"Il faut escalader !" C'est une phrase que l'on entend souvent en entreprise. Mais ce n'est pas forcément une bonne chose...
La vie classique d'une entreprise est faite de conflits avec d'autres entreprises. Des factures impayés qui s'accumulent, une livraison incomplète ou d'un produit défectueux, un service qui n'est pas effectué dans les temps... Ce sont des petits tracas du quotidien.
Moi, je suis de la vieille école. Celle où un cadre devait résoudre lui-même ses problèmes. C'était cette esprit d'initiative qui distinguait le cadre du vulgum pecus. Dire "M'sieur, m'sieur, il m'embête", c'était un aveux d'échec. Pourtant, j'ai l'impression que les procédures d'escalade se multiplient et se systématisent. Avec quatre symptômes :
1) La raison principale, c'est la culture du consensus. Le conflit est interdit. Cela donne des employés qui ne savent plus hausser le ton à bon escient. Voire parfois, qui sont surpris de découvrir qu'il existe des pierres d’achoppement. Donc ils tirent le signal d'alarme.
2) La variante du 1), c'est le "je vous l'avais bien dit". Un employé ayant un peu d'expérience sent d'emblée qu'une situation peut déraper. Mais parfois, les actions préventives sont difficile à mettre en place. Notamment l'employé, même senior, possède souvent peu de marge de manœuvre. Donc, il voit lentement mais sûrement le mur arriver et une fois dans le mur, il peut enfin bénéficier d'un soutien.
3) Sur les cas récurrents, les causes du conflit sont plus profondes. Il faudrait mettre en place une vraie équipe projet. Par exemple : un contrôle de sortie plus poussé, afin d'éviter les erreurs d'expédition. Mais la volonté n'est pas là. Alors l'employé doit éteindre un feu de forêt avec un jet d'eau.
4) La variante du 1) et du 3), c'est que l'employé est sous-dimensionné pour son poste (junior, quota...) C'est pour cela qu'il lève la main en permanence. Parfois, c'est même lui qui envenime un conflit a priori bénin.
Après, le N+1 n'est pas Superman ! Souvent, il ne sait pas davantage hausser le ton et il n'a pas de marges de manœuvre. L'arme du manager, c'est d'impressionner et de sonner la fin de la récré. Pour autant, s'il est sollicité au moindre accroc, la partie adverse s'inquiétera à peine, lorsqu'elle recevra un mail de lui.
Donc, on fait alors appel au N+2, voire au N+3. Du coup, certaines personnes s'impliquent dans l'affaire, au cas où il y ait quelque chose à en tirer. Pour peu que d'autres services interviennent, cela donne volontiers une usine à gaz, comme un mail avec dix personnes en copie ou des comités juste pour préparer un call... La conséquence, c'est une certaine pesanteur, vu que désormais, il faut que le N+3 valide chaque communication avec l'autre entreprise. Et des couacs, car parmi les nombreuses personnes en copie, il y a toujours des francs-tireurs.
Et je suis d'autant plus critique envers les processus d'escalade que plus vous montez haut, moins vous obtenez de résultat. Le N+3 n'est pas là pour s'occuper du day-to-day. Soit il bloque tout, car faute de connaissance du sujet, ses demandes sont inacceptables. Soit il trouve un soi-disant compromis avec son homologue, qui correspond peu ou prou aux exigences initiales de l'autre entreprise (et généralement, c'est l'un puis l'autre.)