jeudi 2 février 2023

The man who wasn't there

J'ai posé un congé d'une journée. Rien d'exceptionnel. J'avais prévenu et remplit une demande en bonne et due forme. Par contre, j'ai oublié de décliner les réunions de la journée, dont un face-to-face.
Personne n'a remarqué mon absence. D'ailleurs, sur plusieurs compte-rendus j'étais noté parmi les "présent". Quant au face-to-face, mon interlocuteur s'est excusé de ne pas pouvoir y assister !

Dans le temps, c'était simple : vous deviez être présent, du lundi 8h au vendredi, à 17h. C'était manichéen : on était présent ou absent. Toute personne qui n'était pas physiquement à son bureau devait se justifier. Bien sûr, cela avait un côté pervers. C'était le temps du manager-pion, qui regardait par dessus votre épaule et des employés faisant semblant de travailler.
Avec les 35h, il y a eu "l'aménagement du temps de travail". Les gens qui s'absentaient un mercredi sur deux, les RTT, les horaires décalés... On passait d'horaires fixes à une obligation d'être présent physiquement dans l'entreprise pendant x heures par an.
 

Maintenant, on passe à une nouvelle étape : la déconstruction du temps de travail. Une transformation d'autant plus sournoise qu'elle fait l'objet d'aucune négociation nationale ; il n'y a que des lignes directrices et des garde-fous qui sont autant de vœux pieux.
Qu'est-ce que la présence, en 2023 ? Certaines entreprises autorisent 3, 4, voire 5 jours de télétravail. Vous croisez à peine vos collègues, au point où des "coffee" sous Teams remplacent la machine à café. Dans d'autres entreprises, il n'y a plus de bureaux dédiés par service. Les jours de présentiels, les employés s'installent où ils peuvent.
Surtout, les notions de "congés" ou "d'arrêts maladie" deviennent floues. Le covid a créé cette zone grise de "potentiellement contaminant pour ses collègues, mais en capacité de travailler". Grippe, angines, gastroentérites sont désormais synonymes de télétravail. En théorie, pour le télétravail, l’assurance ne vous couvre que si vous êtes chez vous. D'ailleurs, vous pouvez exiger de votre employeur à ce qu'il vous fournisse le matériel nécessaire (écran supplémentaire, casque audio...) à l’exécution de votre travail. En pratique, on tolère à ce qu'un employé soit où il veut, tant que le travail est fait. Lors des voyages avec quarantaine obligatoire, on autorisait le salarié à effectuer un télétravail durant la quarantaine et à ne prendre sur ses jours de congés qu'ensuite.
Au quotidien, vous avez souvent Outlook et Teams sur votre smartphone pro. Vous pouvez donc réagir rapidement, même hors des heures habituelles. Or, en entreprise, on glisse vite de "pouvez" à "devez"...

Le monde du tertiaire devient donc un monde virtuel. Dans les cas extrêmes, vous n'avez jamais vu vos collègues ou votre manager "irl". Les gens ne sont plus que des avatars avec des pastilles vertes, rouges, jaunes... Et plus rarement, blanches. Quel que soit le jour et l'heure, vous n'êtes jamais très loin de votre "bureau".
Ce monde-là ne donne pas beaucoup de droits aux salariés, mais pas beaucoup de devoirs non plus. Cela explique le fort turnover actuel. Néanmoins, ce n'est pas grave, on s'habitue à voir disparaitre des avatars et à en voir apparaitre de nouveau. L'entreprise devient un "lobby" de jeu en-ligne...

vendredi 20 janvier 2023

Retraite virtuelle

C'est un marronnier. Après chaque présidentielle, il faut "réformer la retraite". Autrement dit, allonger la durée du temps de travail et diminuer de facto les pensions, avec un calcul plus sévère.

Dire que lorsque j'ai commencé, les plus de 55 ans commençaient à préparer leur retraite ! D'ailleurs, à la moindre bourrasque, les entreprises les mettaient en pré-retraite... 

