mercredi 2 août 2023

Julie

Depuis une dizaine d'années, l'égalitarisme a vocation à ouvrir davantage certains secteurs a des populations jusqu'ici peu représentées (les femmes, les noirs, les Maghrébins...)

Les gens comme Yves en souffrent. Les tenants de l'égalitarisme se moquent bien de ces "mâles blancs fragiles". La société leur avait donné trop de place, alors ils doivent désormais laisser les autres passer devant !
Sauf qu'à vouloir faire de l'égalitarisme, on finit par desservir la "diversité". Avant l'égalitarisme, il y avait déjà des femmes, des noirs, des Maghrébins, etc. dans l'encadrement. Quid donc des "diversifiés" qui auraient percé malgré tout ?  Prenons le cas de Julie.

J'ai croisé Julie dans une précédente mission en prestation. Ingénieur grande école, d'origine Asiatique, ce n'est pas un quota et ça se voit ! Brillante employée, elle avait été promu à un poste de management fonctionnel.
Dans les directives "inclusives", on a réduit les prérogatives des postes destinés aux femmes. Donc, elle s'est retrouvé à ne quasiment rien faire, tandis que ses collègues masculins étaient surbookés. Elle saurait capable de faire plus. Elle aurait envie d'être bousculée et de transpirer. Mais le programme "diversité" ne tient pas compte de ses compétences ; en tant que femme, elle doit être maintenue dans un "safe space". Paradoxalement, ces directives "d'ouvertures" aboutissent à des mesures condescendantes, voire sexistes et racistes.
En prime, les perspectives ne sont pas bonnes. Car dans les entreprises, il y a désormais des carrières à deux vitesses. D'un côté, la progression au mérite et de l'autre, la progression afin de remplir les quotas de diversité. Charge à la direction et aux RH de définir si un poste de management est ouvert au "mérite" ou à la "diversité". Julie a été cataloguée "diversifiée". Donc, si elle passe manageuse, elle aura là aussi un poste "diversité".

Au quotidien, Julie a des relations tendues avec ses collègues. Forcément, ils n'apprécient pas de la voir buller, alors qu'ils sont au taquet. Enfin, dans un environnement très masculin, beaucoup se méfient des accusations de harcèlement. Donc interdiction de parler avec une femme, a fortiori séduisante, s'il n'y a pas de motif professionnel. Elle, que ce soit à l'école ou au boulot, elle a toujours évolué dans un environnement masculin. Il lui arrive même de faire des allusions olé-olé. Néanmoins, les hommes se tiennent à distance. Et comme elle a peut de travail, elle a donc peu d’interactions avec ses collègues.
Pour son anniversaire, elle avait apporté des croissants, mais personne n'était venu la voir.

mardi 25 juillet 2023

Les collègues les plus toxiques

C'est bien connu : l'enfer, c'est les autres. Voici quelques types de collègues qui vous pourrissent la vie. C'est un peu redondant avec le poste The Office en vrai.

Et rappelez-vous : si ça se trouve, c'est vous, le collègue toxique d'un autre !

1. Le boomer

C'est un ancien cadre supérieur. Pour sa dernière affectation, on l'a rétrogradé et mis sur une voie de garage. Il bulle en attendant d'avoir ses trimestres.

Il tutoie le conseil d'administration de la boite. Pour les procédures d'escalade, c'est un allié utile.

Pour le reste, il apporte surtout du négatif. En roues libres, il refusera souvent le moindre travail. Peu au fait de l'informatique, il va vous demander pour la 45e fois de l'aider à rechercher une commande. Et généralement, il est en permanence à côté de la plaque. Souvent aussi, ses opinions sur les femmes, les gays, les immigrés, etc. ne sont guère politiquement correct (euphémismes.)

La Social Justice Warrior

Très souvent, c'est une femme. Parfois, c'est un homme. En tout cas, très, très souvent, le SJW est issu des beaux quartiers, où il ne croise ni immigré, ni LGBT.

Le SJW a une mission. Il va "conscientiser" ses collègues. Se montrer plus tolérants et plus respectueux de l'environnement, où est le problème ?

Déjà, sa tolérance s'arrête à ceux qui pensent différemment. 

