lundi 22 février 2021

La génération Covid au bureau


La nouvelle génération avait déjà mauvaise presse auprès des employeurs. Le Covid ne fait qu’aggraver la situation. Les entreprises, fragilisées par la crise, ne sont guère encline à recruter. Surtout, elles profitent du marché pour embaucher des seniors au salaire d'un junior. Et de toute façon, qui a envie de recruter les diplômés de la génération Covid ? 

Personne ne le dit tout haut, mais tout le monde le pense tout bas...

D'une part, il y a la formation. La pandémie traine en longueur. Notre lycéen qui a eu le bac sous Zoom va passer une année scolaire 2020-2021 confinée. Et le confinement débordera sans doute sur le premier trimestre de 2021-2022. A minima. Il aura donc passé l'essentiel de son DEUG, son BTS, son IUT ou sa prépa à distance.
La tentation est grande de faire semblant d'assister aux cours. Après tout, pourquoi c'est difficile de se sentir redevable d'une université et de profs que vous ne connaissez que par écrans interposés... En prime, les académies donnent des consignes de "tolérance" lors de la notation.
Les dégâts seront très profonds. Et ne comptez pas sur les profs qui récupéreront ces élèves pour les remettre à niveau. On risque d'avoir toute une génération d'étudiants avec des diplômes au rabais.

D'autre part, il y a l'état psychique de ces nouveaux arrivants. Car les étudiants de la génération Covid souffrent d'isolement, de la peur de contaminer leurs ainés, d'une précarité financière... Et beaucoup sont conscients de n'avoir rien appris du tout depuis le printemps 2020.
Cela donnera sans doute des juniors toujours au bord du burn-out et volontiers absents. Or, les managers d'aujourd'hui sont incapables de faire de la calinothérapie. Ils ne savent résoudre de gros problèmes et pour une fois, ils ne peuvent pas confier le bébé à leurs N+1 !

lundi 15 février 2021

Vide...

Qu'est-ce qu'il y a de pire que la prestation en période de confinement ? Le chômage, pardi !

Cette crise sanitaire porte trois caractéristiques mortifères pour les chômeurs :
- Personne ne sait combien de temps cela durera. L'an dernier, on pensait avoir affaire à un virus saisonnier, qui n'aimerait pas l'été. Puis il y a eu la deuxième vague et ensuite, les variants... Le bout du tunnel s'éloigne. D'autant plus que la vaccination patine. Plus personne ne croit au mythe d'un retour à la normal à la fin de l'été 2021. Et en attendant, il faut serrer les fesses.
- La plupart des secteurs économiques sont touchés. Parfois, ce sont même des filières économiques qui sont touchées. Office Dépôt France est en redressement judiciaire parce qu'avec le télétravail, les gens n'ont plus besoin de stylos ou de Post-it. Et ce marasme entraine des suppressions d'emploi, voire des faillites. L'état porte nombre de PME à bout de bras, à coup de chômage partiel. Néanmoins, personne n'est dupe : beaucoup d'entreprises ne se relèveront jamais et l'hémorragie d'emploi se prolongera après la crise.
- Partant de ces deux postulats, les entreprises ont levé le pied sur les investissements et les recrutements. D'une part, il n'y a plus de nouveaux projets (nouveaux produits, réorganisation, certification, déménagement, ouverture de pays...) Des activités qui génèrent du recrutement externe. D'autre part, même face au roulement naturel (départs en retraite, congés maternité, démissions...) Les entreprises optent pour le gel du recrutement.

