vendredi 13 novembre 2020

Dernier jour


J'ai fait allusion au premier jour en entreprise. Je n'avais pas parlé du dernier jour. J'en ai connu pas mal, des derniers jours en entreprise... Souvent, cela tombait en milieu de semaine. 

Pour tous vos collègues, c'est un jour comme un autre. Mais vous, c'est la dernière fois que vous venez ici.
Normalement, vous avez déjà confié vos dossiers à d'autres. Vous avez peu de mails ; peu de coups de téléphone. Vous êtes condamné à errer à la machine à café. Peut-être que vous devez assister à une réunion. Cela vous semble alors très abstrait, ces affaires en cours, ces actions à gérer. Peut-être qu'un gradé vous dira : "Vous pouvez traiter ceci ? - Euh... Non, je vais partir... - Quand ? - Ce soir. - Ah, au revoir." Avec le Covid, en plus, la moitié du service est absente. Notamment les collègues qui vous avaient promis un resto pour votre départ. Justement, les collègues sont bizarres. Souvent, ceux avec qui vous aviez sympathisé sont distants. Ils ont déjà tourné la page. D'autres se montrent étonnement proches. On vous a viré à cause de X et X, ils le connaissent bien : il en a déjà fait licencier plus d'un... Vous avez les angoissés du "tu as d'autres pistes ?" Ça y est, on vous réduit déjà à un chercheur d'emploi. Il faudra vous y habituer...
L'heure H approche. Finalement, la journée est passée plutôt vite. Ben quoi, vous n'avez pas le droit à un pot de départ ? Non, rien. Les pots de départ, les cadeaux, c'est pour les autres. Vous laissez un mot d'adieu, puis c'est le moment de laisser votre badge et votre ordinateur. Votre futur ex-chef vous invite pour un ultime mot. Vous auriez envie de lui dire que c'est une peau de vache, qu'il vous a bien eu, qu'en fait, personne ne l'aime. Mais rien ne sort de votre bouche ; vous être trop poli.
Et vous voilà dehors, comme d'habitude. Sauf que cette fois-ci, vous ne reviendrez pas demain. Vous n'êtes plus employé, vous êtes chômeur. Pour votre entreprise, c'est comme si vous n'aviez jamais été là. Un autre prendra votre bureau, votre téléphone et votre ordinateur. C'est fini.

jeudi 12 novembre 2020

Pas très protocolaire


La vie en entreprise, en ces temps de Covid, ça n'est pas terrible. Et j'y reviendrais. Mais il y a pire : vous pourriez être précaire !

Le Covid, c'est le genre d'instant où l'on a un besoin irrésistible de sécurité, que l'équipe soit plus soudée que jamais... Sauf qu'au contraire, les précaires sont livrés à eux-mêmes et leur mince filet de sécurité disparait.
Les entreprises profitent des confinements pour dégraisser discrètement. Il suffit de ne pas renouveler les contrats des prestataires et des intérimaires. C'est l'occasion de faire jouer le cas de "force majeure". Aux prestataires conservés, la mission est "temporairement suspendus". Dans les boites de prestation, on prolonge d'autant les périodes d'essai. Allez chercher de la motivation après 10 mois d'essai... Pour les personnes en portage, le chômage partiel n'existe pas : vous êtes au chômage tout court !

Une fois de retour, les clients peuvent considérer que les masques font parti du "délit de marchandage". Charge à vous de vous débrouiller pour en trouver... Et bien sûr, interdiction de venir sur le site démasqué. En mai, certaines entreprises ont mis des semaines à fournir des masques à leur consultants. J'ai ainsi vu des prestataires laver et relaver leurs masques chirurgicaux, au mépris de leur utilisation.
Le télétravail ? Ce coup-ci, l'état l'a juste "conseillé" aux entreprises. Charge aux représentants du personnel de pousser leurs poins... Et les prestataires ? En théorie, leurs boites sont là pour les défendre. En pratique, le marché est morose. Les entreprises sont bien contentes d'avoir encore des clients. Quant à se mettre en porte-à-faux pour défendre un prestataire... J'ai connu un chef de service qui considérait que le télétravail, c'était la fête du slip... Car lui-même aimait prendre la clef des champs durant ses jours de télétravail... Donc, il voulait que les prestataires restent 5 jours sur 5 au bureau. Tant pis pour la distanciation. Seuls les plus méritants ont droit à UN jour de télétravail.

