lundi 13 octobre 2014

Soyez différent... Mais pas trop


Lorsqu'un journal évoque le recrutement, c'est souvent sous un jour idyllique. Ainsi, cet article parle des anti-conformistes.

Anti-conformiste, ça n'est pas uniquement les gens qui ont un piercing ou qui refusent les costume-cravates. On parle de personnes vraiment différentes, avec un parcours original. Bien sûr, une entreprise a en permanence besoin de sang neuf. Il faut des gens qui sortent des sentiers battus pour apporter de nouvelles idées, de nouvelles solutions... Mais en pratique, personne ne veut les embaucher.
Tout d'abord, lorsque quelqu'un embauche un employé, il a tendance à vouloir un clone de lui-même. Il veut de la sécurité. Après tout, il se connait bien. Donc, il se dit que quelqu'un qui a plus ou moins le même parcours agira plus ou moins comme lui. La conséquence bien connue, c'est les bataillons de telle promotion de telle Grande Ecole, qui se retrouvent à travailler ensemble, qui dans les ministères, qui dans les conseils d'administration. Avec des risques de consanguinité et de manque de recul.
Surtout, ils ont souvent peur de ne pas pouvoir maitriser leur employé. Un déviant sera imprévisible, d'après la grille de lecture de son chef. Le chef fera un complexe vis-à-vis de quelqu'un de créatif ou d'intelligent. Un petit génie risque carrément d'être "dangereux" pour la carrière de son supérieur. Dans la Silicon Valley, on les adore. L'idée est d'en extraire le maximum d'idées (puis de les jeter une fois passé la date de péremption.) En France, on se méfie. Les artistes sont vus comme fainéant et les intellos, comme ne passant jamais à l'action. Dans le monde industriel, les gens ont tendance à brider leur créativité et à chercher plutôt des "bonnes réponses".

Enfin, les cabinets de recrutement ne veulent prendre aucun risque. Présenter un original à son client, c'est risquer de déplaire à son client. Donc de perdre un marché.

Concrètement, si vous avez un "parcours atypique", les portes se ferment. Mieux vaut maquiller son CV. Quant à la passion ou au loisir un peu "pointu", mettez le en page 2, l'endroit que personne ne regarde...

mardi 23 septembre 2014

L'effet Tetris

La vie, surtout au travail, c'est comme le Tetris. Les succès disparaissent et les erreurs s'accumulent.

Lorsque vous êtes un "junior", tôt ou tard, vous avez un dossier "chaud". Le genre de trucs fastidieux dont personne n'a voulu s'occuper. Sauf qu'avec le temps, c'est devenu urgent. Alors, en tant que bleu, on vous refile la patate chaude. Vous, vous êtes motivé. C'est un beau challenge. Vous vous attelez à la tâche, pensant que votre période d'essai en dépend. Vous vous imaginez que comme dans les films américains, ça se finira par une présentation en public et que le big boss va vous applaudir...
Sauf qu'une fois le problème solutionné, il ne se passe rien. C'est l'effet Tetris : vous avez glissé une pièce et la ligne complète disparait. Votre N+1 va trouver que c'était une action normale, d'un employé normal. D'ailleurs, si vous étiez son chouchou, il vous mettrait sur des tâches simples (pour que vous enchainiez les succès.) Si c'était une question d'urgence, la personne en amont va considérer que désormais, vous êtes capable de tenir ce rythme de travail. Donc, vous allez voir débarquer d'autres "urgences apocalyptiques". Et bien sûr, si votre succès apporte une quelconque gloriole, votre N+1 va subrepticement remplacer son nom par le votre et se faire mousser avec auprès de la direction.