L'argument des libéraux, c'est que l'on vit plus longtemps et mieux. 65 ans, c'était l'âge de François Mitterrand lors de son élection, en 1981. Il avait alors l'apparence d'un vieillard. Aujourd'hui, on est encore plein de vie, à 65 ans ! Germinal, c'est fini ! Ce n'est pas en remplissant des tableurs Excel que vous allez attraper des douleurs ou des maladies.
A droite, on dira que la caisse de retraites des employés et cadres Français est bénéficiaire. Mais on lui demande de financer les retraites des fonctionnaires et des immigrés, qui sont déficitaires.
A gauche, on souhaite laisser du temps au temps. Les baby-boomers vont bientôt trépasser et il y aura alors moins de retraités, pour un nombre constant d'actifs. Donc le système reviendra à l'équilibre.
Chacun se fera sa religion.

Pour le zappé, le mot "retraite" est un concept abstrait. Au même titre que "promotion", "plan de carrière", "congés", "médaille du travail", "CE", etc. L'horizon du précaire, c'est la fin de son contrat ou de sa mission. Et même s'il est en CDI, il sait qu'il retournera tôt ou tard à Pôle Emploi. Alors se projeter dans vingt ans...
Et lorsque l'on dézoome, on a vite le vertige. Pour ma part, un quart de siècle de carrière, mais seulement sept années d'emplois à temps complet. Puis, il y une petite demi-douzaines d'années employé au moins 50% du temps, avec parfois un trimestre complet dans l'année. Mais les dix autres années, je travaillait de manière très sporadique, avec moins de 10 000€ récoltés dans l'année. Sachant que votre pension de retraite se base sur une moyenne de vos vingt meilleurs années...

Idéalement, il faudrait qu'aujourd'hui, je décroche un CDI bien payé, qui m’emmène jusqu'au bout. Soit exactement vingt ans.
Ça pourrait marcher en théorie. Sauf que personne ne veut d'employés grisonnants. En cas de PSE dans un grand groupe, les employés, cadres et managers de base de plus de quarante ans se font dégager. Plus vous vieillissez, plus les portes se ferment. Cela devient un parcours du combattant. A cinquante ans, le bout du monde, c'est de rebondir comme cadre dans une PME, avec un salaire divisé par deux. Et qui veut recruter un sexagénaire ? Il a souvent déjà un pépin de santé. Sa productivité est déclinante et il a du mal à s'adapter. Ce n'est pas à 60 ans que vous allez vous mettre à l'anglais ou à l'informatique ! En plus, à quoi bon former un employé qui va bientôt partir en retraite ? Alors les sexagénaires se contentent de missions de conseils ou de prestations. Dans ma dernière boite, on se moquait d'un formateur qui avait sucré les fraises pendant deux jours. Un collègue l'avait vu ensuite, perdu dans la métro : il ne savait plus ni où il était, ni où il allait. Tout le monde n'aura pas la vivacité de Bertrand Piccard, à 65 ans, hélas...

Et encore, ça, c'est l'hypothèse haute. La Génération Y l'a bien compris. La prochaine étape, ce sera la disparition du CDI, au nom de la flexibilité. Il n'y aura plus d'employés ou de prestataires, juste des auto-entrepreneurs. Votre travail, quel qu'il soit, vous l’effectuerez à distance et vous facturerez des gens que vous n'avez jamais vu. Oui, tant qu'à faire, vous pourrez bosser depuis une plage Espagnole. Mais il faut plutôt voir que vous serez ouvert 24h/24. Pas question de dire à votre client : "Je ne peux pas le faire maintenant..."
Or, lorsque vous êtes auto-entrepreneur, voire "patron" d'une SASU ou d'une EURL, vous ne cotisez pas pour votre retraite. On va donc voir se développer des produits bancaires de retraite complémentaire. De même que pour les salariés, les mutuelles d'entreprises prennent le pas sur la sécurité sociale et assurent l'essentiel des remboursements. Demain, donc, il y aura des retraites par capitalisation, qui prendront le pas sur des pensions versées par l'état devenues ridicules. Les smicards auront droit à un minimum vieillesse. Les cadres supérieures vivront très bien, grâce à des complémentaires déplafonnées. Et au milieu, il y aura vous, qui toucherez à peine plus que le minimum.

mercredi 21 décembre 2022

Le blues des Marcheurs

En juin dernier, 114 députés de LaREM/Renaissance quittaient définitivement l'Assemblé Nationale. 6 mois plus tard, 60 d'entre-eux n'ont toujours pas retrouvé de travail. L'enquête de BFM TV est consternante. Bienvenue dans la vie réelle !

