vendredi 7 mars 2025

Quasi-bénévolat


Il y a dix ans, je parlais déjà de salaire. Et ça ne s'est pas amélioré depuis...

Au moment du passage à l'euro, un cadre débutant pouvait espérer gagner 24K€ brut. Il y avait une barre symbolique des 2 000€ mensuels. Cela correspondait à 1,77 SMIC.
Depuis, les prix des loyers ont doublé, le prix des voitures a doublé, le prix des Menu McDo a doublé... Mais d'après Talent Executives, le salaire d'un cadre débutant, en 2025, est de 25 620€ brut. Soit 1,21 SMIC. Si ça, ce n'est pas de la stagnation des salaires...

Certes, en 2025, presque tous les jeunes possèdent un Master. Surtout, un junior en 2025 est moins autonome et moins mature qu'un junior de 2001. D'ailleurs, on leur confie des tâches avec moins de valeur ajoutée qu'auparavant.

Mais quid des cadres senior ? Là, il y a un mur des 5 000€ par mois. Y compris pour des postes de management intermédiaire, au sein de grandes structures.
La comparaison avec les Etats-Unis est édifiante. Pour un poste avec un savoir-faire très technique, qui requiert de l'expérience ou avec du management (y compris fonctionnel), il faut mettre 100K$ sur la table. A fortiori dans la finance ou l'informatique. Alors qu'en France, les salaires à six chiffres sont l'apanage des managers exécutifs. Et dans une très grande entreprise.

Allons, ne faites pas cette tête ! Votre employeur vous propose des avantages ! Maintenant que je suis grisonnant, les recruteurs n'osent plus me faire le speech de "l'ambiance start-up". Mais il y a peu encore, on me vantait la table de ping-pong dans la salle de pause ou la corbeille de fruits bio du jeudi...
Non seulement les salaires stagnent, mais parfois, les employeurs se moquent du monde. Prenez ce cabinet de conseil. Il m'a proposé une mission "senior". La fourchette haute était déjà à 2K€ de mes prétentions. Après le premier entretien, on m'a expliqué que la fourchette était pour un CDI-C. Si je choisissais le CDI, il y avait un écart de 3K€. Puis, lorsqu'on m'a envoyé un pré-contrat, là, c'était un shave supplémentaire de 7K€ ! Soit un total de 1K€ mensuel par rapport à mes prétentions.
Le cabinet de conseil savait que j'avais des difficultés à remettre le pied à l'étrier et il en a profité (ou bien, le client a fait pression et à marge constante, c'est moi qui ai pris.) Clairement, j'ai eu le sentiment que c'était un cabinet qui allait régulièrement me prendre en traitre. Et qu'à la première occasion, je me vengerai...

mardi 21 janvier 2025

Très mauvais pressentiment


Ce matin, j'ai vu une offre d'emploi. Le travail proposé était intéressant, je rentrais dans les compétences requises... Puis je suis tombé sur le dernier paragraphe. Là, toutes mes alarmes se sont déclenchées. Ces quelques lignes sont tellement édifiantes...

Pourquoi préciser que tout le monde est le bienvenue ? Nous sommes en 2025, aucun employeur sérieux n'élimine des candidatures, simplement parce que la tête du candidat ne lui revient pas !

Mais le choix des mots est très parlant. Cela dépasse l'étalage de vertu. "Inclusifs", "personnes en situation de handicap", "LGBT+", puis ces deux lignes sont l'utilisation du point médiant (NDLA : les fameux .e.s.) Autrement dit, cette société courtise ouvertement les "profils atypiques". Elle veut que son trombinoscope ressemble à une pub Benetton ! Les compétences sont secondaires.

Si vous êtes un homme blanc (même gay), vous avez peu de chance d'être retenu. Et si vous passez, vous aurez très probablement une Elsa Bernard comme chef. Au quotidien, vous raserez les murs. Dès que vous ouvrirez la bouche, on vous dira d'arrêter d'exercer votre "privilège blanc". Et bien sûr, ça sera vous qui ferez l'essentiel du travail. Vu que les punks à chien qui vous servent de collègue ne possèdent aucune compétence.

jeudi 5 décembre 2024

La boite Linkedin


Dans les lieux communs de l'entretien, il y a le "ici, tu sais, c'est un peu une start-up..." Au mieux, c'est un terme creux. Au pire, ça se retournera contre vous. Dans les années 2000, on avait vu fleurir les babyfoot, dans les salles de pause. Puis il y a eu le temps des corbeilles de fruits bio. Maintenant, ce sont plutôt les poubelles multicolores avec bac de compostage... Mais certaines entreprises décident d'aller plus loin. Avec des objectifs très ambitieux. Cela fait souvent le bonheur du fil Linkedin. Mais il faut éviter de regarder l'après...