En règle générale, tout le monde oublie que s'il y a des règles et des protocoles sanitaires, c'est parce qu'il y a un risque sanitaire. Et que donc, on met inutilement les prestataires présents en danger.

lundi 17 août 2015

Jalousie "sociale"

Le chômeur est, par définition, quelqu'un de jaloux. Il passe ses journées à gamberger. En général, il sort peu et en journée. Il lui arrive néanmoins de croiser des gens en costard-cravate. Il s'imagine qu'ils ont un emploi, un salaire, des responsabilités, un statu social. Que lorsqu'ils rentrent chez eux, ils ont des projets d'acheter une maison ou de partir en vacances. Alors que lui, lorsqu'il rentre, c'est avec de vagues espoirs d'entretiens et les factures qui s'accumulent...


Grâce aux nouvelles technologies, la jalousie monte d'un cran. Le chômeur tue désormais son ennui sur Facebook ou Twitter. Lui, il n'a pas grand chose à raconter. Par contre, il peut consulter la vie rêvée de ses contacts. Des soirées incroyables en présence de "pipoles", des dîners somptueux et l'été, des vacances au bout du monde... En juillet et en août, il n'y a quasiment pas d'offres d'emploi. Et bien sûr, pas d'entretien. Donc les journées sont encore plus longues. Et le chômeur de les passer en regardant les vacances de ses "amis". Sur les réseaux sociaux, on ne montre que ses meilleurs moments. Et chaque journée à la plage, chaque photo d'hôtel cinq étoiles, chaque vidéo de balade en jet-ski lui renvoie un peu plus à sa condition de chômeur. Les autres s'amusent et lui, il est seul. Et fauché. Et comme il n'a rien d'autres à faire, il y retourne. Quitte à se sentir de plus en plus minable.

mardi 28 avril 2015

Money, money, money, must be funny... In a rich man's world

Le salaire, c'est le nerf de la guerre. Trop de patrons et de DRH sous-estiment son importance. Au quotidien, on sait bien que le moins cher est rarement le mieux. Un prix trop bas est même suspect. Mais les employeurs ont tendance à préférer le moins-disant.


De nombreux patrons de PME voient les employés comme des coûts et non comme des investissements. On entend rarement dire : "On veut un expert, quitte à mettre le prix." Mais plutôt : "Je suis sûr qu'on peut en trouver un meilleur qui demandera moins."
Lorsque le patron est le fondateur, la situation devient explosive. "J'ai sué sang et haut pour monter sa boite. Lui, il a juste déposé un CV. De quel droit ose-t-il demander une augmentation ?" Ca peut aller jusqu'au : "Qui est-il pour critiquer ma façon de payer les gens ? Il a monté la boite ? Je vais le virer sur-le-champ !"


Globalement, le "si t'es pas content, t'as qu'à aller voir ailleurs si c'est mieux" est la tendance. Consciemment ou inconsciemment, les entreprises privilégient les juniors. Mais à l'instar du gout pour les yesmen, cette politique est un poison sur la durée.
Car en face, les employés sont conscients du marché. Au "la porte est ouverte" répond le "au prix où je suis payé, je ne vais pas me décarcasser." Les plus hardis (donc les forces vives de l'entreprise) n'hésiteront pas à tenter l'aventure de la recherche d'emploi. Quitte à planter leur employeur du jour au lendemain. Les seuls qui restent, ce sont les ectoplasmes qui veulent pantoufler. A moyen terme, c'est donc une stratégie nuisible.

lundi 27 avril 2015

Conceptions du travail

Deux conceptions du travail s'affrontent. Chacune se veut dogmatique et porterait l'ultime clef pour résorber le chômage.

La vision plutôt à gauche, c'est que le travail est une contrainte. C'est un mal nécessaire de nos sociétés modernes : on travaille pour faire bouillir la marmite. Une contrainte subie, que l'on effectue sans joie. Du coup, la productivité est en berne : on en fait le minimum en attendant la cloche.
La solution, c'est de travailler moins. Plus de temps libre, donc plus d'épanouissement. Ainsi, d'une part, les salariés sont davantage motivés. Donc, ils travaillent mieux. En plus, si vous baissez la charge de travail de 1/5e, à charge égale, l'employeur sera obligé d'embaucher une 5e personne. Donc moins de chômage !
C'était l'idée des 35h. L'inconvénient, c'est que d'une part, l'impression de travailler moins s'estompe vite. Donc la productivité redescend. De plus, dans des nombreuses PME, voir des entreprises de plusieurs centaines de salariés, plus vous vous éloignez du cœur de métier, moins les services sont pourvus. Par exemple, dans l'industrie, les services production/fabrication sont bien pourvus. A contrario, il n'y a qu'une poignée de commerciaux et un seul comptable.  Dans ses services, il n'y aurait pas d'embauches liées à la réduction du temps de travail. Les employés devront y effectuer le même travail, mais en moins de temps. Si ce sont des cadres, on leur dira de se démerder et de faire des heures supplémentaires non-déclarées. Et paradoxalement, une mesure censée faire le bonheur des salariés devient une cause de burn-out.

