour constater qu'il est à bout. Son entourage lui dit souvent : "Arrête de pleurnicher et trouve un job !" Pole Emploi n'est pas là pour écouter les gens. Les psychiatres ? Ils lui répondent de repasser quand il sera SDF !