lundi 31 mars 2014

Respect à double-sens

Aujourd'hui, les CDI se raréfient. On préfère faire signer d'interminables "contrats de chantier", contrats d'intérim, voir carrément, des conventions de stages. Le premier intérêt, c'est que ces catégories n'apparaissent pas dans les charges de personnels. Du pain-béni pour une PME forcée de dépasser le seuil fatidique des 50 employés. On peut les licencier quasiment du jour au lendemain. Enfin, en mettant la pression sur un tiers (le cabinet de consultant et l'agence d'intérim), on peut revoir les salaires à la baisse.

Mettre la pression, c'est le leitmotiv du patron. Il faut instituer un rapport de force favorable. Autant il n'ose pas réprimander ses salariés en CDI, autant ses précaires doivent se sentir en permanence sur une corde raide. L'idée est qu'ils doivent donner leur maximum, en vue d'un hypothétique CDI. Et pendant des mois. Lorsqu'ils seront en bout de course, on les remplace par des salariés neufs. Dans un pays où il y a plus de 3 millions de chômeurs, le réservoir de chair fraiche semble inépuisable.
Les free-lance connaissent bien cette pression. C'est le "faites nous un beau dessin, on vous payera pas, mais ça vous fera une belle référence" des dessinateurs. Ou le "créez-nous un site web, s'il nous convient, on le payera" des informaticiens. Le donneur d'ordre se prend pour un roi de la négociation !

Effectivement, les juniors se donnent à fond. Ils croient durs comme fer à ce CDI. Et avec un salaire à la hausse (car on leur demande de "faire un effort", le temps du contrat ou de la période d'essai.) Dans les grandes entreprises, le fait de pouvoir mettre un nom prestigieux sur son CV est une belle motivation.
Et dans les autres cas ? Le salarié se démotive rapidement. Les cadres ont fait de longues études où on leur a répété qu'ils sont la crème de la crème. Travailler avec un contrat précaire, pour un salaire de misère, c'est une insulte ! Ils comprennent vite qu'à la fin du contrat précaire, il n'y a qu'un autre contrat précaire (dans la limite légale des possibilités de renouvellement.) Quant aux augmentations... Un employeur m'a demandé de "faire un effort" durant ma période d'essai. Puis de "maintenir cet effort", le temps de définir des objectifs à atteindre. Une fois les objectifs définis, on m'a dit d'attendre qu'ils soient atteints. Et une fois les objectifs atteints, j'ai réclamé mon du... Et j'ai été licencié.
Dans ces conditions, le salarié précaire reste en "recherche active" d'emploi. Les plus hardis partent du jour au lendemain, dés qu'ils trouvent mieux. J'ai vu des salariés quitter un travail après un ou deux jours, voir carrément de planter un ex-futur employeur. Les plus mollassons ou les moins chanceux restent en poste, mais à reculons. Absentéisme, squattage de machine à café (pour les plus vieux), twittage compulsif (pour les plus jeunes)... C'est le règne de l'aquoibonisme et l'acte de présence.

Un bon salaire et un bon statut ne garantissent pas une productivité optimum. En revanche, si vous considérez vos salariés comme une main d’œuvre jetable,  vous êtes sur d'avoir une productivité minimale en retour.

dimanche 30 mars 2014

Retour à la case départ

La reprise d'activité, c'est un moment excitant pour un chômeur.

A contrario, le retour à la case chômage est une douche froide. C'est un peu comme un point de sauvegarde dans un jeu vidéo : vous aviez passé un certain nombre d'étapes et vous êtes obligé de tout recommencer. Celui qui est déjà passé par plusieurs périodes de chômage le ressent d'autant plus comme un échec. Au moins, il sait à quoi s'attendre.
A priori, il est content de quitter son job naze. Les semaines entre le préavis et le départ effectif étaient les plus éprouvantes : les vautours rôdaient déjà. En plus, vous avez bénéficié d'une indemnité de départ. Le mauvais rêve est derrière vous.
Concrètement, il va surtout falloir se réinscrire à Pole Emploi, mettre à jour son CV, passer des entretiens, faire des points à Pole Emploi... Terminée, la sécurité de l'emploi ; rebonjour à la vie au jour le jour. Avec son cortège de doutes et d'angoisses. Enfin, en bonus, il y a une éventuelle insécurité financière. On sait quand on commence une période de chômage, mais on ne sait pas quand on retrouvera un emploi. Rien que de penser à tout cela, ça mine le néo-chômeur.

vendredi 28 mars 2014

Chômage partiel

Lorsqu'une entreprise va mal, elle peut recourir au chômage partiel. Ses salariés restent chez eux pendant tout ou partie de la semaine. Les jours chômés, les cadres sont payés par Pole Emploi à 100% (80% pour les non-cadres.) C'est totalement transparent pour le salarié. En cas de licenciement, ça n'influe pas pour la durée ou le montant des indémnité-chômages (sauf pour les non-cadres, vu qu'ils sont moins payés.)