Et puis, il y a les coups fumants. Avec le temps, vous saurez détecter les situations pourries. Dans la précipitation, vous avez fait ou dit quelque chose qui n'allait pas. Ou bien, dans l'urgence, vous avez outrepassé votre niveau de responsabilité. Et au final, ça vous retombe dessus. Rien de très grave (sans quoi, ça serait le licenciement pour faute), mais "on" s'en souviendra. C'est l'autre effet Tetris : l'empilement d'erreurs. Si votre N+1 est remplacé, vous avez droit à une nouvelle partie. Mais si vous étiez en période d'essai ou en CDD, ça risque fort d'être irrémédiable.
Vos collègues, ils sont déjà en place depuis des années. A la limite, le N+1 s'est habitué à leur incompétence et aux tâches qu'ils ne savent pas accomplir. Mais vous, en tant que nouveau, rien ne vous est permis. Ne serait-ce que parce que le patron veut montrer aux autres qu'il peut être ferme.

jeudi 18 septembre 2014

Incitation à la triche, incitation à la paresse

Pole Emploi est assez binaire. Soit vous êtes au chômage, soit vous ne l'êtes pas. Et surtout, ce statut ne peut pas bouger au cours du mois. Or, dans le monde réel, il n'est pas rare de trouver un contrat (intérim, petit boulot...) pour quelques jours, voir quelques semaines. Sans oublier les CDD ou CDI qui commencent en fin de mois... Depuis peu, les rémunérations comme auto-entrepreneur sont également comptées comme "salaire".

Si vous êtes honnête, le mois suivant, vous allez dire que vous avez travaillé. Le paiement de vos indemnités est bloqué. Vous devez montrer des justificatifs de salaires (ou des factures d'auto-entrepreneur) et on vous en déduira le montant de vos indemnités. Bien sûr, tout cela prend du temps, avec une forte probabilité que suite à une erreur, vous soyez radié ou que vos indemnités soient réduites à 0. Or, c'est bien connu, le chômeur roule sur l'or ! Il peut se permettre d'attendre des semaines, voir des mois, qu'il soit payé ! Essayez de dire à votre propriétaire : "Désolé, je n'ai pas encore reçu le chômage. Je te paye le mois prochain, ok ?"
La seule solution, c'est de tricher. Dans le temps, c'était simple : si vous travailliez hors de votre département de résidence, vous quittiez les écrans de radar. Aujourd'hui, je vous conseille de régulariser a posteriori. Vous jurez que "non, je n'ai pas travaillé", vous touchez vos indemnités et une fois pincé, vous remboursez le trop-perçu. Evidemment, cela implique de vous rendre à Pole Emploi, de faire au moins un courrier, puis d'y retourner parce qu'on vous a radié "par erreur".
Dans un monde idéal, les déclarations mensuelles ressembleraient à des feuilles d'intérim. Sous chaque jour, vous précisez si vous avez travaillé, si vous étiez en congé, etc. Le système actuel est plutôt une incitation à la paresse. Le chômeur veut reprendre un travail. Trouver un CDI ou un long CDD est une gageure. Parfois, le simple fait de travailler quelques jours permet de reprendre confiance et de remettre le pied à l'étrier. Surtout pour un chômeur de longue durée. Mais au lieu d'encourager cela, Pole Emploi sort le bâton. Ne reprenez pas le travail, sinon, on vous coupe les vivres ! A quoi bon travaillez un jour pour devoir ensuite s'en justifier trois jours ? Autant inciter les gens à rester chez eux...