On pourrait parler longuement des ravages du wokisme en entreprise. Mais en fait, les SJW rappelent les syndicalistes de naguère : ils se sont autoproclamés représentants, sont reconnus comme tels par la direction, mais ils ne représentent qu'eux-mêmes et leurs collègues ne les écoutent pas.
On pouvait reprocher aux entreprises de placer les permanences syndicales au fin fond des usines, afin que les syndicalistes soient isolés. Ce qui expliquerait la déconnexion de ces derniers avec les réalités. Les "responsables de la diversité", eux, possèdent souvent un beau bureau au milieu de l'entreprise, mais ils ne sont pas davantage connectés.
On accusait volontiers les syndicats d'user et d'abuser des grèves et autres blocages, afin d'exister. Mais l'ADN du SJW, c'est le conflit. Par définition, le SJW n'est jamais satisfait des "progrès". Il a besoin du conflit pour pouvoir se poser en victime et lancer un "combat". Donc, au quotidien, il recherche en permanence cet ennemi. Mettant ses collègues sous pression, avec la complaisance de la hiérarchie. Si elle vous a dans le nez, vous êtes fini. Bien sûr, pas question de s'attaquer aux autres collègues toxiques : ils sont trop bien installés. 

La caillera

Oh que j'ai eu du mal à la trouver, l'illustration. On sent que c'est un sujet polémique...

Bien sûr, tous les noirs et Maghrébins ne sont pas des racailles et vice versa.

Votre N+1 l'adore. Ça y est, il a rempli son quota de diversité ! Pour le jeune des banlieues, ce qui compte, c'est le rapport de force. Il DOIT avoir le dernier mot. Aussi, il n'hésite pas à monter en épingle la moindre contrariété. Très vite, les insultes fusent, ramenant tous, sur le terrain personnel (sa mère, le coran, etc.)

Au quotidien, c'est usant. Il a le comportement et l'expression (écrite et orale) d'un CM2. Il s'affranchit du règlement de l'entreprise et il agit comme bon lui semble. Il désigne le gars un peu efféminé de la compta par "p'tit pédé", mais il trinque avec lui, au repas de fin d'année.

La hiérarchie est volontiers complaisante. Dans un monde du consensus mou, cette culture de la confrontation permanente est une bonne chose. Et puis, il y a de la condescendance : vu sa couleur de peau et sa culture, c'est normal d'agir comme cela, non ?

Le courant d'air

Il est toujours jamais là ! A la limite, que ses absences soient justifiées ou non, c'est secondaire. Vous le haïssez, point.

Cela fait trois mois qu'il enchaine les arrêts-maladie. A chaque fois, le médecin lui prescrit deux semaines de repos. Au bout des deux semaines, vous pensez qu'il va revenir, mais le vendredi précédent, lors de la réunion de service, le N+1 déclare : "Machin ne sera pas là. Il vient de prolonger de deux semaines."
On ne va quand même pas prendre quelqu'un pour deux semaines, non ? Donc, provisoirement, vous reprenez ses dossiers. Cela fait ainsi trois mois de "provisoire". Trois mois que vous bâclez votre boulot et celui de l'absent. Trois mois de frustration. Et ce n'est pas fini...

Le faux-ami

Dans les entreprises, vous avez parfois la grande gueule. C'est parfois le boomer ou la caillera. Le mec blagueur, qui dit ce qu'il pense et pense ce qu'il dit. Ça change !

Lorsque vous démarrez, vous finissez par l'imiter. Vous manquez de recul sur les réalités de l'entreprise. Vous ne remarquez pas que le faux-ami est surtout acide lorsque les personnes concernées ne sont pas présente...

Le faux-ami vous conseille de foncer dans le lard de la hiérarchie. Avant d'avoir signé un CDI/terminé votre essai. Au mieux, le faux-ami oublie que s'il peut s'offrir le luxe de la franchise, c'est parce qu'il est lui-même intouchable. Au pire, c'est lui qui tuyaute votre N+1 sur vos agissements...

Le Schtroumpf-grognon

Il est en permanence négatif. Lors des réunions de service, il mine le moral de l'équipe, à se plaindre longuement de tout. A l'écouter, il est cerné de problèmes insurmontables. Surtout, il est hostile à toute nouvelle idée, toute modification. Qu'il s'agisse d'un nouvel ERP, de redisposer les bureaux ou de changer de stratégie. Son mot d'ordre pourrait être "il est urgent de ne rien faire."
S'il est écouté par le manager, il torpillera méticuleusement votre projet. Vous avez passé des semaines dessus et en cinq minutes, il finit à la poubelle !

