lundi 4 août 2025

Chiens de prairie

Lorsque j'ai débuté, l'informatisation était balbutiante. La moindre extraction de donnés prenait parfois des heures. Une partie du temps était passé à ouvrir le courrier. Le fax était également chronophage, car la mémoire de la machine était limitée. Impossible d'enchainer les envois : vous deviez attendre qu'il ait envoyé des documents et qu'il ait de nouveau de la mémoire libre. Enfin, de nombreuses archives étaient uniquement disponibles sur papier. Donc, vous deviez traverser tout le site, pour avoir votre information.

Aujourd'hui, tout a été numérisé, automatisé, etc. De nombreuses taches chronophages ont disparu. Des métiers de "petites mains" (secrétariat, documentaliste, distributeur de courrier, etc.) ont été supprimés. En revanche, dans les services, le nombre d'employés n'a pas été réduit. Parfois, au contraire, il a augmenté.
Car désormais, les fonctions transverses se sont multipliées. Simplification des procédures, mise à jour des normes, traitement des problèmes de non-qualité, constitution d'un outil de reporting et autres bakayoke... Autant de projets qui durent des mois et qui feront très bien sur un rapport annuel. Au lieu de travailler sur leur métier, les cadres enchainent les réunions de suivi, les Excel, etc.

Le problème, c'est que parfois, il y a un vrai projet ! En général, on commence par le donner aux employés. Mais faute de temps - et de récompense en cas de succès -, ils ne s'en occupent pas. Alors il faut embaucher un presta dédié. Les entreprises ont du budget, pour les prestataires. Alors elles s'offrent des vieux hommes blancs, facturés à prix d'or par les cabinets. Dans les grands groupes, notre quadra, voire quinqua, se retrouve avec une équipe "diversifiée" et ayant l'âge de ses enfants. Pour eux, les "boomers" sont le mal incarné et les rapports sont franchement hostiles. En théorie, notre prestataire devrait disposer du support des employés. En pratique, ils l'envoient promener.
Les mois passent et le projet progresse. La hiérarchie commence à en parler. Alors, tels des chiens de prairies, les employés passent la tête. Ce n'est pas exactement une ITF. L'ITF, c'est l'apanage des managers et ils n'arrivent que lorsque le projet est achevé à 90%. Les chiens de prairie arrivent plus tôt. Rappelons qu'ils haïssent le presta et ils ne vont surtout pas lui demander un briefing ! Ils préfèrent s'inviter dans les réunions. Réunions qu'ils interrompent avec des questions idiotes. Et bien sûr, ils font attention à ne pas se mettre en action de rien ! L'objectif, c'est uniquement d'avoir son nom sur le compte-rendu. Ensuite, comme des chiens de prairies, ils retournent à leur tanière.