L'autre vision, c'est la carotte. Les salariés veulent de l'argent, point. C'est ça qui les motive. Donc, ils sont prêt à travailler plus si on les paye davantage. Avec des heures supplémentaires (voir un travail le week-end), la productivité augmente. Donc on crée de la croissance et des emplois.
L'inconvénient, c'est que cela dépend de la macroéconomie. Si vous êtes dans un pays pauvre, que le magasin soit ouvert le dimanche ou pas ne change rien. Vous ne ferez pas davantage de courses. L'autre inconvénient, volontiers soulevé, c'est que les heures supplémentaires sont un moyen de pression. "Tu ne veux pas faire d'heures sup' ? Alors pars ! Je trouverai facilement quelqu'un prêt à travailler davantage."

Pour autant, j'ai rencontré davantage de personne qui préfèrent travailler plus (et être mieux payées) que d'avoir davantage de temps libre.

lundi 6 avril 2015

Le menteur grillé

Beaucoup de chômeurs mentent à leurs proches. Ce n'est jamais facile d'annoncer qu'on est au chômage. Surtout qu'en retour, on obtient de la pitié ou de la condescendance. Les plus radicaux et les plus mythomanes ne le disent même pas à leurs conjoints, quitte à s'enfermer dans des situations inextricables. Mais beaucoup se contentent de cacher leur chômage aux gens qu'ils fréquentent peu. Si on les questionne, ils répondent avec des banalités sur leur dernier job. 
Là où le chômeur se trahie, c'est sur les jours fériés. Pour le chômeur, les semaines, les mois et même les saisons existent à peine. Rien ne ressemble plus à un jour de semaine qu'un autre jour de semaine. Les jours à date fixe (1er mai, 14 juillet...), c'est facile. Mais sur le lundi de Pacques ou le jeudi de l'Ascension, le chômeur bute. "Mon boulot, ça va. Lundi, je vais avoir une grosse réunion et... - Le lundi de Pacques ? - Euh..." Voilà, la couverture vole en éclat.

jeudi 2 avril 2015

Le stagiaire "Y"

Un article du Figaro reprend peu ou prou un de mes anciens billets : la nouvelle génération, aquoiboniste et férue (euphémisme) de nouvelles technologies est une plaie pour les anciens.


Le Figaro n'évoque pas les causes. La génération Y n'a qu'une image floue et partielle de l'entreprise. Ce qu'elle n'en connait, ce ne sont que des témoignages de gens stressés et exploités. Elle sait qu'elle va travailler 42 ans, voir 45 ans, avec une carrière (et un salaire) horizontale. Donc, à quoi bon faire des efforts ?
En plus, cette génération a l'habitude de faire ce qu'elle veut. Les parents osent à peine lever la voix. Quant aux profs, ils n'osent plus faire la police. Lors de ma reprise d'étude, j'ai vu avec effroi des élèves faire ostensiblement un sudoku ou siroter un coca en amphi. Et c'était avant les smartphones... Par cynisme, les profs se disent que de toute façon, naturellement, les plus idiots et les plus turbulents vont finir par se crasher. En BTS ou en école de commerce, les élèves sont briefés un minimum. Mais ailleurs, les stages sont rares. Ce n'est qu'en fin de cursus que l'élève passe de la théorie à la pratique. Et souvent, le prof n'a lui-même jamais mis les pieds dans une entreprise. Sa connaissance des CV et des entretiens se limite à ce qu'il a lu ou entendu.


Et donc, notre jeune déboule en jean-basket (voir pantacourt-tong pour les hipsters) à 10h du mat. Et encore, ça, c'est quand il vient. Il se plaint que son job est indigne de son niveau... Sur son compte Twitter, sur lequel il pianote à longueur de journée. Vous le reprenez ? Il file direct se plaindre au N+2 ! Faire des efforts ? "J'ai déjà plein d'offres ailleurs, dans des boites bien meilleures." De toutes façons, ce genre de comiques fait rarement de vieux os. Soit il rentre dans le rang, soit sa carrière professionnelle est mal barrée...
Car l'entreprise bouge peu. A la fin des années 90, lors de l'explosion d'internet, on nous promettait de la flexibilité sur les codes vestimentaires ou les horaires (afin que tous les jeunes talents ne soient pas aspirés par les start-up.) Mais les start-up ont fait faillite et le costume-cravate est redevenu la norme.
Tous les tuteurs ne sont pas des Tenardiers. Mais trop souvent, l'été, les entreprises se constituent des pools de stagiaire, afin de remplacer les salariés en vacances. Et puis, vu que la plupart des stages sont non-rémunérés, donc on ne va pas non plus leur demander de se tuer à la tache.