Ils se plaignent ainsi :
- D'un réseau professionnel inefficace
- De réponses à des offres où il y a déjà des dizaines de candidats
- Les DRH les recalent, parce qu'ils ont un profil atypique
- De journées sans rien à faire, à attendre que le téléphone ne sonne . Avec un sentiment d'inutilité
- Les 4271€ (!) d'indemnité ne seront pas versés ad vitam æternam. D'où le risque de devoir ensuite accepter des petits boulots, sans rapport avec leurs qualifications.

Conclusion :
1) Les Marcheurs subissent les problèmes que les cadres au chômage connaissent bien. Pas plus, pas moins
2) Ces députés sont tellement déconnectés de réalités, hier comme aujourd'hui, qu'ils n'ont pas conscience de la banalité de leur statut
3) Ces gens donnaient volontiers des leçons aux chômeurs, les traitant de fainéants, de profiteurs, d'idiots... On se rappelle le fameux "vous n'avez qu'à traverser la rue". Mais une fois dans la mouise, ils ne sont pas plus malins que les autres. Et en plus, il faudrait les plaindre...

samedi 10 décembre 2022

Escalade², problème²

"Il faut escalader !" C'est une phrase que l'on entend souvent en entreprise. Mais ce n'est pas forcément une bonne chose...

La vie classique d'une entreprise est faite de conflits avec d'autres entreprises. Des factures impayés qui s'accumulent, une livraison incomplète ou d'un produit défectueux, un service qui n'est pas effectué dans les temps... Ce sont des petits tracas du quotidien.

Moi, je suis de la vieille école. Celle où un cadre devait résoudre lui-même ses problèmes. C'était cette esprit d'initiative qui distinguait le cadre du vulgum pecus. Dire "M'sieur, m'sieur, il m'embête", c'était un aveux d'échec. Pourtant, j'ai l'impression que les procédures d'escalade se multiplient et se systématisent. Avec quatre symptômes :
1) La raison principale, c'est la culture du consensus. Le conflit est interdit. Cela donne des employés qui ne savent plus hausser le ton à bon escient. Voire parfois, qui sont surpris de découvrir qu'il existe des pierres d’achoppement. Donc ils tirent le signal d'alarme.
2) La variante du 1), c'est le "je vous l'avais bien dit". Un employé ayant un peu d'expérience sent d'emblée qu'une situation peut déraper. Mais parfois, les actions préventives sont difficile à mettre en place. Notamment l'employé, même senior, possède souvent peu de marge de manœuvre. Donc, il voit lentement mais sûrement le mur arriver et une fois dans le mur, il peut enfin bénéficier d'un soutien.
3) Sur les cas récurrents, les causes du conflit sont plus profondes. Il faudrait mettre en place une vraie équipe projet. Par exemple : un contrôle de sortie plus poussé, afin d'éviter les erreurs d'expédition. Mais la volonté n'est pas là. Alors l'employé doit éteindre un feu de forêt avec un jet d'eau.
4) La variante du 1) et du 3), c'est que l'employé est sous-dimensionné pour son poste (junior, quota...) C'est pour cela qu'il lève la main en permanence. Parfois, c'est même lui qui envenime un conflit a priori bénin.

Après, le N+1 n'est pas Superman ! Souvent, il ne sait pas davantage hausser le ton et il n'a pas de marges de manœuvre. L'arme du manager, c'est d'impressionner et de sonner la fin de la récré. Pour autant, s'il est sollicité au moindre accroc, la partie adverse s'inquiétera à peine, lorsqu'elle recevra un mail de lui.
Donc, on fait alors appel au N+2, voire au N+3. Du coup, certaines personnes s'impliquent dans l'affaire, au cas où il y ait quelque chose à en tirer. Pour peu que d'autres services interviennent, cela donne volontiers une usine à gaz, comme un mail avec dix personnes en copie ou des comités juste pour préparer un call... La conséquence, c'est une certaine pesanteur, vu que désormais, il faut que le N+3 valide chaque communication avec l'autre entreprise. Et des couacs, car parmi les nombreuses personnes en copie, il y a toujours des francs-tireurs.
Et je suis d'autant plus critique envers les processus d'escalade que plus vous montez haut, moins vous obtenez de résultat. Le N+3 n'est pas là pour s'occuper du day-to-day. Soit il bloque tout, car faute de connaissance du sujet, ses demandes sont inacceptables. Soit il trouve un soi-disant compromis avec son homologue, qui correspond peu ou prou aux exigences initiales de l'autre entreprise (et généralement, c'est l'un puis l'autre.)

mercredi 16 novembre 2022

Consultant démotivé


C'est une variante du blues du zappé : vous avez un travail, mais vous savez que c'est une impasse, parce que vous êtes prestataire.