Welcome to the Jungle est un site assez inégal. En 2022, il s'intéressait aux entreprises offrant un salaire identique à tous leurs employés, avec les exemples de Spill et de Gravity Payments.


En janvier 2021, Calvin Benton, PDG de Spill déclarait qu'il arrêterait le salaire unique. Mais ce patron Britannique a dû arrêter, face aux réalités du marché du travail.

Là, où je suis dubitatif, c'est que son entreprise de conseil en bien-être au travail n'a vraiment démarré qu'en 2019. Calvin Benton reconnait que les premiers vrais contrat sont tombés à la fin du premier confinement, donc mi-2020. Donc, a priori, sa politique du salaire unique n'aura duré que quelques mois.
Surtout, Calvin Benton adore faire le buzz. Il a souvent quelque chose à dire... Mais on ne l'a jamais entendu dire qu'il mettait en place un salaire unique. Par contre, on l'a beaucoup entendu sur la fin du salaire unique. De là à y voir un pipeautage, afin de faire parler de lui...

Puis il y a David Price, de Gravity Payment. En 2015, cet Américain instaura un salaire unique (au détriment de son propre salaire.) Cette fois-ci, on trouve des déclarations contemporaines. Les gros salaires quittèrent l'entreprise, trouvant qu'elle ne récompensait pas le mérite. Puis il y eu des difficultés de croissance, car tous les nouveaux employés débutaient à un salaire confortable. De quoi faire exploser les coûts fixes.

Mais David Price a tenu bon. Cinq années plus tard, il pouvait bomber le torse sur son entreprise égalitaire. Grâce à cela, c'est devenu une star des réseaux sociaux.

Cheveux longs, barbe bien taillée, ancien bassiste d'un groupe de rock chrétien, David Price fut un talent précoce de la finance, ayant rencontré Barak Obama. Bernie Sanders, leader de l'aile gauche des Démocrates, l'adorait. Bref, c'était le gendre idéal.
Mais David Price a souvent été devant les tribunaux. En 2013, il s'est bagarré avec un patron de bar. A l'origine, Gravity Payment s'appelait Price & Price. L'autre "Price" étant son grand frère, Lucas. Ce dernier accusa David Price de tirer la couverture vers lui et d'agir comme s'il était l'unique propriétaire. Le tribunal donna raison au benjamin. Peu après, alors que le PDG faisait la promotion du gros salaire unique, son ex-femme l'accusait de violence domestique. Suite à ces accusations, le PDG perdit un contrat pour un livre. En 2021, il fut accusé d'avoir conduit en état d'ivresse et d'avoir tenté d'embrasser une femme. Il est actuellement mis en examen pour tentative de viol et il a préféré s'éloigner de Gravity Payment. Surtout, le dossier de l'accusation dépeint un patron abusif durant ses heures de travail. Et qui se sert de son image de "patron cool" pour attirer des femmes à lui.

A la sortie du confinement, Julien Le Corre proposait un changement radical : la semaine de quatre jours. Concrètement, tous les salariés de cette agence de pub partaient en week-end le jeudi soir. Et à salaire égal. Avec une incitation au télétravail.

Là encore, le PDG était une coqueluche des sites professionnels.

Les salariés de YZ Agency, l'agence de Julien Le Corre, étaient heureux. Plus de temps libre, à iso salaire !

Problème : le secteur de la pub est très compétitif. Sur certains gros contrats, les agences n'hésitent pas à travailler de nuit, voire le week-end. Donc l'YZ Agency prenait du retard. Dès 2021, Julien Le Corre imposait à certains salariés de travailler exceptionnellement davantage. Une "exception" qui devint la norme. Mi-2022, fin de la semaine de quatre jours. Mais le mal était fait et un an plus tard, YZ Agency était officiellement liquidée.
Début 2024, Gabriel Attal, alors premier ministre, vanta la semaine de quatre jours et il prit YZ Agency comme exemple... Sans savoir que l'entreprise avait été liquidée !

Julien Le Corr en a tiré un livre, Jour Off.

jeudi 14 novembre 2024

Vous avez été nul, bravo !