mercredi 17 septembre 2014

Fil à la patte

Le salariat moderne remonte à la révolution industrielle. Il y a longtemps eu le temps du pointage. Le matin, l'ouvrier prend sa fiche et la glisse sous la pointeuse. Tchac ! Début de la journée. Le soir, il remet sa fiche sous la pointeuse. Tchac ! Fin de la journée. Dans certaines usines, il y avait une sirène pour signaler que la journée est terminée.
Aujourd'hui, certaines PME ont encore des horaires uniques, souvent calqué sur le rythme ouvrier. Mais la tendance pour les cadres est de finir toujours plus tard. Aux Etats-Unis, un cadre qui reste très tard est perçu comme proche du burn-out. La DRH va le prendre en charge (NDLA : ne serait-ce que parce qu'en cas de suicide au travail, l'entreprise ferait face à de lourdes conséquences juridiques.) En France, c'est au contraire perçu comme de l'assiduité. C'est l'angle-mort des 35h, on impose davantage d'assiduité aux cadres en leur disant : "Oui, mais tu as des RTT." Qui plus est, avec le développement des technologies nomades, le salarié devient disponible 24h/24. Il peut répondre à ses mails ou travailler sur son logiciel de gestion 365 jours par an.

Le problème, c'est que les grandes entreprises veulent le beurre et l'argent du beurre. Elles veulent des salariés tout le temps disponible, mais qui restent à leur bureau même en cas de creux de travail prolongé. Ils généralisent l'accès à internet et distribuent des téléphones portables, mais ils en exigent un usage strictement professionnel. Les ordinateurs sont portables, mais ils se plaignent des vols et de la casse. Et plus généralement, ils veulent que la frontière entre vie professionnelle et vie privée disparaisse, mais que ce soit le professionnel qui s’immisce dans le privé (et non l'inverse.)

Les plus vieux sont déboussolés. Les voilà sur des "bureaux de passage". Ils discutent avec leurs collègues par chat ; que le collègue soit à 2 mètres ou au bout du monde. Quant à leur N+1, ils ne le voient plus que de temps en temps, lors de visio-conférences. Ils ne sont plus des seigneurs en costume-cravate, mais des télémarketeurs, en permanence derrière leur ordinateur, le casque sur les oreilles. On les a dépossédés de leurs privilèges ; de leurs repères. Surtout, ils se rendent compte que leur embarras est identique à celui des baby-boomers face à l'informatique et à la pratique de l'anglais. Certains essayent tant bien que mal de s'adapter et d'autres, comme les baby-boomers, clament que le progrès n'en est pas un. Quitte à se marginaliser.
Les plus jeunes, eux, ont grandi avec un ordinateur et un portable. Pour eux, il n'y a jamais eu de frontière entre vie publique et vie privée. Jouer à Candy Crush en pleine réunion leur semble normal. Les plus malins ont compris que le nomadisme permet de multiplier les "triangles des Bermudes". Il suffit de se programmer des réunions bidons, de pondre un tableau Excel de temps en temps et surtout, de dire haut et fort que l'on est dé-bor-dé.

mardi 16 septembre 2014

La phobie de la réunion

"Chat échaudé craint l'eau tiède." On devrait dire : " Ancien chômeur craint les réunions. " Plus précisément, les réunions impromptues, seul face à son N+1, voir son N+2. Les réunions du vendredi soir, sur lesquels le responsable ne diffuse pas d'ordre du jour préalable.

Un licenciement, ça laisse des traces. Quand quelqu'un perd son emploi, la seule priorité, c'est qu'il en retrouve un autre. On ne cherche pas à "reconstruire" le chômeur. Tout le monde pense qu'une fois en poste, tout sera oublié; une nouvelle vie commence. Or, il va rester marqué par son licenciement.
La personne a travaillé des mois, voir des années pour l'entreprise X. Il se pensait bon employé ou à défaut, pas pire que les autres. Puis un soir, on l'a convoqué. La personne s'attendait à un banal point. Son responsable lui a demandé de fermer la porte derrière lui. Les mots tombent généralement brutalement, tel un couperet. Le N+1 dit que ça ne peut plus durer ; le salarié est licencié. La décision est sans appel. La lettre recommandée suivra.
Le N+1 jubile. Cela faisait des semaines, voir des mois qu'il fomentait ce licenciement. C'est un poids en moins. Il s'est bien caché, car il voulait éviter tout risque de terre brûlée. Il a déjà préparé "l'après".
L'employé, lui, voit son monde s'écrouler. Pourquoi lui ? Pourquoi maintenant ? Que va-t-il devenir ?