Dans vos premières missions de prestations, vous étiez mo-ti-vé ! Chez le client, vos collègues étaient presque tous d'anciens prestas. Donc, vous aussi, vous aviez votre chance, si vous étiez travailleur. Vous vous impliquez chez le client (et futur employeur, non ?), au-delà de votre périmètre. Au pire, pas de problème : le cabinet de consultants avait ses entrés chez plein de grands groupes. D'ailleurs, là, vous êtiez un peu surdimensionné pour cette mission. Mais ce devait être le début d'une grande aventure...

Qu'est-ce que vous étiez naïf !

Maintenant, vous avez l'impression de vivre toujours la même histoire. Le cabinet de consultant dont vous n'aviez jamais entendu parler. Le commercial au sourire carnassier, qui sera parti dans deux mois. La mission qu'on vous avait survendu. Vous savez bien qu'ils ne vous embaucheront jamais. D'abord, vous êtes trop vieux. Et depuis peu, le problème, c'est que vous êtes trop blanc. Sans oublier les situations où les embauches sont gelées (PSE, fusion/acquisition, déménagement...) La question n'est pas de savoir si la prestation va mal se finir, mais quand...
Au mieux, vous serez prolongé d'un, deux, voire trois mois. Si vous dépassez les six mois, ça vous ouvrira de nouveaux droits à Pole Emploi. Le miracle, ça serait de dépasser la période d'essai. Là, ça serait rupture conventionnelle, avec préavis et compensation. D'ailleurs, les cabinets de conseil font tout pour que ça n'arrive pas (prolongation de la période d'essai, comptage des congés et du chômage partiel...) Une fois la période d'essai finie, n'hésitez pas à demander une attestation...
Le pire scénario, c'est la mission qui s'arrête au bout de quelques semaines. Là, c'est le licenciement express. Vous êtes viré, vous ne repassez pas par la case départ, vous ne touchez pas d’indemnités.

Alors vous vous habitués à naviguer à vue. Vous écoutez à peine le commercial. Vous vous impliquez (et vous vous appliquez) à peine chez le client. Vous voyez défiler les gens et vous ne retenez ni les visages, ni les prénoms. Au point où vous appelez un collègue du nom d'une personne croisée dans une ancienne mission. Au point où vous envoyez votre demande de congé à la RH d'un cabinet où vous étiez précédemment.
Vous n'avez non plus rien à fiche de tel petit chef infect : de toute façon, dans n mois, il ne sera plus qu'un souvenir. Un surcroit temporaire d'activité ? Vous l'avalez, car ensuite, lorsque vous serez au chômage, vous aurez tout le temps de vous reposer...
Paradoxalement, ce côté complètement dépassionné et complètement blasé peut plaire au client. Au moins, vous faites ce qu'on vous dit de faire, sans jamais vous plaindre. Et ça vous vaudra une prolongation de mission !

samedi 12 novembre 2022

Vous êtes doublement viré !

Qu'est-ce qu'il y a pire que de se faire virer ? Une fin de mission de consulting !

Normalement, en tant que consultant, vous devriez avoir des points réguliers avec votre chef (côté client) et le commercial qui vous suit (côté consulting.)
En pratique, il y a un point en début de mission, puis plus rien. Le deuxième point est annulé, car le commercial est trop occupé. Le troisième se limite à un coup de téléphone : "Salut, tout se passe bien ? - Oui. - OK, au revoir." Peu après, un mail vous apprend que "votre" commercial a quitté l'entreprise. Un second débarque. Un point est planifié avec votre chef et vous. Ça y est, enfin du suivi ! Vous allez pouvoir vider votre sac !
Sauf que le jour J, à peine assis, le commercial et le responsable se regardent d'un air entendu : "Donc, on s'est mis d'accord. On arrête la mission."
Au moins, ils n'ont pas tourné autour du pot. Votre N+1 (côté client), il vous a toujours considéré comme un appui provisoire ; il a donc moins de scrupules à vous dégager qu'un interne. Quant au commercial, lui, il ne vous a jamais vu. Toutes les semaines, il a des missions de prestations qui débutent, qui s'achèvent... Il ne fait donc pas plus de sentiments que ça.
Vous, de votre côté, c'est un coup de massue. En plus, il n'y a pas de préavis pour une fin de mission. Une fois, on m'a carrément dit de laisser sur-le-champ mon badge et mon ordi, puis de rentrer chez moi ! 9 fois sur 10, vous êtes encore en période d'essai. Les boites de consulting savent bien qu'une mission dure en moyenne 6 mois. Donc, en prolongeant la période d'essai (4+4 mois chez les cadres), vous êtes sûr que le consultant n'aura pas fini son essai. Donc ça sera le deuxième dernier jour... Au mieux, si votre essai est terminé et que le commercial a vraiment d'autres missions à vous proposer, vous vous sentez trahi. Vous pensiez faire parti de l'équipe et le responsable vous parlait franchement. Non, il a comploté dans votre dos, avec le commercial.