Normalement, les missions de prestations sont très courtes. Donc, en prolongeant la période d'essai, le cabinet est presque sûr de se débarrasser de vous à la fin de la mission. Presque... Car parfois, la mission est prolongée et du coup, elle dépasse la période d'essai.
Or, en tant que presta "senior", vous êtes payé, que vous soyez en mission ou pas. A l'approche de la fin, votre responsable côté conseil s'excite. Vous devez mettre à jour votre CV et votre bilan de compétence : il va chercher à vous recaser ailleurs. Autrement dit, chez le premier client qui voudra bien de vous. Le job ne correspond pas à vos compétences ? Pas grave ! Le principal, c'est d'enchainer les missions. 

Ensuite, ça y est, un nouveau client veut bien de vous. Il a signé le bon de commande, tout est ficelé. Ah oui, vous devez encore terminer votre mission chez le client actuel. Il voudrait prolonger, car il a un imprévu ? Tant pis pour lui !
Ah, puis il y a le débrief final. D'ordinaire, en cas de "double-licenciement", votre responsable côté conseil va bien noter les remarques de votre responsable côté client, afin de vous les ressortir. Mais là, le responsable côté conseil est cool. Au point où il n'a absolument rien à faire de votre responsable côté client. Mais absolument rien à faire.
J'ai ainsi eu un cas où la responsable côté client m'a dépeint comme un employé paresseux, autiste, etc. (Afin de négocier une ristourne sur la fin de mission.) Elle m'a fait pleurer. Et mon responsable côté conseil m'a dit : "On s'en fout, de toute façon, on commence lundi chez [nouveau client]."
Dans un autre cas, le responsable côté client n'était pas content, car mon cabinet avait refusé une prolongation (j'étais déjà recasé ailleurs.) Mon responsable côté conseil avait déposé sa démission, alors il a tout simplement séché le débrief !

En résumé, pour le presta, votre avenir est complètement décorrélé de vos performances. L'attitude de votre responsable côté conseil est complètement décorrélé de vos performances. Bref, c'est un univers kafkaïen, où vous n'avez prise sur rien et où tout peut s'effondrer du jour au lendemain. Cela explique la motivation quasi-nulle des prestas ayant de la bouteille...

mardi 27 août 2024

Il n'y a plus de mois d'août !


Le mois d'août est presque terminé. Mais de toute façon, on ne ressent plus cette ambiance façon 28 jours plus tard, que l'on connaissait autrefois.

Le "tout le monde ferme en août", c'était valable dans un écosystème franco-français. Vous aviez peu d'employeurs étrangers (du coup, ils étaient forcés de s'adapter) et peu d'employés d'entreprises françaises à l'étranger. Avec l'Union Européenne, il y a eu davantage d'interdépendance.

Le second point est plus culturel. Jusque dans les années 90, la vie professionnelle recoupait la vie de couple. Les jeunes avait rencontré leur moitié durant les études. L'entrée dans la vie professionnelle était synonyme de mariage, puis d'enfants. A 55 ans, vous pouviez négocier un plan de pré-retraite et cela correspondait au moment où le petit dernier quittait le foyer. Durant l'essentiel de votre carrière, vous aviez des enfants scolarisés et le fait d'avoir des congés en août, ça vous convenait.
Aujourd'hui, les gens se marient plus tard et ont des enfants plus tard (voire pas d'enfant.) Et comme on travaille plus longtemps, certains n'ont plus d'enfants scolarisés. Alors pourquoi poser systématiquement des congés en été ? Les tarifs des hôtels, avions, locations, etc. doublent durant cette période.

Mais surtout, il y a eu les 35h avec ses journées de rattrapages. Puis l'on a parlé de trois-cinquième, de quatre-cinquième... Les salariés ont pris l'habitude d'étaler leurs congés, de s'offrir des escapades, au gré des promotions.

Aujourd'hui, on voit arriver les "tracances". Vous ne quittez plus longtemps le radar. Ce sont les messages du type "Je serai en congé du temps au temps, avec un accès limité à mes mails." Car même au bord de la plage, vous jetez un œil à vos dossiers. On est passé du "durant le mois d'août, le téléphone est coupé" à "je pars à Prague, mais je vais rédiger une réponse à ce client, ce soir."

jeudi 8 août 2024

Vacances, j'oublie tout

Fut un temps pas si lointain où la France entière s'arrêtait en août. Certaines entreprises fermaient durant tout le mois. Y compris les grandes entreprises. Donc, au temps où vous n'aviez que quatre semaines de congés par an, vous étiez marron. De toute façon, vos clients fermaient, les administrations étaient fermées, les banques étaient fermées, les boutiques étaient fermées, les transporteurs étaient fermés... Alors quel intérêt de rester ouvert ?
Le plus incroyable, vu d'aujourd'hui, c'est que cela semblait normal. Le téléphone sonnait dans le vide. Vous n'aviez pas de boite mail, ni d'accès à distance. Donc aucun moyen de suivre vos dossiers. Et on ne vous en tenait pas grief. On savait qu'il fallait vous recontacter en septembre.