Le petit chef

Entre les managers "copain" et les managers "féminin", les employés se retrouvent souvent face à un vide. Qui peut arbitrer les conflits du quotidien ? Qui prend les décisions urgentes ? Or, la nature a horreur du vide. C'est donc là que le petit chef arrive !

Personne ne l'a désigné. Il s'est lui-même élu chef. En général, cela se cumule avec l'un des autres profils sus-cités (sauf le courant d'air, bien sûr.)

Au quotidien, le petit chef n'hésite pas à donner des ordres. Si c'est une racaille, il peut aller jusqu'à la violence verbale avec un collègue qui contesterait son ascendant. Si c'est un boomer, il s’appuiera sur ses responsabilités passées. Quitte à donner des conseils au PDG ! Si c'est un faux-ami, il se positionnera en intermédiaire incontournable pour "en parler au chef" (quitte à voler votre idée.) Etc.

Souvent, ce n'est que du vent. Le petit chef n'a ni l'envergure, ni l'intelligence d'un vrai chef. D'ailleurs, lorsque le vrai chef s'absente longtemps, le petit chef est vite à court de carburant. Mais en attendant, le N+1 s'accommode souvent de ce "N+0.5". Allant jusqu'à en faire son chouchou.

mercredi 12 juillet 2023

Handover

C'est un cas typique du consultant senior. Votre N+1 côté client vous annonce la fin de votre mission (qui ressemble peu ou proue à un entretien de licenciement.) Mais il y a un deuxième coup de couteau dans le dos : quelqu'un d'autre va prendre le relais. Et c'est à vous de former votre remplaçant.

Au début, vos collègues viennent vous réconforter : "Le salaud !", "il aurait dû te garder !" Puis votre remplaçant débarque. Généralement, c'est une femme ou quelqu'un "issue de l'immigration". Surtout, quelqu'un de plus jeune (donc moins cher) que vous. Et ils ont le statut d'interne. Votre N+1 vous disait que les embauches étaient gelées. En fait, elles sont surtout gelées pour les vieux blancs...

Il vous reste trois ou quatre semaines, avant votre départ définitif. Et au fil de ce "handover", votre motivation ira descendo...

Tout d'abord, il y a la phase d'installation. C'est sûr que lorsque vous êtes interne, tout est plus facile ! Vous aviez du attendre des semaines pour avoir accès à tel bâtiment ou à tel logiciel. Le nouveau, lui, il reçoit tout. Le client interne un peu chiant, avec qu'il faut planifier un call trois semaines à l'avance ? Il se montre d'un seul coup affable et disponible. Vous aviez découvert la société avec trois pdf de présentation ? Le remplaçant a droit à un séminaire de formation de plusieurs jours.

Au bout de deux ou trois jours, vous commencez à transmettre les dossiers. Forcément, vous êtes un peu jaloux et vous scrutez ce qu'il fait. "Pourquoi lui et pas moi ?" Votre N+1 vous disait que c'était un petit génie. Si c'est un quota, vous vous rendez vite compte qu'il est sous-dimensionné pour le poste. Lorsque j'ai dû assurer des handovers, je suis tombé sur des gens ayant des connaissances théoriques très limitées. Au mieux, le handover se transforme en cours niveau première année. Au pire, le remplaçant, démasqué dans sa médiocrité, devient franchement agressif, voire hostile.
Et votre N+1 refuse d'entendre les alertes que vous lui remontez. Pourtant, un employé qui n'est pas au niveau aura plus de chances de faire un burn out, voire de démissionner.

Puis il y a la bascule. Désormais, c'est lui qui est informé de l'avancé des sujets. Vous n'êtes plus en copie des mails et vous n'êtes pas invité aux nouvelles réunions. Il est impératif de se tenir informés de ce qui est encore dans votre scope, sous peine de travailler sur des choses déjà traitées par votre remplaçant... Voire annulée, lors d'une réunion où vous n'étiez pas. Car votre remplaçant est désormais très demandé et il considère qu'il n'a pas de comptes à vous rendre !
Vous êtes de plus en plus isolé. Vos collègues ont déjà tourné la page et ils ont intégré le remplaçant. Si c'est un "double-licenciement", personne n'est là pour écouter vos pleurnicheries. Si vous enchainez une autre mission derrière, vous avez vous aussi tourné la page. Ça vous fait bizarre, d'aller encore dans cet entreprise. En tout cas, vous en êtes réduit à faire du présentiel. Seul. Vous avez un sentiment d'inutilité. Vivement la quille !

dimanche 23 avril 2023

Window living

L'autre jour, j'avais quelques heures à tuer dans une ville de province. Ça m'a rappelé l'époque pas si lointaine où je postulais à des postes à la campagne...