Sur le papier, c'est une aubaine. Vous êtes payés pour rester chez vous ! Si vous voulez poser une semaine de congé, seuls sont décomptés ceux correspondants aux jours normalement travaillés. C'est le paradis du fainéant !

Les jours travaillés, on vous demande d'en faire autant qu'une semaine normale (sauf que vous ne travailliez que quelques jours.) Un fait atténué par une charge de travail en baisse (conséquence de la baisse d'activité.)

Reste surtout la peur que ce chômage à temps plein ne se change en chômage "tout court". Dans les entreprises, l'information sur la santé financière est nulle. Y compris lorsqu'il y a un CE. Vous avez beau être cadre, vous n'êtes pas dans le secret des dieux. Vous ne pouvez que subir. Il faut se contenter de "radio moquette". Et bien sur, lors d'un chômage partiel, les rumeurs pullulent. Le chômage partiel est reconductible de mois en mois. Une fois, mon chef est venu me prévenir le dernier jour du mois, alors que je montais dans ma voiture, que je ne devais pas venir le lendemain.
Dans ce contexte, il est impossible de se projeter dans l'avenir. Vous vivez au jour le jour. A la limite, une cessation d'activité vous donnerait au moins un horizon. Là, vous êtes suspendu en l'air.

Et parfois, ça reprend. Là encore, on vous prévient au dernier moment : "Le chômage partiel s'arrête le mois prochain." Pas de discours, pas de cadeau quelconque ; on fait comme si de rien n'était. Sauf qu'en fait, la confiance est brisée : vous vous dites que ça peut reprendre de si tôt. Vous guettez le moindre signe. En prime, vous avez désormais conscience qu'il y a un véritable mur entre la direction et vous ; vous êtes rejeté parmi la vulgate. Alors que vous pensiez qu'en tant que cadre, vous étiez du côté des privilégiés. De quoi émousser irrémédiablement votre motivation.

jeudi 27 mars 2014

Les Américains ont (eu) Steve Jobs, nous, on a Paul Emploi

Se rendre à Pole Emploi, c'est un torture. Il y a bien sur les enquiquineurs devant vous, qui prendront un malin plaisir à rendre plus pénible l'attente. Mais souvent, vous tombez sur des conseillers énervants.

Le novice : "Salut, je viens d'être embauché, alors j'y hyper-foi dans mon boulot ! Je fais des grands sourires en permanence et je m’émerveille d'un rien ! Allez, je sais que ça fait 6 mois que tu cherches un boulot, mais tu vas vite en trouver un !"
Le psy : " Donc, vous "cherchez un emploi"... Hum... Je vais répéter chacune de vos phrases et les méditer. Et je vais même en noter quelques unes sur mon carnet..."
Le promeneur : "Quel jour on est ? Euh... Je vais aller demander... Je reviens dans 15 minutes. Je sais que je suis l'unique guichet d'ouvert et que j'arrête pas de disparaitre. Mais c'est comme ça, pour la moindre question, je vais me renseigner à l'autre bout du bâtiment."
Le timide, passant sa tête hors du couloir de bureaux : "Eh, Thierry, est-ce que... Oh mon dieu, des chômeurs ! Vite, je retourne à mon bureau !"
Le blablateur, proche cousin du précédent : " Mon job consiste à arpenter les couloirs avec un collègue et de passer devant les gens qui font la queue, tout en riant !"
Le fonctionnaire : " Donc, madame, pour votre courrier, vous dev... Oh, 11h58 ! L'heure, c'est l'heure ! Au revoir tout le monde."
Le mal-luné : " Vous voulez des informations ? Vous avez des questions ? Oh, y'a pas marqué "conseiller" là !"

mercredi 26 mars 2014

Welcome to Fight club

En réaction à cet article paru dans Capital.

L'entreprise, c'est un huis clos. Vous restez des années aux côtés des mêmes personnes. Dans les PME ou les entreprises situées en provinces, les employés effectuent l'essentiel de leur carrière dans une seule entreprise, au même poste. Pour d'évidente raisons liées au vivre-ensemble, il ne peut y avoir de conflits ouverts, en permanence. La tendance est à l’apaisement et au consensus... Alors que ce huis clos est lui-même générateur de tensions.