Tout ceci fait qu'il y a zéro offres d'emploi. Les newsletter des sites renvoient des "dernières offres" qui ont parfois plus plusieurs semaines. Vous pouvez passer des semaines sans le moindre coup de téléphone. Il n'y a même pas de cabinets d'entretien qui se créent un fichier. Donc aucune perspective ; aucune possibilité de retrouver un emploi. En terme d'activité, ce serait comme un mois d'août qui se prolonge ad vitam eternam. Sauf que vous n'avez même pas le côté festif : la vie sociale étant proscrite... Surtout, il n'y a pas de "septembre" : vous ne savez pas combien de temps cette situation va durer. C'est extrêmement frustrant.
Il est évident que personne ne peut encaisser indéfiniment une telle situation. Santé Publique France estime que 19% des plus de 18 ans sont dépressifs. 50% des jeunes se disent inquiets pour leur santé mentale. Dans les cliniques, il y a des listes d'attentes. Aux Etats-Unis, 28% des actifs souffriraient de troubles mentaux. Il n'existe aucun chiffre sur les suicides, ni aucune statistique plus précise sur les chômeurs.
L'OMS s'inquiète sur les conséquences à long terme. Car la crise sanitaire ne sera pas un interrupteur. Le jour où l'on enlèvera le masque, les entreprises ne vont pas se mettre à recruter et les gens ne retrouveront pas le sourire dans la minute...

mercredi 10 février 2021

Y'a quelqu'un ?

Pendant longtemps, le télétravail faisait figure de solution face au présentéisme. Avec le confinement, il fut généralisé. Les gens finir par se plaindre du manque d’interactions humaines et de l'isolement. Les mois passent et la crise du Covid semble s'éterniser. Le déconfinement complet en août ne semble être qu'un doux rêve. Les salariés se plaignent de plus en plus d'une santé mentale dégradée.

Mais il y a pire qu'être salarié en télétravail : être prestataire en télétravail.

Le Covid a d'emblée entrainé une crise économique. Les prestataires sont les premiers licenciés. Il suffit de négocier une rupture anticipée de contrat, avec un dédit. Les cabinets de prestation sont dans une telle mouise qu'ils acceptent volontiers les pénalités de rupture.
De plus, les entreprises ont levé le pied sur les projets : réorganisations, lancements de produits, audits internes, etc. Or, ce sont justement le genre de missions qui nécessitent de la prestation.
Parfois enfin, l'emploi ne peut être effectué à distance (notamment pour les postes opérationnels.) Conserver le prestataire n'aura aucun intérêt, en cas de reconfinement.

Ceux qui restent en place, ce n'est guère mieux. Le télétravail creuse le fossé entre les internes et les prestataires.
Dans certaines entreprises, les prestataires sont exclus des réunions de service. Et là, il n'y a même plus de "radio moquette". Dans certains secteurs stratégiques, les entreprises ne veulent pas laisser des externes manipuler à distance des données confidentielles. D'où un travail tronqué.
Enfin, comme les entreprises limitent les investissements (en capitaux, mais aussi en moyen techniques), la charge de travail a souvent sérieusement chuté. Le prestataire se retrouve donc chez lui, à ne rien faire, en se demandant jusqu'à quand son contrat va se poursuivre...

Les DRH ont souvent perçu la souffrance de leurs salariés. Des outils et des consignes sont données aux managers pour prendre le pouls de leurs équipes. Là encore, les prestataires sont hors du périmètre. Après tout, ils sont censés avoir un manager qui les suit !
En pratique, il y a énormément de turnover parmi les managers de cabinet de conseil. Après quelques mois, "votre" manager est parti. Son remplaçant sait à peine qui vous êtes. Il doit gérer des dizaines de consultants. 1) Il n'a pas le temps de faire des points hebdomadaires avec chacun d'entre eux. 2) Il se contrefiche de vous. Il est payé pour rentrer des affaires, pas pour faire du SAV.

D'où ce sentiment d'être sur une île déserte, oublié de tous...

lundi 21 décembre 2020

Création de poste... Ou presque


Dans les entreprises, les gens vont et viennent en permanence. Parfois, lorsque vous avez de la chance, il y a une période de passage de témoin. L'employé sortant a quelques jours -souvent, une semaine- pour vous expliquer les dossiers, les processus, etc. Qu'il parte volontairement ou pas, il est souvent aigri. 

Jusqu'ici, rien d'étonnant. Sauf qu'à la longue, vous réalisez qu'il a raison. Surtout, en consultant l'historique (par exemple : un vieux mail déterré sur un sujet qui traine), vous découvrez que ça a beaucoup bougé à votre poste. J'ai connu une boite où j'étais le quatrième en 18 mois !