J'ai déjà évoqué l'entretien dans une PME de province. Mais le fun ne s'arrête pas là !

Lorsque vous êtes jeune précaire, vous êtes rarement véhiculé. Sinon, vous possédez une vieille guimbarde bien incapable d'enquiller plusieurs centaines de kilomètres.
Donc, vous venez à l'entretien en train. Seulement voilà, dans de nombreuses villes, il n'y a qu'un train (à l'aller de Paris), le matin et un autre (pour le retour), le soir.

L'entretien, il est plié au bout d'une heure. Ensuite, vous avez n heures à tuer jusqu'au retour. En prime, parce que vous êtes au chômage et que le billet de train vous a coûté deux semaines d'allocations, vous n'avez plus un cent.
Vous voilà errant dans une ville industrielle, sans charme, où vous ne remettrez plus jamais les pieds. Les minutes sont des heures. Ce n'est pas juste du "window shopping". Non, vous faites du "window museuming", du "window mcdoing"... Vous êtes plus seul que jamais, dans cette ville qui vous a rejeté. Et puis, avec votre costume-cravate, ça se voit, qu vous êtes un étranger. Ça se voit, que vous êtes un raté. En théorie, cela fait toujours du bien de voyager. Mais là, c'est une souffrance interminable...

Puis, enfin, le train arrive et vous quittez cette ville pour de bon. L'anxiété ne redescend que sur le quai de la gare parisienne.

vendredi 17 février 2023

I.T.F.

Hollywood aime bien les histoires d'entreprises où un anonyme dévoile à son PDG une idée géniale, qui permet à l'entreprise de se développer. Du coup, l'anonyme est promu sur-le-champ...

En pratique, ça n'arrive jamais. Au contraire.

Imaginez, vous êtes impliqué dans un équipe projet. Il y a eu des moments difficiles, mais le projet est sur le point d'aboutir. Surprise : vous êtes bien au-delà des objectifs. Dans les stats de reporting, vous faites la course en tête.
Un projet qui réussit ? Le presta qui s'en occupe doit partir dans 3 mois, alors ça serait dommage que ce succès reste orphelin... Votre N+2, voire N+3 demande une présentation. Puis il commence à mettre son grain de sel. Et d'autres "huiles" commencent à s'impliquer. La liste des personnes en "CC" sur les mails s'allonge. Des gens qui n'étaient pas du tout impliquées jusqu'ici, voire qui vous avaient envoyé balader !
Une partie du travail du management intermédiaire consiste à repérer les success story de l'entreprise et s'en attribuer le mérite. En particulier les Rastignac.

Dans de rares cas, cela évolue dans le bon sens. Tel interlocuteur refusait de vous communiquer des informations et grâce à un mail d'en-haut, il s'est mis à filer droit !

Mais en général, le projet vous échappe complètement. Bientôt, votre N+3 et ses collègues organisent ds réunions sans vous. Ces inspecteurs des travaux finis s'attribuent le mérite de vos actions. Aussi, ils n'hésitent pas à vouloir faire pisser un peu plus le projet. Vous aviez gagné un marché de 3 millions ? En prétextant des frais supplémentaires, on peut gonfler la note à 4 millions, non ? Faute de connaissances du terrain, c'est la foire aux yaka faukon. Impossible de les contredire. Et ils ont d'autant moins de scrupules que c'est vous qui serez en première ligne, pas eux !
Et lorsqu'il y a une action, elle est pour tout de suite, maintenant. Votre manager se fait mielleux. Il voit bien qu'il dit blanc un jour et noir, le lendemain. Sans parler du PPT de 58 diapos qui vous a occupé, la semaine dernière, jusqu'à 1h du matin. Oui, mais les ITF, ce sont ses supérieurs et vous, votre mission se termine bientôt. Son empathie est feinte ; il a déjà choisi son camp.