Dans Les vacances du Petit Nicolas, à la fin, le personnage principal retrouvait son quartier. Or, tous les rideaux de fer étaient baissés. Une ambiance de fin du monde, typique des mois d'août.

C'était un temps suspendu. Toute la France était qui dans sa maison de campagne, qui dans un village-vacance FRAM. La télévision ne diffusait que des émissions au bord de la plage ou des séries-TV. Parce que les téléspectateurs aussi, étaient partis.

Ceux qui souffraient, c'était ceux qui n'avaient pas d'emplois. Le chômeur savait que si le 30 juin, il n'avait pas décroché un contrat, il était bon pour deux mois supplémentaires. Et si l'ANPE ne vous avait pas versé vos allocations, vous n'aviez que vos yeux pour pleurer.
Pour le consultant, c'était encore pire. Votre préavis de licenciement se terminait le dernier vendredi de juillet. Impossible de contacter l'ANPE en août, donc vous déposiez votre dossier début septembre, après un mois sans aucune rentrée d'argent.

dimanche 14 juillet 2024

Tout salaire mérite du travail


Le NFP fait du SMIC à 1600€ son cheval de bataille. Tout comme un taux d'imposition mortifère au-delà de 4000€ brut. Et c'est une absurdité.

Pour rappel, on a deux visions du travail qui s'affrontent : tripalium et labor.

Labor, c'est la vision libérale. Le travail, c'est l'épanouissement, la fierté de la tache accomplie. C'est aussi et surtout, l'idée que les personnes les plus formées, les plus compétentes et les plus motivées seront récompensées. D'où l'intérêt d'être un bon employé. Bien sûr, tout ceci est de la théorie.

Tripalium, c'est une vision marxiste. On travaille parce qu'il faut bien faire bouillir la marmite. On va chez son employeur en trainant des pieds et on a hâte de partir. Ce qui fait plaisir aux employés, c'est de travailler le moins possible (cf. les 35 heures), voire carrément de ne plus avoir de travail "alimentaire" pour se consacrer à des activités plus nobles (cf. le revenu universel.)
Alors pourquoi les gens ne se réjouissent pas lors des PSE ? Les plus vieux auront droit à une retraite anticipée et les plus jeunes, à un pécule ! Pourquoi chante-t-on Travailler encore, sur les piquets de grève ?
Mais les progressistes en rajoutent une nouvelle couche. Dire qu'il y a de meilleurs employés, cela signifie qu'il y en a de pires. Et ça, aux yeux des néo-marxistes, c'est de la discrimination ! Pourquoi est-ce que tout le monde n'aurait pas le droit aux promotions et aux augmentations ? Pourquoi est-ce qu'un ingénieur débutant serait payé au prix d'un ouvrier très expérimenté ?
Comme par hasard, les plus farouches partisans de l'inclusions sont ceux qui ont le moins de légitimité. Je ne peux pas arriver à ton niveau, alors je hurle à l'inégalité, déclare que tes avantages sont des privilèges et exige qu'on te les enlève. D'où le concept de NFP d'une courbe de salaire horizontale.

Le patronna applaudit discrètement. Les salaires de bases seraient plus élevés, mais personne ne voudrait travailler à plus de 4 000€ par mois. Car vous subisseriez un effet de seuil : avec les impôts supplémentaires, il vous resterait moins d'argent à la fin du mois. Donc les emplois qualifiés vont disparaitre, au profit de postes avec moins de valeur ajoutée. Plus facile à pourvoir et moins coûteux.
Oui, mais cela voudrait dire aussi que toute personne qui approcherait ce seuil fatidique lèvera le pied. Les grandes entreprises auront également du mal à pourvoir des postes seniors (toujours à cause de l'effet de seuil.) D'ailleurs, pourquoi est-ce que quelqu'un viserait un poste à responsabilité ? La société va chercher à le punir ! Mieux vaut devenir influenceur, que cadre intermédiaire ! Les filières d'excellence risquent de se vider ou de voir des promotions entières s'expatrier.