La variante, c'est la soi-disant création de poste. Là encore, tôt ou tard, vous découvrez que quelques mois avant vous, il y avait quelqu'un d'autre là. A son départ, le responsable repris le processus de recrutement à zéro. Une fois, une même entreprise m'a contacté deux fois à 6 mois d’intervalle (un genre de "deuxième choix".)
Sur Linkedin, j'ai découvert qu'une boite où j'étais censé ouvrir un poste, avait déjà eu deux employés sur deux ans !

Il y a ainsi des postes avec un fort turnover. Généralement, en cause, un N+1 ou un des collègues, qui est épouvantable. Cela va du harcèlement (moral ou sexuel) à l'incompétence, qui en devient toxique. Dans les PME, le moindre poste vacant est problématique. Le dirigeant  devrait être particulièrement attentif à ce genre de difficultés. De même, dans les grandes entreprises, un manager doit être capable de surveiller des chefs d'unités.
Mais rien ne bouge. C'est le dogme du "pas de vagues". On préfère revoir des CV tous les 3 mois que de convoquer le fauteur de trouble. D'autant plus qu'il est souvent "connu"...

jeudi 17 décembre 2020

Paresse sociale : 2) Les solutions

Dans le précédent post, j'évoquais la paresse sociale et les fausses bonnes idées pour la solutionner. Mais quid des bonnes idées ?

C'est simple : 1) Être un leader. 2) Être un leader. 3) Être un leader.

Si vous voulez que votre équipe se transcende, elle doit avoir un cap, une direction. Si vous devez prendre une décision difficile, il faut que votre équipe ait l'impression que cette décision soit justifiée. Et que vous ayez tout fait pour protéger votre équipe. "La direction imposait ceci, mais j'ai obtenu cela."
Il faut que le chef soit le premier de cordée, celui qui ouvre la marche, qui va au front, etc. Si votre équipe a conscience que vous prenez des coups (au bénéfice de l'équipe), elle vous suivra.

Enfin, il faut savoir personnaliser le management. Un service connait des respirations, il faut savoir annuler des réunions. Aussi, vous devez traiter différemment la personne qui a 20 ans de boite et le stagiaire arrivé la veille !

Plus généralement, il faut savoir être franc. Il n'y a rien de pire que les faux-espoirs ou les serments d'ivrognes.
Un service, ce n'est pas une île déserte : les gens parlent avec d'autres services. La "radio-moquette" peut être un poison. On ne vous demande pas de trahir la confidentialité d'un CE, mais au moins, de ne pas nier l'évidence.

mardi 8 décembre 2020

Paresse sociale : 1) Ce qu'il ne faut pas faire

Une vidéo récente de Xerfi Canal évoquait la "paresse sociale". Ce sont les théories de Maximilien Ringelmann. Pour ceux qui ne seraient pas familiers avec ce concept, plus vous avez d'employés, moins ils travaillent. D'après Ringelmann, avec 8 employés, on est à peine à 50% de rendements, soit l'équivalent de 4 temps plein ! Et au-delà de 8, le rendement par employé baisse tellement que la productivité totale du service n'augmentera plus.