Parfois, le management intermédiaire a vendu la peau de l'ours avant que vous l'ayez tué. Et l'ours vous a échappé. Tant pis. De toute façon, ils ont déjà repéré une nouvelle ITF à organiser...

Certains employés se plaignent de faire du présentéisme et de n'effectuer que des taches sans intérêt. Mais d'autres vous diront qu'au moins cela permet de rester sous le radar. Que les choses valorisantes sont une malédiction, pour les employés de base...

jeudi 2 février 2023

The man who wasn't there

J'ai posé un congé d'une journée. Rien d'exceptionnel. J'avais prévenu et remplit une demande en bonne et due forme. Par contre, j'ai oublié de décliner les réunions de la journée, dont un face-to-face.
Personne n'a remarqué mon absence. D'ailleurs, sur plusieurs compte-rendus j'étais noté parmi les "présent". Quant au face-to-face, mon interlocuteur s'est excusé de ne pas pouvoir y assister !

Dans le temps, c'était simple : vous deviez être présent, du lundi 8h au vendredi, à 17h. C'était manichéen : on était présent ou absent. Toute personne qui n'était pas physiquement à son bureau devait se justifier. Bien sûr, cela avait un côté pervers. C'était le temps du manager-pion, qui regardait par dessus votre épaule et des employés faisant semblant de travailler.
Avec les 35h, il y a eu "l'aménagement du temps de travail". Les gens qui s'absentaient un mercredi sur deux, les RTT, les horaires décalés... On passait d'horaires fixes à une obligation d'être présent physiquement dans l'entreprise pendant x heures par an.
 

Maintenant, on passe à une nouvelle étape : la déconstruction du temps de travail. Une transformation d'autant plus sournoise qu'elle fait l'objet d'aucune négociation nationale ; il n'y a que des lignes directrices et des garde-fous qui sont autant de vœux pieux.
Qu'est-ce que la présence, en 2023 ? Certaines entreprises autorisent 3, 4, voire 5 jours de télétravail. Vous croisez à peine vos collègues, au point où des "coffee" sous Teams remplacent la machine à café. Dans d'autres entreprises, il n'y a plus de bureaux dédiés par service. Les jours de présentiels, les employés s'installent où ils peuvent.
Surtout, les notions de "congés" ou "d'arrêts maladie" deviennent floues. Le covid a créé cette zone grise de "potentiellement contaminant pour ses collègues, mais en capacité de travailler". Grippe, angines, gastroentérites sont désormais synonymes de télétravail. En théorie, pour le télétravail, l’assurance ne vous couvre que si vous êtes chez vous. D'ailleurs, vous pouvez exiger de votre employeur à ce qu'il vous fournisse le matériel nécessaire (écran supplémentaire, casque audio...) à l’exécution de votre travail. En pratique, on tolère à ce qu'un employé soit où il veut, tant que le travail est fait. Lors des voyages avec quarantaine obligatoire, on autorisait le salarié à effectuer un télétravail durant la quarantaine et à ne prendre sur ses jours de congés qu'ensuite.
Au quotidien, vous avez souvent Outlook et Teams sur votre smartphone pro. Vous pouvez donc réagir rapidement, même hors des heures habituelles. Or, en entreprise, on glisse vite de "pouvez" à "devez"...

Le monde du tertiaire devient donc un monde virtuel. Dans les cas extrêmes, vous n'avez jamais vu vos collègues ou votre manager "irl". Les gens ne sont plus que des avatars avec des pastilles vertes, rouges, jaunes... Et plus rarement, blanches. Quel que soit le jour et l'heure, vous n'êtes jamais très loin de votre "bureau".
Ce monde-là ne donne pas beaucoup de droits aux salariés, mais pas beaucoup de devoirs non plus. Cela explique le fort turnover actuel. Néanmoins, ce n'est pas grave, on s'habitue à voir disparaitre des avatars et à en voir apparaitre de nouveau. L'entreprise devient un "lobby" de jeu en-ligne...

vendredi 20 janvier 2023

Retraite virtuelle

C'est un marronnier. Après chaque présidentielle, il faut "réformer la retraite". Autrement dit, allonger la durée du temps de travail et diminuer de facto les pensions, avec un calcul plus sévère.

Dire que lorsque j'ai commencé, les plus de 55 ans commençaient à préparer leur retraite ! D'ailleurs, à la moindre bourrasque, les entreprises les mettaient en pré-retraite... 

