mercredi 16 novembre 2022

Consultant démotivé


C'est une variante du blues du zappé : vous avez un travail, mais vous savez que c'est une impasse, parce que vous êtes prestataire.

Dans vos premières missions de prestations, vous étiez mo-ti-vé ! Chez le client, vos collègues étaient presque tous d'anciens prestas. Donc, vous aussi, vous aviez votre chance, si vous étiez travailleur. Vous vous impliquez chez le client (et futur employeur, non ?), au-delà de votre périmètre. Au pire, pas de problème : le cabinet de consultants avait ses entrés chez plein de grands groupes. D'ailleurs, là, vous êtiez un peu surdimensionné pour cette mission. Mais ce devait être le début d'une grande aventure...

Qu'est-ce que vous étiez naïf !

Maintenant, vous avez l'impression de vivre toujours la même histoire. Le cabinet de consultant dont vous n'aviez jamais entendu parler. Le commercial au sourire carnassier, qui sera parti dans deux mois. La mission qu'on vous avait survendu. Vous savez bien qu'ils ne vous embaucheront jamais. D'abord, vous êtes trop vieux. Et depuis peu, le problème, c'est que vous êtes trop blanc. Sans oublier les situations où les embauches sont gelées (PSE, fusion/acquisition, déménagement...) La question n'est pas de savoir si la prestation va mal se finir, mais quand...
Au mieux, vous serez prolongé d'un, deux, voire trois mois. Si vous dépassez les six mois, ça vous ouvrira de nouveaux droits à Pole Emploi. Le miracle, ça serait de dépasser la période d'essai. Là, ça serait rupture conventionnelle, avec préavis et compensation. D'ailleurs, les cabinets de conseil font tout pour que ça n'arrive pas (prolongation de la période d'essai, comptage des congés et du chômage partiel...) Une fois la période d'essai finie, n'hésitez pas à demander une attestation...
Le pire scénario, c'est la mission qui s'arrête au bout de quelques semaines. Là, c'est le licenciement express. Vous êtes viré, vous ne repassez pas par la case départ, vous ne touchez pas d’indemnités.

Alors vous vous habitués à naviguer à vue. Vous écoutez à peine le commercial. Vous vous impliquez (et vous vous appliquez) à peine chez le client. Vous voyez défiler les gens et vous ne retenez ni les visages, ni les prénoms. Au point où vous appelez un collègue du nom d'une personne croisée dans une ancienne mission. Au point où vous envoyez votre demande de congé à la RH d'un cabinet où vous étiez précédemment.
Vous n'avez non plus rien à fiche de tel petit chef infect : de toute façon, dans n mois, il ne sera plus qu'un souvenir. Un surcroit temporaire d'activité ? Vous l'avalez, car ensuite, lorsque vous serez au chômage, vous aurez tout le temps de vous reposer...
Paradoxalement, ce côté complètement dépassionné et complètement blasé peut plaire au client. Au moins, vous faites ce qu'on vous dit de faire, sans jamais vous plaindre. Et ça vous vaudra une prolongation de mission !

samedi 12 novembre 2022

Vous êtes doublement viré !

Qu'est-ce qu'il y a pire que de se faire virer ? Une fin de mission de consulting !

Normalement, en tant que consultant, vous devriez avoir des points réguliers avec votre chef (côté client) et le commercial qui vous suit (côté consulting.)
En pratique, il y a un point en début de mission, puis plus rien. Le deuxième point est annulé, car le commercial est trop occupé. Le troisième se limite à un coup de téléphone : "Salut, tout se passe bien ? - Oui. - OK, au revoir." Peu après, un mail vous apprend que "votre" commercial a quitté l'entreprise. Un second débarque. Un point est planifié avec votre chef et vous. Ça y est, enfin du suivi ! Vous allez pouvoir vider votre sac !
Sauf que le jour J, à peine assis, le commercial et le responsable se regardent d'un air entendu : "Donc, on s'est mis d'accord. On arrête la mission."
Au moins, ils n'ont pas tourné autour du pot. Votre N+1 (côté client), il vous a toujours considéré comme un appui provisoire ; il a donc moins de scrupules à vous dégager qu'un interne. Quant au commercial, lui, il ne vous a jamais vu. Toutes les semaines, il a des missions de prestations qui débutent, qui s'achèvent... Il ne fait donc pas plus de sentiments que ça.
Vous, de votre côté, c'est un coup de massue. En plus, il n'y a pas de préavis pour une fin de mission. Une fois, on m'a carrément dit de laisser sur-le-champ mon badge et mon ordi, puis de rentrer chez moi ! 9 fois sur 10, vous êtes encore en période d'essai. Les boites de consulting savent bien qu'une mission dure en moyenne 6 mois. Donc, en prolongeant la période d'essai (4+4 mois chez les cadres), vous êtes sûr que le consultant n'aura pas fini son essai. Donc ça sera le deuxième dernier jour... Au mieux, si votre essai est terminé et que le commercial a vraiment d'autres missions à vous proposer, vous vous sentez trahi. Vous pensiez faire parti de l'équipe et le responsable vous parlait franchement. Non, il a comploté dans votre dos, avec le commercial.