Des semaines, des mois plus tard, il rebondit enfin. Un nouvel emploi, chez Y. Reste les séquelles. La confiance est rompue. L'ex-chômeur sait qu'on peut décider de le licencier d'un seul coup. Ça s'est produit une fois et ça peut recommencer. Il guète le moindre geste, la moindre conversation. L'annonce d'une réunion seul à seul est une vraie torture.
Pourtant, en tant que cadre, il doit régulièrement rendre des comptes à son supérieur. Et ses collègues n'ont pas toujours besoin d'être là.

jeudi 11 septembre 2014

Rentrée

Pour un chômeur, les mois se suivent et se ressemblent quasiment. Mais après un mois d'aout pauvre en opportunités, septembre redonne de l'espoir. Ca y est, les sites d'emplois se remettent à jour ! Parfois, une agence d'intérim ou un cabinet de recrutement vous appelle. Juste pour nettoyer sa base de donnés. Les plus optimistes ont des projets : s'inscrire à une formation, se mettre à son compte, chercher un petit boulot. Après tout, ils sortent d'un mois à gamberger. Le chômeur qui vit en couple ou chez ses parents, est "encouragé" à bouger. Autrement dit, ses conjoints/parents en ont marre de le voir tourner en rond, matin et soir.

Cet état de grâce de la rentrée dure entre 15 jours et un mois. Car après, l'euphorie retombe. Les employés ont repris un rythme normal et le chômeur, lui, est conscient d'être resté à quai.

mardi 2 septembre 2014

Radiez-moi tout ça !

Début septembre, Pole Emploi est en ébullition. Les gouvernements, quel qu'ils soient, aiment bien se faire mousser avec les chiffres du chômage en septembre. Il faut donc faire baisser le chiffre, coute que coute. Les conseillers ont des démangeaisons sur le bouton "supprimer".

Pourquoi septembre ? Car c'est un moment propice. Il y a les chômeurs qui ont eu un petit boulot ou un stage et qui ont "oublié" de le déclarer. D'autres sont partis en vacances (en théorie, c'est autorisé à condition de prévenir au préalable.) Certains chômeurs n'ont pas rempli leur déclaration mensuelle d'activité. Et enfin, il y a ceux qui ne se sont pas présentés à un entretien à Pole Emploi. Tout ce petit monde est ra-dié ! Comme ça, l'agence locale peut indiquer que le nombre de chômeur de son périmètre baisse. On lui offrira une médaille en chocolat! Quant au ministre, il pourra se vanter de son bilan.
A la limite, tout ces chômeurs-là sont en tort et c'est normal qu'ils soient sanctionnés. Sauf que très souvent, la machine bug ; des gens honnêtes sont radiés. Notamment ceux qui ont travaillé et l'ont bien déclaré. Ou ceux qui se sont rendus à des entretiens, mais où leur conseiller était absent. Ceux qui ont mal rempli leur déclaration (ou trop tard.) La règle N°1, c'est de garder TOUS les papiers que Pole Emploi vous envoi ou vous imprime (et il y en a beaucoup.) Et si on vous menace de sanction, allez SUR-LE-CHAMP à Pole-emploi.
Malgré tout, l'agence avouera difficilement ses torts. Le problème, c'est qu'il n'y a pas de bouton "annuler". Quand vous êtes radié, vous avez dépassé le point de non-retour. Le processus est long. Il y a un embouteillage dans les agences. Cyniquement, Pole emploi admet que beaucoup de radiés ne feront pas appel de leur décision et ils disparaitront de la fameuse "catégorie A". Et les autres ? Au mieux, ils recevront leurs allocations avec quelques semaines de retard. Au pire, ce sera le mois suivant, voir le mois d'après. Mais de toute façons, un chômeur peut faire reporter le paiement de son loyer ou de ses crédits, non ?