lundi 7 novembre 2022

You're... Fired !

Ce blog existe depuis 8 ans. J'ai évoqué le préavis de départ et le dernier jour, mais curieusement, jamais l'entretien de licenciement.

Les entreprises ne licencient quasiment plus des gens en poste. Le licenciement pour faute est assez bancal. Au pire, on préfère une rupture conventionnelle. Ceux que l'on vire, par contre, ce sont les précaires : intérimaires, CDD, prestataires, personne en période d'essai...

Imaginez la scène. Vous arrivez le matin, comme si de rien n'était. Ce n'est pas le meilleur boulot du monde, mais c'est un boulot ! Vous étiez content d'avoir remis le pied à l'étrier. Ça va mieux, financièrement. Vous osez même faire des projets à moyen terme, comme de planifier vos premières vraies vacances estivales, depuis longtemps. Bien sûr, vous n'êtes pas le meilleur employé du monde. Mais il y a pire...
La journée est banale. Telle commande est en retard. Il y a des frites à la cantine. Les nouveaux porte-clefs de la boite sont arrivés.

Puis c'est l'entretien avec votre N+1.  En général, il commence par tourner autour du pot : "X, vous êtes quelqu'un qui a du talent, mais..." Vous prenez des notes, mentalement : "Pas assez rapide ? OK, je vais m'améliorer." Puis vous remarquez qu'il parle de vous au passé. Intérieurement, vous niez l'évidence, même si vous aviez déjà connu ça, ailleurs : "Non, c'est juste un recadrage. Je suis un de leurs meilleurs éléments..."
C'est là qu'il ressort la grosse boulette que vous aviez fait. Une vraie banderille. Vous êtes désormais à terre.
C'est à cet instant qu'il vous achève : "...Donc, nous avons décidé d'arrêter là notre collaboration." Le ton est rarement agressif. Votre N+1 avait déjà fait le deuil de vous. La décision est prise, vous aurez beau ramper, votre chef ne reviendra pas dessus. D'ailleurs, s'il vous vire, c'est souvent qu'il déconsidérait votre travail.
Il vous fait signer le compte-rendu de l'entretien disciplinaire, comme si c'était un vulgaire papier. Certains vous demandent d'ailleurs de quitter le bureau immédiatement : "Va pleurer ailleurs, j'ai du boulot !" D'autres, faussement empathiques, enfilent les lieux communs : "Ce n'est qu'une épreuve, tu vas rebondir. Ailleurs."

Votre monde s'effondre. Cette routine qui s'était mise en place, au boulot. Les projets. Tout est fini. Et surtout, c'est un retour à la case chômage. Vous êtes à la fois triste et en colère. Votre journée défile. Tout vous semble si futile, avec le recul...

A la longue, vous guettez des signes : un dialogue rompu avec votre N+1, un nouveau-venu qui reprend tout votre travail ou tout simplement, un "face to face" complètement inhabituel... Dans une entreprise, deux des mes collègues venaient de se faire licencier. L'un le lundi, l'autre, le mardi. Donc, lorsqu'on m'a convoqué, le mercredi... Il m'est même arrivé d'aller à un entretien, persuadé d'y être viré, alors que ce n'était qu'un point normal ! Et à l'opposé, une fois, j'étais convoqué en fin de journée, le dernier jour de mon CDD. Mes collègues avait signé un CDI. Et moi, on m'a dit de laisser là mon badge, puis de partir sur-le-champ !