lundi 7 novembre 2022

You're... Fired !

Ce blog existe depuis 8 ans. J'ai évoqué le préavis de départ et le dernier jour, mais curieusement, jamais l'entretien de licenciement.

Les entreprises ne licencient quasiment plus des gens en poste. Le licenciement pour faute est assez bancal. Au pire, on préfère une rupture conventionnelle. Ceux que l'on vire, par contre, ce sont les précaires : intérimaires, CDD, prestataires, personne en période d'essai...

Imaginez la scène. Vous arrivez le matin, comme si de rien n'était. Ce n'est pas le meilleur boulot du monde, mais c'est un boulot ! Vous étiez content d'avoir remis le pied à l'étrier. Ça va mieux, financièrement. Vous osez même faire des projets à moyen terme, comme de planifier vos premières vraies vacances estivales, depuis longtemps. Bien sûr, vous n'êtes pas le meilleur employé du monde. Mais il y a pire...
La journée est banale. Telle commande est en retard. Il y a des frites à la cantine. Les nouveaux porte-clefs de la boite sont arrivés.

Puis c'est l'entretien avec votre N+1.  En général, il commence par tourner autour du pot : "X, vous êtes quelqu'un qui a du talent, mais..." Vous prenez des notes, mentalement : "Pas assez rapide ? OK, je vais m'améliorer." Puis vous remarquez qu'il parle de vous au passé. Intérieurement, vous niez l'évidence, même si vous aviez déjà connu ça, ailleurs : "Non, c'est juste un recadrage. Je suis un de leurs meilleurs éléments..."
C'est là qu'il ressort la grosse boulette que vous aviez fait. Une vraie banderille. Vous êtes désormais à terre.
C'est à cet instant qu'il vous achève : "...Donc, nous avons décidé d'arrêter là notre collaboration." Le ton est rarement agressif. Votre N+1 avait déjà fait le deuil de vous. La décision est prise, vous aurez beau ramper, votre chef ne reviendra pas dessus. D'ailleurs, s'il vous vire, c'est souvent qu'il déconsidérait votre travail.
Il vous fait signer le compte-rendu de l'entretien disciplinaire, comme si c'était un vulgaire papier. Certains vous demandent d'ailleurs de quitter le bureau immédiatement : "Va pleurer ailleurs, j'ai du boulot !" D'autres, faussement empathiques, enfilent les lieux communs : "Ce n'est qu'une épreuve, tu vas rebondir. Ailleurs."

Votre monde s'effondre. Cette routine qui s'était mise en place, au boulot. Les projets. Tout est fini. Et surtout, c'est un retour à la case chômage. Vous êtes à la fois triste et en colère. Votre journée défile. Tout vous semble si futile, avec le recul...

A la longue, vous guettez des signes : un dialogue rompu avec votre N+1, un nouveau-venu qui reprend tout votre travail ou tout simplement, un "face to face" complètement inhabituel... Dans une entreprise, deux des mes collègues venaient de se faire licencier. L'un le lundi, l'autre, le mardi. Donc, lorsqu'on m'a convoqué, le mercredi... Il m'est même arrivé d'aller à un entretien, persuadé d'y être viré, alors que ce n'était qu'un point normal ! Et à l'opposé, une fois, j'étais convoqué en fin de journée, le dernier jour de mon CDD. Mes collègues avait signé un CDI. Et moi, on m'a dit de laisser là mon badge, puis de partir sur-le-champ !