En général, les conflits restent larvés. Certains employés préfèrent se gaver de cachets plutôt que d'affronter un chef tyrannique. D'autres se contentent de dénigrer un collègue uniquement lorsqu'il a le dos tourné, comme on l'a vu avec le faux-jeton. Les responsables préfèrent tolérer un employé jmenfoutiste que d'essayer de le recadrer. D'autant plus que la loi punie la violence verbale ou physique. Il n'y a pas de notion de "légitime défense".

Et parfois, ça explose.
  • Lors de conflits entre employés. Il y a forcément un rapport de force. Si l'agresseur est un nouveau ou un précaire (CDD, intérim), il est gentiment mis à la porte. Ca fera un beau trophée pour un chef de service.
  • Si l'agresseur est un employé bien en place, ce sera nettement plus dur. Même en cas de racisme, de harcèlement sexuel ou de vol, les autres auront tendance à prendre fait et cause pour lui. "C'est juste pour rire" ou "il te fait des excuses", voir "il n'avait pas compris que ça te blessait". En pratique, l'agresseur est déjà "connu" pour ce type de faits. Dans les grandes entreprises, on essayera de le muter. Dans les PME, l'agresseur se retrouve indéboulonnable et c'est l'agressé qui est mis sur la touche. Car la victime est considérée comme un "facteur de trouble".
  • Vis à vis des clients, la tendance est au "le client est roi". Il a exigé l'impossible et/ou ses reproches sont de sa propre faute ? Pas grave, c'est le commercial qui trinque. Les entreprises fuient comme la peste toute perte de marché ou toute mauvaise publicité.
  • Le seul cas où le client a droit d'être recadré, c'est lorsque c'est un client mineur, qui effectue un "one shot".
En définitive, il faut résumer les conflits avec cette devise de François Hollande : "Fort avec les faibles, faible avec les forts."

mardi 25 mars 2014

Le CV (2), ce que cherchent les entreprises

J'aurais du commencer par là.

Le CV parfait n'existe pas. Chaque recruteur a "son" CV. Certains veulent des CV en une page. D'autres (plus rares) veulent des CV très détaillés, quitte à tenir sur quatre ou cinq pages. Certains veulent que le parcours scolaire soit en tête ; d'autres y font à peine attention, etc.

Globalement, ce que cherchent les recruteurs, ce sont des CV "fluides" : une série de longs CDI, dans des entreprises ayant pignon sur rue. Avec d'anciens responsables qui chanteront vos louanges. C'est un peu idiot, je sais : si vous étiez un employé modèle dans un environnement idéal, pourquoi êtes vous parti ?
Il faut aussi que vos compétences soient évidentes. Très évidentes. Très, très évidentes. Il faut éviter les romans du style " J'ai travaillé chez Untel, j'étais en charge de ceci, de cela, de la conception, de la mise en place et du suivi de telle autre chose, du lancement et de la création du trucmuche ainsi que du suivi de bidule." Evitez aussi le style télégraphique : "Employé de [service], point final ." Il faut mettre en avant ses résultats significatifs.

Le principal, c'est de garder en mémoire que souvent, c'est un stagiaire qui tri les CV. Il en visionne plusieurs centaines par jour et doit en retenir une petite vingtaine. Il va donc passer à peine quelques secondes par CV. En plus, on lui demande de travailler sur des postes très différents. Personne ne peut être expert en tout. Donc, faute de discernement, il va bêtement rechercher des profils correspondants au descriptif du client.

lundi 24 mars 2014

Offre de stage bidon


Comment différencier un stage bidon (à savoir, un emploi déguisé) et un stage légitime ?

- La durée. Normalement, un stage est un "cas pratique" ; un exercice simple où le stagiaire découvre le monde de l'entreprise. Comme sa mission possède un périmètre limité, il en a vite fait le tour. C'est la grande différence avec une alternance, qui est un aller-retour permanent entre l'école et le monde professionnel (donc davantage de compétences à acquérir et une durée plus longue.) En conclusion, un stage de 6 mois n'a aucun sens.
- La mission. Le stagiaire est là pour qu'un tuteur lui apprenne les ficelles d'un métier. Ca doit être un suivi quotidien. Si un même tuteur s'occupe de plusieurs stagiaire ou que le stagiaire soit sur un poste très autonome, c'est suspect.
- L'expérience. Un stagiaire, c'est un débutant. Il est censé n'avoir aucune expérience du poste (mis à part ce qu'il a appris en classe.) Donc, une offre de stage qui mentionne une "rémunération suivant expérience", c'est une alerte rouge ! En général, dans ce genre d'annonce, le profil de formation recherché est très vague.

Le cas typique de l'annonce bidon, c'est donc une offre de stage de 6 mois comme community manager, avec rémunération suivant expérience. Clairement, c'est un travail qui correspond à un emploi à temps plein. Mais l'entreprise recrute un stagiaire, comme ça, elle propose des tarifs imbattables à son client final...