Les managers sont généralement conscients de ce fait. Et pour y répondre, ils n'ont que des mauvaises solutions ! A savoir :
1) La solution N°1, c'est de sous-staffer. Si votre équipe a plus de travail qu'elle peut en effectuer, les gens devront mettre les bouchées doubles ! C'est la meilleure recette pour avoir des burn-out. Plus rarement, certaines entreprises ont les moyens de sur-staffer. Elles se disent qu'en embauchant trois personnes pour en faire le boulot d'une, le boulot finira par être fait, non ?
2) Fliquer les gens. Les managers veulent des employés qui travaillent de la première à la dernière heure de la journée (et si possible, en faisant des heures supplémentaires.) Donc beaucoup ont tendance à surveiller les open spaces. La vieille école, c'est le manager qui passe dans votre dos sans se signaler. Dans une entreprise que j'ai connu, on chronométrait le temps passé sur internet (un outil inutile avec la généralisation des smartphones.) Ailleurs, on ne pouvait prendre son café qu'à certaines plages de la journée. Et bien sûr, en ces temps de Covid, point de télétravail ! Le risque, c'est bien sûr le présentéisme. Les employés sont malins, ils trouveront des solutions. Le carottage habituel, c'est la "réunion" à l'autre bout du bâtiment, loin du chef...
3) Favoriser le turn-over et les jeunes. C'est du darwinisme professionnel. Les jeunes ont généralement une motivation de départ plus élevée. Lorsque le jeune est démotivé, il claque la porte et vous le remplacez par un autre jeune. C'est valable pour les tâches à faible valeur ajoutée. Mais dès qu'on en demande davantage, c'est problématique. Sous pression, le jeune est plus prompt à partir en vrille. Et si vous avez un volant permanent, le retex sera nul. J'ai connu une entreprise où le client perdait patience, à force de voir défiler le personnel...
4) Micro-manager. C'est la plaie du management moderne. Des bilatérales hebdomadaires, voire quotidiennes, avec des objectifs très précis. Une réunion, ça doit avoir un but précis. Engueuler les gens, juste pour engueuler les gens, ça aura l'effet inverse. Je peux en témoigner, vous vous dites que rien ne sera jamais assez beau pour votre chef, vous attendez la gifle et à la longue, vous êtes démoralisé. Car si vous ne pourrez jamais satisfaire votre manager, à quoi bon se tuer à la tache ?

lundi 23 novembre 2020

Cabinet d'ingénierie


Je vous parle d'un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaitre... En fait, les cabinets de consultants actuels sont un dévoiement des cabinets d'ingénierie des années 2000.

A l'époque, lorsqu'une grande entreprise avait un besoin à court-terme en ingénierie (surtout sur les projets très en amont), elle faisait appel à la sous-traitance. Les cabinets montaient alors des plateaux projets, très autonomes, avec leurs propres chef de projet. Seul ce dernier était en contact direct avec le client.
Au mieux, le client possédait suffisamment d'espace pour vous intégrer dans ses locaux. Plus fréquemment, le client mettait à disposition du cabinet un Algeco, voire un local désaffecté. Et souvent, le plateau-projet était situé chez le cabinet de consultant, avec des bureaux dédiés. Cela signifiait qu'en tant qu'ingénieur de base, vous travailliez pour un client que vous ne voyiez jamais. Vous n'en connaissiez que son mail ou sa voix au téléphone.

Il y avait pas mal de turnover. Si le client avait sous-traité le projet, c'est souvent que le budget était insuffisant ou les délais, intenables. Dans une boite, j'ai ainsi vu trois supérieurs effectuer un burn-out ! Les plus jeunes se disent : "pourquoi se tuer à la tache pour l'homme invisible ?" Les cabinets d'ingénierie ne sont pas complètements idiots : certains bons éléments sont réaffectés à des projets plus gratifiants. Enfin, au gré de la vie du projet, si le budget le permet, ils peuvent rajouter des "petites mains".
Afin de garder une certaine cohésion dans l'équipe, les chefs avaient pour consigne d'animer leurs équipes : pot de départ, after-work, team-building... Tout était bon.

L'inconvénient, c'est que le retex était nul. Une fois le projet terminé, les contrats des consultants (y compris celui du chef de projet) s'arrêtaient. Souvent, même les N+1 partaient voir ailleurs. En plus, à force de travailler pour les mêmes clients, certaines entreprises comme Altran, Alten ou Akka se retrouvaient en position de force.
D'où l'évolution radicale du métier. Désormais, les plateaux projets sont in situ, avec un responsable en interne. De plus, l'équipe est un panaché de différents cabinets. On va ainsi vers toujours plus de précarisation des consultants, de compétition entre cabinets, d'apparition de cabinets toujours plus agressifs...