L'argument des libéraux, c'est que l'on vit plus longtemps et mieux. 65 ans, c'était l'âge de François Mitterrand lors de son élection, en 1981. Il avait alors l'apparence d'un vieillard. Aujourd'hui, on est encore plein de vie, à 65 ans ! Germinal, c'est fini ! Ce n'est pas en remplissant des tableurs Excel que vous allez attraper des douleurs ou des maladies.
A droite, on dira que la caisse de retraites des employés et cadres Français est bénéficiaire. Mais on lui demande de financer les retraites des fonctionnaires et des immigrés, qui sont déficitaires.
A gauche, on souhaite laisser du temps au temps. Les baby-boomers vont bientôt trépasser et il y aura alors moins de retraités, pour un nombre constant d'actifs. Donc le système reviendra à l'équilibre.
Chacun se fera sa religion.

Pour le zappé, le mot "retraite" est un concept abstrait. Au même titre que "promotion", "plan de carrière", "congés", "médaille du travail", "CE", etc. L'horizon du précaire, c'est la fin de son contrat ou de sa mission. Et même s'il est en CDI, il sait qu'il retournera tôt ou tard à Pôle Emploi. Alors se projeter dans vingt ans...
Et lorsque l'on dézoome, on a vite le vertige. Pour ma part, un quart de siècle de carrière, mais seulement sept années d'emplois à temps complet. Puis, il y une petite demi-douzaines d'années employé au moins 50% du temps, avec parfois un trimestre complet dans l'année. Mais les dix autres années, je travaillait de manière très sporadique, avec moins de 10 000€ récoltés dans l'année. Sachant que votre pension de retraite se base sur une moyenne de vos vingt meilleurs années...

Idéalement, il faudrait qu'aujourd'hui, je décroche un CDI bien payé, qui m’emmène jusqu'au bout. Soit exactement vingt ans.
Ça pourrait marcher en théorie. Sauf que personne ne veut d'employés grisonnants. En cas de PSE dans un grand groupe, les employés, cadres et managers de base de plus de quarante ans se font dégager. Plus vous vieillissez, plus les portes se ferment. Cela devient un parcours du combattant. A cinquante ans, le bout du monde, c'est de rebondir comme cadre dans une PME, avec un salaire divisé par deux. Et qui veut recruter un sexagénaire ? Il a souvent déjà un pépin de santé. Sa productivité est déclinante et il a du mal à s'adapter. Ce n'est pas à 60 ans que vous allez vous mettre à l'anglais ou à l'informatique ! En plus, à quoi bon former un employé qui va bientôt partir en retraite ? Alors les sexagénaires se contentent de missions de conseils ou de prestations. Dans ma dernière boite, on se moquait d'un formateur qui avait sucré les fraises pendant deux jours. Un collègue l'avait vu ensuite, perdu dans la métro : il ne savait plus ni où il était, ni où il allait. Tout le monde n'aura pas la vivacité de Bertrand Piccard, à 65 ans, hélas...

Et encore, ça, c'est l'hypothèse haute. La Génération Y l'a bien compris. La prochaine étape, ce sera la disparition du CDI, au nom de la flexibilité. Il n'y aura plus d'employés ou de prestataires, juste des auto-entrepreneurs. Votre travail, quel qu'il soit, vous l’effectuerez à distance et vous facturerez des gens que vous n'avez jamais vu. Oui, tant qu'à faire, vous pourrez bosser depuis une plage Espagnole. Mais il faut plutôt voir que vous serez ouvert 24h/24. Pas question de dire à votre client : "Je ne peux pas le faire maintenant..."
Or, lorsque vous êtes auto-entrepreneur, voire "patron" d'une SASU ou d'une EURL, vous ne cotisez pas pour votre retraite. On va donc voir se développer des produits bancaires de retraite complémentaire. De même que pour les salariés, les mutuelles d'entreprises prennent le pas sur la sécurité sociale et assurent l'essentiel des remboursements. Demain, donc, il y aura des retraites par capitalisation, qui prendront le pas sur des pensions versées par l'état devenues ridicules. Les smicards auront droit à un minimum vieillesse. Les cadres supérieures vivront très bien, grâce à des complémentaires déplafonnées. Et au milieu, il y aura vous, qui toucherez à peine plus que le minimum.