Au début, vos collègues viennent vous réconforter : "Le salaud !", "il aurait dû te garder !" Puis votre remplaçant débarque. Généralement, c'est une femme ou quelqu'un "issue de l'immigration". Surtout, quelqu'un de plus jeune (donc moins cher) que vous. Et ils ont le statut d'interne. Votre N+1 vous disait que les embauches étaient gelées. En fait, elles sont surtout gelées pour les vieux blancs...
Il vous reste trois ou quatre semaines, avant votre départ définitif. Et au fil de ce "handover", votre motivation ira descendo...
Tout d'abord, il y a la phase d'installation. C'est sûr que lorsque vous êtes interne, tout est plus facile ! Vous aviez du attendre des semaines pour avoir accès à tel bâtiment ou à tel logiciel. Le nouveau, lui, il reçoit tout. Le client interne un peu chiant, avec qu'il faut planifier un call trois semaines à l'avance ? Il se montre d'un seul coup affable et disponible. Vous aviez découvert la société avec trois pdf de présentation ? Le remplaçant a droit à un séminaire de formation de plusieurs jours.
Au bout de deux ou trois jours, vous commencez à transmettre les dossiers. Forcément, vous êtes un peu jaloux et vous scrutez ce qu'il fait. "Pourquoi lui et pas moi ?" Votre N+1 vous disait que c'était un petit génie. Si c'est un quota, vous vous rendez vite compte qu'il est sous-dimensionné pour le poste. Lorsque j'ai dû assurer des handovers, je suis tombé sur des gens ayant des connaissances théoriques très limitées. Au mieux, le handover se transforme en cours niveau première année. Au pire, le remplaçant, démasqué dans sa médiocrité, devient franchement agressif, voire hostile.
Et votre N+1 refuse d'entendre les alertes que vous lui remontez. Pourtant, un employé qui n'est pas au niveau aura plus de chances de faire un burn out, voire de démissionner.
Puis il y a la bascule. Désormais, c'est lui qui est informé de l'avancé des sujets. Vous n'êtes plus en copie des mails et vous n'êtes pas invité aux nouvelles réunions. Il est impératif de se tenir informés de ce qui est encore dans votre scope, sous peine de travailler sur des choses déjà traitées par votre remplaçant... Voire annulée, lors d'une réunion où vous n'étiez pas. Car votre remplaçant est désormais très demandé et il considère qu'il n'a pas de comptes à vous rendre !
Vous êtes de plus en plus isolé. Vos collègues ont déjà tourné la page et ils ont intégré le remplaçant. Si c'est un "double-licenciement", personne n'est là pour écouter vos pleurnicheries. Si vous enchainez une autre mission derrière, vous avez vous aussi tourné la page. Ça vous fait bizarre, d'aller encore dans cet entreprise. En tout cas, vous en êtes réduit à faire du présentiel. Seul. Vous avez un sentiment d'inutilité. Vivement la quille !